Le carnet du CFC
Un mois à l’atelier de la CITEV
Baptiste Perrier
Dans le cadre de mes études, j’ai eu l’occasion d’effectuer un stage d’un mois à l’atelier de la CITEV (Compagnie Internationale des Trains Express à Vapeur) exploitant le Train à Vapeur des Cévennes (TVC).
Petit rappel historique sur la création de la CITEV.
La CITEV a été créée à la toute fin des années 1970 par Benoît Zielinger en tant qu’association de préservation de matériels ferroviaires. La première locomotive à vapeur à avoir été sauvegardée est la 140 C 27 qui fut restaurée, remise en état de marche et employée pour des trains touristiques sur les lignes SNCF autour de Strasbourg, Conflans-Jarny et Verdun. Cette locomotive a été construite par North-British locomotive company limited en 1917 et entièrement révisée dans les ateliers Malowa en Allemagne pour circuler de nouveau sur la ligne depuis juin 2011. Elle reste malheureusement peu adaptée à la traction du TVC, n’ayant pas été construite pour rouler à si faible allure.
Il s’agit de la seule locomotive 140 C préservée avec un tender 34-X, d’une contenance plus capacitaire en charbon et en eau que les 18-B normalement attelés d’origine à ces locomotives.
Ces mêmes passionnés sauvent la ligne d’Anduze à Saint-Jean-du-Gard qui allait être démantelée et créent l'association « Train à Vapeur des Cévennes ». La première circulation touristique s’effectua le 3 juin 1982.
Malgré les très bons résultats de l’exploitation du train, les membres se séparent et mettent fin à l’association en 1985. L’année suivante, une entreprise reprenant le nom de l’association CITEV relance le train touristique sur la ligne et depuis le succès de ce train ne se dément plus. Après avoir été dirigé par François Zielinger, le frère de Benoît, l’entreprise a à sa tête Stéphane Schneider.
Il est à noter que l’entreprise a aussi exploitée la locomotive 141 R 568 (une charbonnière) dans la région de Capdenac, avant que cette dernière soit vendue. Celle-ci est toujours en état de marche, mais roule aujourd’hui dans un autre paradis ferroviaire, la Suisse.
Le matériel moteur du TVC
Mis à part la 140 C, plusieurs locomotives à vapeur ont été achetées afin d’effectuer la traction du TVC.
La 030 T 8158 construite par SACM en 1953 (dernière locomotive à vapeur construite en France) a été remise en service en 1994 et est originaire des Houillères du bassin des Cévennes. Elle est actuellement démontée et attend que l’on s’occupe d’elle.
La 040 T 1751 construite par Krupp en 1937 a été achetée en 1991 par la CITEV et remise en état de marche en 1999. Elle est actuellement en service.
Enfin, la dernière arrivée est la 040 T 25724 construite par Henschel en 1945, achetée en 2006 et remise en état de marche en 2009. Elle est en cours de révision mécanique.
Il est à noter que deux locomotives à vapeur ont circulé sur le TVC : en 1982 la 030 T 5226 construite par Fives-Lille qui se trouve aujourd’hui au TTGM* et en 1993 la 040 TA 137 de l’AJECTA**.
Chaque jour de circulation, une locomotive à vapeur est en service afin d’effectuer deux voire trois allers-retours en fonction du moment de la saison. En plus des circulations vapeur, un aller-retour est effectué en locomotive diesel. Pour ce service, trois locomotives peuvent l’assurer : la BB 63812 ex-SNCF louée à l’ATTCV***, la locomotive allemande à bielles V60-38 ou la locomotive Schneider SMN n°902. Il est à noter que seule la BB 63812 est en état de marche à l’écriture de ces lignes.
Toujours dans le matériel roulant du TVC, l’autorail VH-24 construit par Renault en 1935, puis acheté par la CITEV en 1979 et restauré en 2003 assure quelques rares sorties pour des groupes ou des réservations d’amateurs.
Enfin, n’oublions par les deux locotracteurs Gaston Moyse, une draisine ex-SNCF prénommée "Rosalie" et un engin rail-route permettant l’entretien de la voie et de ses abords.
Le matériel tracté du TVC
Les voitures du TVC se composent d’anciennes voitures postales transformées, de voitures Bastille, de baladeuses transformées sur la base d’anciens wagons à essieux de la SNCF et d’un fourgon transformé pour accueillir des fauteuils roulants. Le reste se compose d’un fourgon, d’une voiture postale non-transformée, de wagons plats et couverts, d’une citerne utilisée en cas d’incendie et de lorrys.
La ligne du TVC
De Saint-Jean-du-Gard à Anduze, les 14 kilomètres de voies suivent une vallée encaissée creusée par différents gardons. La ligne surplombe en grande partie la vallée permettant de très belles vues, principal attrait du TVC.
La ligne dispose de trois gares : Anduze, Thoiras et Saint-Jean-du-Gard où le croisement est possible, une station : Générargues, et deux haltes : Corbès et Massiès, cinq maisons de garde-barrière et quinze passages à niveau. Le train s’arrête uniquement à la gare de la Bambouseraie créée pour desservir ce jardin exotique qui attire de nombreux touristes en été. Les ouvrages d'art sont omniprésents et comportent un imposant pont métallique à l’entrée d’Anduze, environ 9 viaducs pour un total de 54 arches, 4 tunnels et 3 galeries voûtées. Il est à noter que depuis cette année 2019 un parcours en vélorail est proposé en plus des trains sur le parcours au départ de la gare de Thoiras à la station de Générargues.
Le dépôt-atelier
En plus d’assurer la maintenance de son propre matériel roulant, la CITEV restaure depuis quelques années des locomotives à vapeur et des voitures, de la partie mécanique jusqu’à celle esthétique en passant par la carrosserie.
Ainsi, les ateliers situés à Saint-Jean-du-Gard ont restaurés de fond en comble la Mallet 020+020 T n°101 circulant dans le Velay ainsi que la bicabine 030 T HL n°303 de l’ASVI**** en Belgique, toutes deux à voie métrique. D’autres locomotives sont passées par ces ateliers pour des révisions, des remises en état de présentation, etc. Une voie à quatre files de rails permet d’accueillir des locomotives des trois écartements (voie normale, métrique et submétrique).
*TTGM : Train Touristique Guîtres-Marcenais
**AJECTA : Association de Jeunes pour l'Entretien et la Conservation des Trains d'Autrefois
***ATTCV : Association du Train Touristique du Centre Var
****ASVI : Association pour la Sauvegarde du VIcinal
Après cette présentation, voici le Train à Vapeur des Cévennes en photos.
Départ de Saint-Jean-du-Gard
La gare de Saint-Jean-du-Gard est dans un très bel état et s’est vu rajouter un auvent côté Anduze pour ceux souhaitant déjeuner au snack « La Guinguette du Petit Train ». La gare a conservé son plan de voie et son deuxième quai, bien que ne servant
A l’extrémité de la ligne, un quai à charbon a été construit et une pelle mécanique de la célèbre marque Orenstein & Koppel y officie.
Départ.
La ligne
Peu après le départ de la gare de Saint-Jean-du-Gard, nous longeons les ateliers et remises du TVC. Tous les matins des jours de circulation, l’allumage de la locomotive à vapeur (toujours chaude de la veille) s’effectue devant le dépôt.
Le début de la ligne jusqu’au passage à niveau n°15 ne présente pas d’intérêt majeur. Elle évolue entre quelques pâtures, conifères et maisons particulières isolées. Un passage à niveau non gardé conserve encore ses barrières pivotantes d’origine.
Du PN n°15 à la gare de Thoiras, la ligne évolue à flanc de vallée en passant sur plusieurs viaducs, dans un premier tunnel et à la halte de Massiès.
Peu après la gare de Thoiras, nous passons sur l’autre rive grâce à un élégant viaduc en courbe sur le Gardon de Saint-Jean. Ce Gardon reste maintenant en contrebas de la voie de laquelle il n’est pas rare de croiser des baigneurs, des pêcheurs et surtout de magnifiques panoramas sur la vallée grâce aux nombreux viaducs ponctuant cette section de la ligne. Nous passons sans arrêt la bucolique halte de Corbès et la station de Générargues, celle-ci servant de terminus aux vélorails, avant de marquer l’arrêt à l’unique gare de la ligne, celle desservant la Bambouseraie.
La gare de la Bambouseraie a été créée pour desservir le jardin exotique situé immédiatement à côté. Elle se compose d’une seule voie en courbe située sur un haut talus et d’un quai sur lequel se trouve un abri en bois et plusieurs bancs originaux construits sur d’anciens essieux réformés, une excellente réutilisation. Les 15 hectares de la Bambouseraie sont un endroit idéal pour se promener à l’abri de la flore luxuriante et de découvrir d’innombrables plantes exotiques dont les fameux bambous !
De la gare de la Bambouseraie à celle d’Anduze, nous croisons plusieurs passages à niveau, chacun toujours muni de leur maison de garde-barrière et traversons le gardon d’Anduze sur un superbe viaduc métallique coincé entre deux falaises et marquant ainsi la porte d’entrée des Cévennes.
Arrivée à Anduze
Le très joli bâtiment-voyageur reste bien fonctionnel et aménagé pour accueillir les touristes.
Vers le sud de la gare, direction Alès. La voie a été déposée et est en cours de transformation en voie verte, empêchant tout acheminement de locomotives par le rail !!
Vers le nord de la gare, direction Saint-Jean-du-Gard par la ligne du TVC. À chaque départ en traction vapeur, le chauffeur ne doit pas charger son foyer afin d’éviter d’enfumer les voyageurs dans le tunnel. Le chauffeur doit donc bien gérer son feu surtout qu’une belle rampe est présente dans le tunnel en direction de Saint-Jean-du-Gard.
Au dépôt-atelier
Durant une bonne partie du mois de juin, j’ai réalisé des opérations de maintenance, principalement préventive, sur toute la partie roulement de la 040 T Henschel du TVC.
Les opérations comprenaient la fabrication, l’adaptation et le remontage des coussinets, des laines de graissage, de leur support, des feutres d’étanchéité, et d’autres plus petites pièces.
Également, j’ai effectué une révision complète et le remontage des fusées des axes d’essieux, du système de graissage des boîtes et de la timonerie de suspension.
De nombreuses mesures ont dû être effectuées notamment sur les boudins de roue, les fusées et axes d’essieux, les manetons de bielles, le châssis ainsi que ses supports de boîte.
Aussi, la révision du graisseur mécanique de la pompe à air d’une locomotive à vapeur d’un autre réseau (020 T Corpet-Louvet à voie métrique) m’a été en partie attribuée.
Pendant mon stage, une locomotive à vapeur 020 T 4533 baptisée "Vesta" construite par Fives-Lille en 1927 et une ancienne voiture voyageurs attendaient une restauration cosmétique incluant une remise en peinture ainsi qu’une reprise de la boiserie pour la voiture.
Une autre locomotive à vapeur est arrivée au cours de mon stage. Il s’agit de la bicabine 030 T HL n°303 de l’ASVI vue précédemment, venue pour des réparations.
Voilà pour ce train touristique et les activités de restauration proposée par les ateliers.
Aussi, n’hésitez pas à découvrir cette très belle région offrant de superbes panoramas en prenant un peu de hauteur.
Et attention aux orages cévenols !