Le carnet du CFC
Le tacot de Néronde
Texte et photos François Borie
Au plus fort de l’hiver, évoquer des souvenirs de vacances d’été peut sans doute aider à oublier un peu le froid et la grisaille, alors voici quelques mots autour d’une poignée de photos que j’ai rapportées de mon séjour à Feurs, dans la Loire en août 2004.
Le nord du département de la Loire comporte de multiples petites routes et chemins vicinaux sur lesquels il fait bon circuler à bicyclette, le seul hic, c’est que dès qu’on quitte la plaine du Forez, ça monte. Pourtant, le détour vaut souvent la peine car les paysages sont fort
attrayants. Alors j’étudie attentivement la carte détaillée pour débusquer le chemin idéal qui me permettra de gravir la montagne en montant le moins possible. Mais l’étude de la carte révèle aussi bien d’autres choses et c’est ainsi qu’en préparant une sortie vers Balbigny, juste au sud du fameux seuil de Neulise, je vois sur ma carte un figuré bizarre suivant une ligne fort sinueuse, tantôt le long de chemins
agricoles, tantôt carrément à travers prés, et qui semblait elle aussi chercher à gravir sans monter… Ajoutez à cela quelques ouvrages d’art pourtant bien marqués sur la carte, mais qui semblaient ne mener nulle part. Vous avez compris qu’il s’agissait d’une ancienne voie ferrée.
Le jour de la sortie, donc, l’appareil photo chargé comme il se doit, je décide de faire quelques détours là où la ligne semble accessible et assez proche de mon projet d’itinéraire.
Une fois sur place, pas de doute, d’autant que des autochtones fortuitement rencontrés, me parlent du « tacot » qui a circulé avant guerre et du «
Pont Marteau » qu’il faut absolument aller voir.
De retour à Paris, j’interroge l’ami Dubout qui tire de son inestimable bibliothèque ferroviaire le bouquin qui m’apprendra tout sur cette ligne et le réseau départemental de la Loire dont elle a fait partie.
Pour ceux qui veulent tout savoir, je renvoie à l’ouvrage en question « Tacot et Galoche en Roannais et Forez » de Frédéric Toublanc, paru en 1993 aux
Editions de l’Ormet.
Je ne donne ici que quelques éléments puisés dans cet ouvrage. Comme souvent, l’histoire du réseau de la Loire est rendue compliquée par la conjonction de la volonté d’élus pas toujours très au fait des solutions techniques et à la tête de moyens financiers limités et d’une certaine résistance de compagnies existantes assez jalouses envers tout ce qui peut leur faire concurrence.
Après avoir donné naissance aux premiers transports ferroviaires vraiment opérationnels au milieu du XIXème siècle, le département souhaite s’équiper d’un réseau de desserte locale pour compléter les « grandes lignes » qui le traversent du nord au sud et d’ouest en est. Un projet important est élaboré entre 1886 et 1893, souvent discuté et modifié au gré des luttes d’influences entre élus locaux pour aboutir à un projet de réseau départemental réduit à deux lignes et à la création du C.F.D.L. (Chemin de Fer Départemental de la Loire) en 1895.
Malheureusement les déboires et les déficits arrivent très vite, plusieurs liquidations judiciaires ont lieu en 1902, puis 1907 aboutissent à la disparition des C.F.D.L. qui seront repris par François
Mercier (1), entrepreneur de Moulins, déjà concessionnaire des chemins de Fer départementaux de l’Allier.
La société des C.F.C. est créée en 1908 et regroupera à partir de 1911 les Chemins de Fer de l’Allier et les C.F.D.L.. Très vite, de nouvelles lignes vont pouvoir être mises en service. Mais la ligne Balbigny–Regny mise en chantier en 1913, s’enfonce dans la montagne et sa construction difficile est interrompue par l’ouverture des hostilités en 1914.
Le chantier repart doucement, faute de main d’œuvre, mobilisée, et d’approvisionnements. Les restrictions imposent certains choix, comme le remplacement de l’acier, prévu initialement pour la construction du viaduc de Néronde, par du béton armé, moins vorace en métal. La ligne sera finalement ouverte au trafic en 1923. Les soucis ne sont pas pour autant terminés car cette ligne a coûté très cher et les C.F.C sont endettés. De déficit en rachat, ils deviennent la Régie Départementale des Chemins de Fer de la Loire (C.F.L.).
Le réseau sera exploité jusqu’en 1938, les dernières lignes fermées en 1939, juste avant la guerre. La ligne Saint-Just - Regny est adjugée et fermée le 31 mai 1939.
Cette sympathique ligne à voie métrique avait, comme bien d’autres son intérêt particulier, et notamment les locomotives 130 Decauville qui l’ont parcourue et dont je trouve, sur les photos du moins, l’esthétique très réussie.
NdlR :
François Mercier était également le président du chemin de fer du Val de
Vouga au Portugal d'où vient la 130T Decauville E96 du Musée des Transport de
la Vallée du Sausseron (MTVS). |