Le carnet du CFC
Vestiges des mines de Communay
Marc André Dubout
Communay,
petite bourgade du Rhône (depuis le 29 décembre 1967), autrefois incluse dans la périphérie du
Département de l'Isère a
connu un développement minier dont il reste encore aujourd'hui quelques traces
de son passé industriel.
Le charbon a toujours existé en France, les Gaulois déjà exploitaient les
couches affleurantes pour se chauffer sans se préoccuper de la qualité du
combustible.
Sous Louis XV, l'État devint propriétaire du sous-sol et c'est le Roi qui
accordait les concessions sans oublier de percevoir les taxes afférentes à
l'exploitation.
Le charbon communaysard est du lignite, charbon qui contient de 60 à 75 % de
carbone.
Si dès 1748, les mineurs observent la présence de charbon sur la commune, il
faut attendre 1800 pour qu'ils s'y intéressent vraiment, et ce, pendant une trentaine
d'années.
En 1850, des sondages sont effectués révélant la présence du
charbon à plusieurs endroits : Simandres, Marenne, Chaponay, etc., à des
profondeurs variant de 180 à 412 mètres.
Le bassin est la continuité de celui de l'Ain s'étirant entre Miribel et
Montluel.
Des travaux de fonçage sont entrepris et bien vite inondés par les eaux de
nappe phréatique.
Sur cette carte Michelin N°74, pli 11, on voit partiellement la voie ferrée de Communay à Chasse (21 Km).
Rappelons qu'au Nord de Chasse un triangle permettait de relier les deux lignes de la rive gauche et rive droite du Rhône, ainsi que celle vers Vaise, à l'Ouest de Lyon.
L'exploitation
de la mine
La période de réelle exploitation de la mine s'étend de 1833 à 1928. Au début,
l'exploitation était entièrement manuelle et dès 1802, la première machine
à vapeur d'extraction était mise en marche. Dans les années trente de
nombreuses demandes de concession sont présentées.
En 1833 deux concessions
sont enfin accordées : une à Ternay et une autre à Communay. L'ordonnance royale1
délimite les concessions et rappelle les droits et devoirs des parties,
incluant les redevances fixes et celles liées à l'extraction, ainsi que les diverses
obligations et servitudes. À cette ordonnance est joint le cahier des charges
précisant les modalités d'exploitation.
Le charbon extrait est convoyé à Chasse-sur-Rhône2
par des tombereaux tirés par des chevaux mais ce moyen de transport trop
rustique freine la production et il faut attendre 1898 pour qu'une
ligne à voie étroite soit construite entre Communay et Chasse où les wagons
sont transvasés dans les wagons P.L.M.
En 1845 de graves difficultés financières apparaissent et c'est à cette
époque que le puits "Gueymard" est foncé. Une nouvelle machine
à vapeur de 30 Cv assure l'exhaure.
En 1850, c'est la Compagnie du Rhône qui reprend la mine et fonce en 1866 le
puits de "l'Espérance".
30 à 40 000 tonnes de charbon sont extraites pendant cette période, d'abord par
"traînage"3
puis par le roulage4.
C'est à cette poque que le cheval remplace la traction humaine.
En 1872, la Société des Houillères de Communay remet en marche le puits
"Bayettan" et creuse le puits "Sainte-Lucie". En 1882,
elle dépose le bilan.
En 1884 cinq puits sont en exploitation : "Bayettan", "Gueymard",
"Sainte-Lucie", "Saint-André", "l'Espérance".
La mine est reprise en 1896 par la Société Civile des Mines de Communay qui, en
plus du charbon, cherche à valoriser le mâchefer issu de ses chaudières.
En 1898, la Société des Mines d'Anthracite de Communay réouvre le puits
"Bayettan" abandonné en 1876 et construit la ligne de chemin
de fer de Communay à Chasse-sur-Rhône, reconnue d'utilité publique en 1890.
Suivront quatorze années d'exploitation régulière avec une production de 30 à 40
000 tonnes/an assurée par 300 à 400 mineurs.
À la veille de la première Guerre les affaires marchent bien. Une usine
d'agglomération valorise le menu qui est transformé en boulets.
Malheureusement en 1913 le bilan est déposé une nouvelle fois, la Société
des Houillères de Communay est mise en liquidation.
En 1917 une nouvelle société remet la mine en exploitation et fonce le puits
"Sauveur" qui produit un bel anthracite.
La production a toujours progressé, cependant la Société doit une fois
de plus déposer le bilan et la mine est reprise par la Société des Mines de
Marennes dont le siège est à Grenoble et qui semble-t-il n'a jamais extrait de
charbon à Communay.
Une négociant en charbon de St Étienne se porte acquéreur de la concession et
fait foncer une descenderie et un puits (jamais utilisé) et la concession reste
au sein de la famille jusqu'en 1938 puis elle est vendue aux Mines de
Montrambert.
En 1941, 650 000 tonnes auraient été extraites et les réserves s'élevaient
à 3 000 000 t. Les mines fermées réouvrent pour les besoins de la
guerre.
Les rapports du bureau des mines fermées est assez sévère quant à la gestion
des mines de Communay qui auraient du conduire à bonne fortune et l'échec est
uniquement d'ordre financier et de moindre importance d'ordre technique.
La réouverture se fait par les Charbonnages du Forez à St Étienne. Le petit
train vendu à un ferrailleur avant la guerre ne peut être réutilisé et c'est
un système de roulage par treuil qui sera mis en œuvre. Les chevalements sont
remis en service avec les moteurs électriques.
Après guerre la production devient de moins en moins rentables, la mine est
rattachée aux Mines de St Étienne qui voient d'un mauvais œil cette
concurrence et qui finalement sabotent littéralement les installations
(destruction des murs par des camions, découpage de câbles au chalumeau,
bouchage des puits par des dalles de béton, etc.).
Les mineurs sans emplois sont
désespérés. Certains retrouveront du travail chez Rhône-Poulenc à l'usine
de St Fons.
La mort d'un puits est celle d'une commune.
Vue
générale du puits de "l'Espérance" avec en bas à gauche le petit train
revenant vide de Chasse-sur-Rhône où ses wagons ont été transvasés dans
ceux de la ligne P.L.M.
Il s'agit de wagons type "girafe" et la locomotive ressemble bien à une
Decauville. Bien que l'écartement de la voie étroite ne soit pas précisé il
s'agit sans doute d'une voie de 60 assez lourdement armée d'après les vestiges
de rails observés.
Pendant la période d'inactivité des mines de 1924 à 40 une usine de parpaings
utilisant la mâchefer du crassier expédiait ses produits par la ligne de chemin
de fer reliant Communay à Chasse.
Cela dit, la position de l'homme sur le dernier wagon laisse à penser que le
train refoule sa rame peut-être vers le puits "Sauveur".
Toujours
le puits de "l'Espérance" avec cette fois la locomotive bien visible. À droite,
les wagons "girafe" pour le transport entre le carreau et la gare de
Chasse-sur-Rhône.
Au fond à gauche le bâtiment abritant la machine à vapeur.
À droite une autre vue de la machine qui semble être une Decauville type Royan6.
Une autre vue du carreau du puits de "l'Espérance", la locomotive semble quitter la mine pour s'acheminer vers Chasse. Noter devant la salle de la machine à vapeur le petit dépôt avec son toit à lanterneau.
le
puits "Espérance". Au premier plan l'ensemble du boisage nécessaire au cuvelage
des galeries. Les bois de mine étaient produits en Sologne.
Le bras, le chapeau, le buffon de milieu constituent les éléments de
sécurité de la galerie.
Puits de "l'Espérance" avec à gauche les wagonnets du fond à benne basculante et les wagons de surface de plus grande capacité et qui servaient au transport du charbon à la gare voisine de Chasse-sur-Rhône.
Le puits en 1920. Là encore la présence de la voie ferrée atteste de l'activité du carreau. Elle reliait le puits "Sauveur" à celui de "l'Espérance".
Le puits "Sainte Lucie" desservi aussi la la voie ferrée.
Le puits Sainte Lucie, la sortie des mineurs.
Le chemin de fer
Une "Notice sur les Mines de Communay" (de 1892) destinée à proposer des
actions au public a un chapitre consacré au chemin de fer. Nous la publions in
extenso :
"La production des mines de Communay a été forcément limitée
jusqu'à présent, par suite de l'impossibilité matérielle de transporter une
grande quantité de charbon par les routes ordinaires. Afin d'obvier à cet inconvénient qui paralysait d'une façon absolue le développement de son exploitation, la Société a fait des démarches nécessaires pour obtenir la concession d'un chemin de fer destiné à relier directement la mine à la gare de Chasse, située à 21 kilomètres de Lyon. Cette concession lui a été octroyée par décret du Président de la République, publiée dans le Journal Officiel, en date du 10 décembre 1890. Les formalités d'expropriation viennent d'être terminées, les travaux sont déjà commencés sur une partie du parcours et le raccordement avec le P.L.M. sera achevé dans le courant de l'année 1892, de façon à ce que la ligne soit prête à fonctionner pour la prochaine campagne d'hiver. la construction de ce chemin de fer va augmenter dans des proportions considérables le bénéfice de la Société, en lui permettant de décupler sa production et de réaliser en même temps une économie de plus de 2 francs par tonne sur ses transports et ses frais généraux". |
Dans la partie témoignages des anciens Mineurs, M.
Defélix témoigne au sujet du petit train : "Y'avait des wagonnets qui
reliaient sauveur à l'espérance... un p'tit train train... y'avait des rails
qui descendaient jusqu'à Chasse... I'cornait...et puis des fois ça allait trop
vite, i'déraillait !... Y avait pas de freins !... les p'tits wagonnets en
fer-là et la locomotive-là... ça allait trop vite... Y avait pas de frein:...
ça allait trop vite !... Il emmenait le charbon à Chasse, quoi ...".
Un autre témoignage, celui de M. Crozet, encageur qui nous parle de son
métier : "Au fond, j'étais encageur... c'est-à-dire que... je roulais
les bennes de charbon ou les bennes de crassier, quoi... jusque dans les cages
et à ce moment là on n'avait pas de téléphone en bas, c'étai la sonnette,
quoi... c'était Roger Savoy qui était en haut ou Fanfan Tenet, aux manettes,
quoi...
Alors on travaillait dans trente centimètres d'eau avec des bottes et puis quand
ça déraillait, les wagonnets, y fallait prendre des bouts de bois pour les
remettre sur les rails, pour les pousser jusqu'à la cage, quoi, alors on les
poussait jusqu'à la cage. Et après, l'après-midi on déchargeait les bois...
Les flandres5,
là tous les bouts de bois qui servaient au fond quoi, alors on les sortait de
la cage, on les mettait dans des chariots et on les emmenait dans les galeries,
à la disposition des boiseurs...".
Et
aujourd'hui
Et bien aujourd'hui il
ne reste plus grand chose de cette activité qui a pourtant duré près d'un
siècle
Le château d'eau est resté debout. Il servait à alimenter en eau le lavage et le criblage du charbon.
Petites berlines à roues folles de faible capacité certainement réservées au roulage de fond. Poussées à la main par les hommes ou tirées par les chevaux, ces derniers étaient habitués à leur charge et une benne de plus accrochée, ils refusaient de tirer.
Wagonnet à benne basculante et roues folles. On en voit de semblables sur les cartes postales du début du siècle.
Berline de grosse capacité de deuxième génération pour le transport du charbon au jour. L'attelage central a disparu au profit du double tamponnement.
Wagon destiné au transport des bois de mine.
Wagon à caisse fermée pour le transport des divers matériels et explosifs.
Wagon
pour le transport des mineurs. Huit places assises se répartissent en deux
compartiments.
Là encore c'est le double tamponnement qui est d'usage sur ce nouveau
matériel.
Noter la différence d'attelages à double tamponnement. À gauche avec des
tampons à ressorts pour les wagons transportant les mineurs, à droite avec des
tampons secs pour celui des matériels et des berlines de charbon.
Restauration du chevalement du puits "Espérance". Le corps du bâtiment, de façon assez rustique, est construit en béton armé, la toiture est en bois surmontée d'un clocheton qui laissait apparaître les deux molettes.
Intérieur du bâtiment abritant le chevalement. On distingue encore l'emplacement du puits (bouché) au droit du chevalement.
Il reste d'autres vestiges que je n'ai pu voir faute de temps comme ceux
des puits Sauveur, Beyettan le site de la poudrière où étaient stockés les
explosifs, des traces de mâchefer, ainsi que des maisons d'ingénieurs et de
mineurs (Cité des mines) et la "Villa Jeanne", la maison du
directeur.
Un "chemin du Tram" rappelle également l'existence de l'ancienne
ligne de chemin de fer qui cependant ne passait pas par là.
Notons qu'à la lecture du livre "... à Communay la mine" les auteurs, au cours de leur recherche sur la mine, ont appris que les archives servaient à allumer la chaudière, ce qui en dit long sur le devoir de mémoire tel il est perçu dans notre pays.
Notes
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Sources :
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