Le carnet du CFC

Archive de la voie de 60 militaire en 1092

Notre ami Michel Dubuis a extrait de ses archives pour notre bulletin un ancien numéro du célèbre magazine "L'ILLUSTRATION"  numéro 3105 daté du 30 août 1902 qui traite de la voie militaire de 60.
L 'auteur de cet article dont nous ne connaîtrons jamais le nom mais seulement les initiales L.C. se montre tort élogieux pour "le Decauville" nous savons que l'avenir lui donnera raison puisque le chemin de fer militaire jouera un rôle très important au cours des deux guerres mondiales.
Au delà de sa valeur de document historique,. ce texte a par ailleurs un petit charme suranné qui nous a séduit et que nos lecteurs amateurs de la chose passée apprécieront certainement.

Notre nouvelle artillerie de siège n'a pu, naturellement, être expérimentée en campagne, comme nos pièces de 75 l'ont été pendant les opérations de Chine. Mais les importantes manoeuvres de forteresse qui viennent d'avoir lieu au camp de Chalons, et que nous annoncions dans notre numéro du 9 août, ont donné des résultats probants. Elles ont surtout contribué à perfectionner renseignement pratique des hommes et des officiers, et achevé de les mettre au courant du maniement d'une artillerie si complètement transformée au cours de ces dernières années.
La caractéristique de ces manoeuvres a été remploi de la grosse artillerie combiné pour l'attaque avec l'usage des voies ferrées étroites, nécessaires désormais pour concentrer rapidement sur un point avancé des engins d'un poids si formidable.
Au camp de Chalons, 1500 mètres de voie normale unissaient la gare de Cuperly-Est à la gare- militaire du même nom. Des voies Decauville, parallèles d'abord à la ligne d'arrivée, s'écartaient ensuite pour rayonner de tous côtés, avec un développement total de 50 kilomètres. La traction disposait de trente-deux locomotives du modèle à deux têtes, à deux foyers et quatre pistons. Ces machines ont été reconnues excellentes, néanmoins un peu légères, ce qui rendrait souvent difficile le départ des bas-fonds où l'on cache les gares, centres d'organisation.

Pas moins de 11 locomotives sur cette photographie prise ne gare de Cuperly.

Les machines avaient été amenées d'EpinaI, Toul, Verdun et Belfort: la plupart du matériel d'artillerie venait de Vincennes et de Versailles.
Le thème des manoeuvres était de transporter et utiliser autour d'une place assiégée, le plus rapidement possible, le matériel d'attaque.
Les attelages auraient pu, sans doute, emmener tous les canons sauf les nouveaux 270, dont quatre pièces étaient au camp à l'essai. Mais l'extrême rapidité de concentration en avant n'était vraiment possible qu'avec le concours du Decauville, d'une utilité plus grande encore pour le transport des munitions.
Les officiers avaient donc dû construire les 50 kilomètres de voies en utilisant tous les plis de terrain, les bois, etc... afin que les trains pussent marcher invisibles au fort attaqué: celui de St. Hilaire à 15 kilomètres de Cuperly. Sur 50 mètres seulement, l'attaque n'avait pu éviter le découvert qu'il aurait fallu protéger par des terrassements exécutés la nuit. C'est un très beau résultat, avec des audaces de courbes à 7m63 de rayon qui, à l'expérience, se sont bien comportées.

Une rame "Artillerie" avec une locomotive Péchot-Bourdon et des plate-formes typique de cette époque.

La prise de position pour le bombardement n'a pas été moins merveilleuse. Le point choisi était à moitié chemin entre Cuperly et St. Hilaire. En une nuit, par les attelages et le Decauville dont les voies de départ traversaient le parc d'artillerie, 150 canons ont été transportés sur la deuxième position d'attaque pour former une batterie montée de canons de 95,120, 155 courts, 155 longs, 220 et un seul 270.
Les tirs réels avec obus à la mélinite ont anéanti en deux heures des fortifications bâties avec toute la résistance possible.
Les pièces les plus remarquables de cette artillerie nouvelle (hors le 270 qui est à l'étude) sont les 155. Accouplés sur un affût-truck avec entre eux une plate-forme chargée de munitions et d'accessoires, ils forment un appoint redoutable instantanément prêt au combat. Le même, entraîné par six chevaux, monté sur l'affût à bêche avec frein hydropneumatique est très précieux pour la défense qui, maintenant, ne saurait être efficace qu'en portant en avant des canons capables de démonter ceux des assiégeants.
Ces manoeuvres ont été terminées par un exercice de rapide évacuation: tout le matériel amené était rentré le 25 août dans ses arsenaux. 

LC

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