Le carnet du CFC
Souvenirs
ferroviaires - Chapitre 9 - Années 1981-1986
Jean-Pierre Charlier
Fin
décembre 1981 nous allons passer quelques jours à Pruines (12) près de
Rodez, chez des amis. Ce voyage me donnera l’occasion de parcourir un nouvel
itinéraire. Au départ de Paris- Austerlitz, c’est une CC 6500 et une rame de
voitures Corail qui nous a emmenés jusqu’à Brive. Dans cette gare
nous attendait une longue rame d’autorails formée de quatre nouvelles
remorques XR 6400 de couleur bleue, encadrées par deux X 2800, passés eux
aussi, à cette couleur. Ils furent surnommés les Bleus d’Auvergne. Cette
formation à six éléments est le maximum autorisé à la SNCF, et j’ai
rarement eu l’occasion de l’observer. Ce convoi en partance pour Rodez nous
a donc déposés à Pruines via Saint-Denis-près-Martel, Figeac et Capdenac. Il
m’aurait fallu passer par-là quinze ou vingt ans plus tôt pour y voir
les 141 TA et 141 E ou F dont c’était l’un de leurs secteurs de
prédilection. En gare de Capdenac, j’ai cependant aperçu une 130 B de la
région Est, érigée en monument. On se demande pourquoi une telle locomotive
est venue se perdre si loin de sa région d’origine, alors que le Sud-Ouest ne
manquait pas de locomotives plus représentatives. (Je crois que cette loco a
été récupérée par une association pour une éventuelle remise en état de
marche). Le retour s’est effectué de nuit en train couchettes. Au départ de
Rodez, la rame était constituée de quatre voitures UIC me semble-t-il emmenée
par une BB 67000 jusqu’à Brive, où notre rame fut raccordée sur un train
venant probablement de Toulouse, emmenée par une CC 6500. C’était la nuit de
la Saint-Sylvestre. Nous avons dormi comme des loirs et c’est le chef de train
qui nous a réveillés quelques minutes avant notre arrivée à Paris…
Le 19
juin 1982, la 141 R 420 est venue à Paris et nous sommes allés la voir au
dépôt du Charollais (à côté de la gare de Paris-Lyon). À cette époque il
y avait encore les trois rotondes comme au temps de la vapeur. Autour des ponts
tournants on pouvait encore voir une grande diversité de machines car les
anciennes étaient encore là : 2D2 9100, CC 7100 et même, chance incroyable,
la BB 8001 (de 1948) prototype des BB 8100. Des locos moins vieilles : BB 9200,
9400 et les plus récentes CC 6500 et BB 7200.
En
juillet nous étions en vacances à Lanslevillard (73). Un jour alors que nous
étions à Modane, nous avons assisté au départ d’un train de marchandises
en direction de l‘Italie. Il y avait deux locomotives italiennes en tête et
une autre du même type en pousse. Dans ce convoi varié je me souviens d’un
petit wagon à essieux à ridelles basses chargé de galets. D’où venaient
ces galets et à quoi étaient-ils destinés, n’y a-t-il pas de galets en
Italie, ni sur les plages, ni dans le lit des torrents ? Un autre jour nous
avions raccompagné mon beau-père à la gare de Modane. Le long du quai
attendait une rame de voitures Corail avec à sa tête une CC 6500. Le
conducteur a invité mon fils, alors âgé de 6 ans, à monter dans la machine
et lui a fait effectuer la levée des pantographes.
En
mars 1983 nous avons été passer un week-end à Lussac-les-Châteaux (86),
petite ville située sur la transversale Poitiers - Limoges. A Poitiers, nous
sommes montés dans une RGP2 X 2701 à 2720, mais cet autorail avait perdue sa
belle couleur vert pâle pour un jaune orangé (semblable à celui des
turbotrains). Au retour c’est une autre RGP2, mais encore en couleur d’origine,
qui nous a ramenés à Poitiers. Le trajet aller-retour Paris - Poitiers fut
sans doute assuré par une CC 6500.
C’est
étonnant de constater que plus les souvenirs se rapprochent et moins ils sont
précis ! Cela s’explique peut-être aussi par le fait que le monde
ferroviaire commençait à devenir de moins en moins attrayant depuis la
disparition de la vapeur. De plus, la régression du service marchandises était
déjà très sensible et la plupart des gares traversées étaient désertes.
Finie l’heureuse époque où, tout au long d’un parcours chaque gare avait
ses voies de garages occupées par des wagons et parfois même on avait la
chance d’y voir une locomotive manœuvrer. Et c’est justement à partir des
années 80 que mon intérêt pour le chemin de fer a commencé à diminuer. L’arrivée
des TGV en 1981 a contribué au bouleversement du monde ferroviaire. Et
maintenant les rames tractées sont de moins en moins fréquentes, remplacées
par des automotrices d’aspects identiques et tout ce matériel se fond dans
une grande monotonie. Même les trains de grandes lignes sont de plus en plus
assurés en réversibilités, comme de banals trains de banlieue, la locomotive
tirant ou poussant son train, une voiture dite pilote étant équipée d’un
poste de conduite à l’une des extrémités de la rame. Ainsi un train Paris -
Le Havre peut effectuer cette liaison avec une BB 16100 (ex BB 16000) tirant
puis poussant son train comme le faisait une 141 TC sur le trajet Paris -
Pontoise.
En février 1985, nous prenons pour la première fois le TGV pour nous rendre à Gap (05). A Valence nous changeons de train et c’est une longue rame emmenée par deux BB 67000 qui nous a conduit à destination. A Livron le train s‘est engagé sur la ligne en direction de Die, Veynes, Gap puis jusqu‘à Briançon. Nous étions dans la voiture de queue et comme il n’y avait pas de fourgon, j’ai pu contempler le paysage depuis la fenêtre de la portière d’intercirculation. J’ai particulièrement apprécié la partie où la ligne, en un vaste fer à cheval, s’élève depuis la station de Beaurières en une série de tunnels, afin de franchir le col de Cabre. Avant de pénétrer dans ce tunnel long de 3764 m, on peut apercevoir environ 100 m en contrebas, la ligne sur laquelle nous étions quelques minutes plus tôt. Le retour s’est effectué en train couchettes, formé de voitures allemandes (la SNCF, en période de super pointe, louait parfois du matériel aux pays voisins).
En
juillet nous étions à Thiézac (15) en bordure de la ligne dite du Lioran,
joignant Aurillac (15) à Arvant (43), via Murat et Neussargues. Là encore j’arrivais
trop tard, car les 141 TA du dépôt d’Aurillac s’étaient éteintes depuis
1968. Un jour nous nous sommes rendus à Murat en partant de Vic-sur-Cère. Nous
avons ainsi effectué la célèbre ascension du col du Lioran en rampe de 30
pour 1000 (cependant la rampe la plus dure concerne la ligne du Mont-Dore (63),
avec 33 pour 1000, ce qui est le maximum admis en France, sauf dans les
Pyrénées, où la ligne Pau - Canfranc, comporte une rampe atteignant 43 pour
1000 (ligne électrifiée). Au passage nous avons pu voir notre village de
Thiézac et une vue sur le célèbre Puy Griou avec en arrière plan le Puy
Mary. Cet aller et retour fut effectué dans un Bleu d’Auvergne, X
2800. Quelques jours plus tard, nous avons fait le tour du Triangle du
Cantal, toujours en X 2800 (nous étions dans la remorque XR 6400). Ce
parcours touristique, au départ de Thiézac, nous a conduit à Neussargues via
Murat, puis l’autorail s’est engagé sur la ligne dite des Causses en
direction de Béziers (34). Un premier arrêt a eu lieu à Saint-Flour (15),
avec visite en car de la ville haute, puis au Viaduc de Garabit où nous sommes
descendus pour le pique-nique. Pendant ce temps l’autorail est parti à la
station suivante pour effectuer la manœuvre de remise en tête. Puis nouveau
départ pour Neussargues, afin de s’engager cette fois sur la ligne de
Bort-les-Orgues (19), par le côté Est du triangle. Sur ce tronçon, nous avons
croisé en gare de Landeyrat-Marcenat un court convoi de marchandises
redescendant sur Neussargues, remorqué par une BB 67000. Le sommet de ce
triangle atteint, nouveau départ pour Aurillac par le côté Ouest du triangle,
via Mauriac puis Miécaze, station où nous retrouvons la base du triangle
(ligne Saint-Denis-près-Martel - Aurillac). Puis notre autorail nous a laissé
là où nous l’avions pris le matin, dans notre petite station de Thiézac, le
tour du Triangle du Cantal ayant été bouclé.
Le
seul convoi de marchandises sur la ligne du Lioran fut aperçu un matin, alors
que nous partions à la « conquête » du Puy Griou (1690 m). Nous
étions sur les flancs du Puy de la Poche, lorsqu’au fond de la vallée notre
attention fut attirée par un court train de marchandises descendant du Lioran
et se dirigeant vers Aurillac. A sa tête, deux BB 66000 pour seulement trois
wagons à bogies, vides. Wagons destinés à recevoir un chargement de bois.
En janvier ou février 1986, avec mon beau-père, nous sommes allés passer une journée au musée du Chemin de Fer à Mulhouse (68). En réservant les billets, je m’attendais à emprunter la ligne classique via Troyes, Chaumont, Vesoul, etc., mais le préposé me fait passer par Strasbourg, puis changement pour un train Strasbourg - Mulhouse, sous prétexte que dans le créneau horaire souhaité il n’y avait pas de train par la ligne directe... Lors du trajet en direction de Strasbourg, le contrôleur fut très étonné de nous trouver dans ce train compte tenu de notre destination. Je lui en explique la raison. Il consulte ses horaires et nous informe qu’il y avait cependant un train qui nous aurait parfaitement convenu !… Mais malgré son air désolé et compréhensif, il m’a infligé un supplément sous le prétexte d’un plus grand nombre de kilomètres parcourus, le prix de mon billet m’ayant été facturé par l’itinéraire classique donc plus court ! (mon beau-père n’étant pas concerné, car ayant un titre de transport gratuit). Là encore je ne me souviens plus du matériel emprunté, sauf le soir au départ de Mulhouse (par la ligne normale cette fois), la rame était constituée de DEV AO (Division d’Etudes des Voitures en Acier Ordinaire), emmenée par une diesel CC 72000.
En juillet 1986, après huit jours passés sur le canal du Midi, nous sommes retournés à Thiézac. Durant cette période était organisé un Tour du Cantal, mais cette fois-ci, par l’Association de la 141 R 420. Le départ avait lieu à Bort-les-Orgues (le sommet du triangle). Je me souviens de notre arrivée matinale dans cette petite ville sur laquelle planait un nuage de fumée sombre, provoqué par la préparation et la monté en pression de la loco, qui avec son train, était arrivée la veille. Dès le départ, les nouvelles générations de vaches, contrairement à leurs ancêtres qui aimaient tant regarder passer les trains, étaient prises de panique à l’approche du bruyant convoi. Notre train a donc rejoint Aurillac par le côté Ouest du triangle, puis Vic-sur-Cère où fut effectuée une prise d’eau par les pompiers de la ville, puis passage à Thiézac et long stationnement au Lioran où avait lieu l’arrêt casse-croûte. Au départ de cette gare, j’ai eu droit à un voyage dans la loco. Nous étions bien cinq ou six personnes, en plus du personnel de conduite, à y effectuer cette partie du trajet sur lequel le train se laissait glisser dans la descente du col jusqu’à Neussargues. La machine fut virée sur le pont tournant encore en service dans l’ancien dépôt de cette gare, puis remise en tête de la rame pour repartir par la branche Est en direction de Bort, via Allanches, Riom-ès-Montagne, le superbe viaduc en courbe de Barajol et les magnifiques paysages de prairies avec en toile de fond le massif du Sancy.
En septembre je suis allé à Gap. Cette fois ci ce fut par un nouvel itinéraire, via Grenoble puis la ligne dite des Alpes. Le trajet Paris - Grenoble fut effectué en TGV, et de Grenoble à Gap en RGP1 X 2700. A ma grande surprise mon beau-frère m’attendait à bord de cet autorail. Voyageant gratuitement, il était venu au-devant de moi par ce même autorail qui repartait sur Gap quelques minutes plus tard. Durant le trajet, le conducteur avait laissé la porte de sa cabine de conduite ouverte, et ainsi nous avons profité du paysage face à la voie. Je n’ai par contre aucun souvenir du voyage retour. En octobre, à nouveau une semaine à Gap, mais avec deux de mes frères. Cette fois il ne me reste que le souvenir du voyage aller, nos retrouvailles en gare de Paris-Lyon et notre installation dans notre compartiment couchettes. Le retour ayant dû s’effectuer dans les mêmes conditions.
... la 141 R
420 est venue à Paris et nous sommes allés la voir au dépôt du Charolais...
Photo
Jean-Pierre Charlier
Frédéric devant la
141 R 420 le 19 juin 1982.
Photo
Jean-Pierre Charlier
Autour du pont
tournant : les BB 9513, 2D2 9122, BB 7257, BB 7327.
Photo
Jean-Pierre Charlier
La BB 8001 (ex 0401),
prototype des BB 8100, le 19 juin 1982.
Photo
Jean-Pierre Charlier
Autour du pont
tournant, deux BB7200, une CC 7100, deux BB 7200 et la 141 R 420.
...nous avons assisté au départ d'un train marchandises en direction de l'Italie...
Photo
Jean-Pierre Charlier
Frédéric et
Dominique devant deux locos italiennes, Modane (73), juillet 1982.
Photo
Jean-Pierre Charlier
Frédéric vient
d'effectuer la levée des pantos de la CC 6536, juillet 1982.
... À Poitiers, nous attendait une rame RGP2, X 2701 à 2720...
Photo
Jean-Pierre Charlier
En gare de Poitiers
(86), RGP2 X 2700, le 19 mars 1983.
Photo
Jean-Pierre Charlier
En gare de Lussac-les-Châteaux (86), RGP2 X 2700, le 20 mars 1983.
Fermée en 1950.
... cet aller et retour fut effectué dans un "Bleu d'Auvergne", autorail X 2800...
Photo
Jean-Pierre Charlier
Un X 2800 descendant
du Lioran et de dirigeant vers Aurillac (15). Au fond le Puy Griou (1690 m.),
juillet 1985.
Photo Lucien Maurice Vilain
La 141 TA 440 à Saint-Jacques-des-Blats (15) surplombée par le Puy Griou,
décembre 1963.
Le seul convoi de marchandises sur la ligne du Lioran fut aperçu un matin, alors que nous partions à la "conquête" du Puy du Griou (1690 m.). Nous étions sur les flancs du Puy de la Poche, lorsqu'on fond de la vallée notre attention fur attirée par un court train de marchandises descendant du Lioran et se dirigeant vers Aurillac. À sa tête deux BB 66000 pour seulement trois wagons à bogies vides. Wagons destinés à recevoir un chargement de bois.
Photo
Jean-Pierre Charlier
Reconstitution de la
scène ci-dessus. BB66000 et wagons de la marque Jouef. Sur cette photo,
il manque les ranchers, montants verticaux espacés de quelques mètres en
ordure du plancher de chaque côté, afin de maintenir la charge : tuyaux,
barres métalliques mais plus généralement des troncs d'arbres.
... en juillet 1986 était organisé un "Tour du Cantal" par l'Association de la 141 R 420...
Photo
Jean-Pierre Charlier
Dominique sur le quai,
Frédéric et moi sur la 141 R 420 en gare du Lioran (15) point culminant de la
ligne à 1152 m., en juillet 1986.
Photo