Le carnet du CFC

Un peu d'histoire.....

LE "PETIT JAUNE", vous connaissez?
... non'? Alors voici :

par Michel Juishomme

Dans les années 1897/1898, les rues de Paris étaient sillonnées par quelques lignes de tramways tirés par des chevaux, qui transportaient à 6 ou 7 km/h une vingtaine de voyageurs.
Quelques temps auparavant, monsieur Zénobe Gramme, un belge, venait d'inventer la dynamo (moteur à courant continu réversible, le célèbre "anneau" de Gramme) et monsieur Plante, un français, avait mis au point les accumulateurs au plomb. De ce fait, en réunissant ces deux inventions, il devenait possible d'équiper un véhicule et de le rendre autonome. C'est ce que décidèrent les responsables de la CGPT (Compagnie Générale Parisienne de Transports) qui exploitait une ligne numérotée 13 (Malakoff-Gare Montparnasse-Les Halles) dont les voitures peintes en jaune vif furent vite célèbres : c'était le fameux Petit Jaune, tiré par un cheval, et deux pour remonter à Malakoff.
Une dynamo de M. Gramme utilisée en moteur fut do no fixée sous le plancher au milieu de la voiture, entraînant un des deux essieux par une courroie de cuir (eh oui, de la peau de vache, de la vraie, on était en 1899). Les batteries -4 tonnes- furent placées au seul endroit disponible, o'est à dire sous les sièges longitudinaux, accessibles de l'extérieur par des panneaux en bas de caisse; un inverseur fut placé sur la plate-forme avant (place du cocher) et les brancards démontés.
Les essais commencèrent tout d'abord sur les voies du dépôt prudence oblige- et les résultats furent encourageants. Les démarrages étaient un peu brusques, mais la courroie qui patinait arrangeait bien les choses. On chargea la voiture avec des sacs de sable figurant les voyageurs, ce qui eut pou effet de casser la courroie, vite remplacée par une plus forte. Les batteries étant à sec, il fallut les recharger à l'aide d'une autre dynamo entraînée par une machine à vapeur fixe: 10 heures de charge. Les essais reprirent jusqu'au jour où l'on décida de partir en ligne. Et oe fut la surprise: on dévala à la vitesse affolante de 20 à 25 km/h les boulevards. Les passants s'étonnèrent de voir cette voiture filer à cette vitesse sans bruit, sans chevaux et sans fumée; plusieurs accidents furent évités de justesse. Puis ce fut le retour au dépôt, cette fois un peu plus pénible, les batteries étant presque à sec. Mais quel progrès!

Plusieurs essais eurent Heu à nouveau et le jour vint Olt l'on put parcourir la ligne de bout en bout aller et retour. Il fut alors décidé de mettre cette voiture en service : on allait voir! Ce fut le grand jour, tout le monde voulait essayer le "petit jaune" sans chevaux, c'était la bousculade pour trouver une place à bord. Tout alla bien jusqu'au jour où il se mit à pleuvoir. En quoi celà pouvait-il bien gêner? La courroie bien sur qui patinait si bien qu'il n'était plus possible d'avancer. Il fallut une nouvelle fois modifier et la remplacer par des chaînes entraînant cette fois les deux essieux. Nouvel essai :Ie départ fut si foudroyant que les ingénieurs présents à bord se retrouvèrent en tas sur le plancher, seul le machiniste cramponné à la rambarde resta debout. Il fallut encore modifier en ajoutant des résistances de démarrage et un "controller" à 8 positions.
Cette fois ce fut le succès; plusieurs voitures furent équipées de la sorte. Les parisiens venaient faire un tour de "petit jaune". Oh, il arrivait bien encore quelques incidents : quelquefois la dynamo prenait feu, ou bien les gaz des batteries qui bouillonnaient envahissaient l'intérieur de la voiture en "asphyxiant" les voyageurs, ou encore la capacité des batteries ne permettait pas d'arriver au terminus. Il y avait alors deux solutions: ou bien on appelait la machine à vapeur de secours, ou alors le wattman sentant la vitesse "mollir" brûlait les arrêts pour éviter les pointes de consommation aux départs et filait directement au terminus au grand dam des voyageurs qui criaient au scandale.
De toutes façons, les batteries n'assuraient qu'un seul voyage aller retour et il fallait les remplacer (les 4 tonnes) environ 4 fois par jour.
Ce matériel exista plusieurs années jusqu'au remplacement des batteries par une ligne aérienne ou en caniveau.

Et le "petit jaune" a disparu comme bien d'autres.

Disparu ? Eh bien non, pas tout à fait car vous pouvez voir une de ces voitures à accumulateurs toujours en service à Chaville, où je l'ai reconstituée en voie de 40 à l'aide de divers matériels de récupération, et qui transporte sans problème une dizaine de personnes (un peu tassées) sur quelques 40 mètres de voie.
Alors, à quand votre visite ?

le "petit jaune" sort de sa remise, son conducteur et un (très jeune) élève machiniste aux commandes.

Technique - Construction

Pourquoi un tramway?
Il Y a une vingtaine d'années, j'ai installé dans ma cour une voie en 0,40 m
longue d'une quarantaine de mètres avec courbes et contre-courbes serrées, une aiguille, le tout en rampe de 4 à 6 pour mille, permettant les essais d'engins moteurs ou remorqués de ma construction (environ 40 pièces diverses).
Or cette voie était la plupart du temps inutilisée, d'où l'idée de construire un véhicule pas trop encombrant pour circuler sur ce petit parcours.
Je commençai donc par établir ce que l'on pourrait appeler un cahier des charges soit: véhicule à empattement assez court, autonome, pouvant transporter 5
à 6 personnes plus le conducteur (environ 500 kg) à une vitesse maxi de 10/12 km/h,
et éventuellement pouvant tirer une remorque en rampe, ne dépassant pas 5 à 600 kg
ni 1 mètre de large pour pouvoir être transporté sur ma remorque (en vue
d'utilisation sur d'autres réseaux, expositions, etc...) et représentant un modèle ancien disparu.
A partir de cela, je recherchai dans ma documentation (bouquins, cartes postales, etc...) le modèle convenable: je trouvai d'abord des draisines ou des petits autorails trop encombrants, puis je finis par dénicher le Petit Jaune, ancien tramway à chevaux transformé en électrique, un air vieillot avec ses réclames, sa couleur vive. C'était "la bête" qui me convenait parfaitement!

La construction:

Selon mes habitudes, je commençai par chercher dans mon "bazar" le matériel de récupération qu'il me fallait pour ce travail. Quand je dis "bazar", ce n'est pas exagéré: j'ai stocké des tonnes de matériel en tout genre, ferraille en barres, tubes, feuilles, profilés, bois sous forme de bastaings, chevrons, tasseaux, et aussi roues, tuyaux, cables, roulements, moteurs, serrures, colles, peintures, visserie, cartons, plastiques, moquettes et tapis, baguettes, clous, etc, etc... et j'en passe. Le Bazar de l'Hôtel de Ville à côté, c'est de la bricole!
Je choisis un chassis Decauville monté d'origine sur lames de ressort et boîtes à rouleaux, magnifique pièce très rare à l'empattement de 0,60 mètre. Je rallongeai à chaque bout pour obtenir les deux plate-forme en porte-à-faux et les marches d'accès. Il fallait maintenant motoriser, et c'est là que les problèmes commencaient !
Disposant d'un stock d'environ 150 batteries de téléphone 2 volts 150 ampères/heure sous bacs plastiques, je choisis d'en loger 20 bacs sous les sièges longitudinaux (comme sur le véhicule original) ce qui me donnait 24 volts et 300 ampères/heures suffisants pour 2 heures de marche. Il m'aurait fallu un moteurréducteur type chariot de manutention, mais je n'en avais pas: je choisis donc un démarreur de camion 24 volts 3000 tours/minute 3 kw qu'il me fallut modifier (montage sur roulements, suppression du lanceur...) Pour le réducteur, je trouvai la merveille sous la forme d'une boîte de vitesse de 2CV Citroen : en utilisant la première et la marche arrière, j'avais l'inverseur (eh oui, un démarreur ne tourne que dans un seul sens !) Le pont faisant office lui aussi de réducteur et renvoi d'angle, les cardans "virés" et remplacés par deux bouts d'axe de 40 mm de diamètre rentrés


à force dans les cannelures et soudés à l'arc. et voilà la mécanique! Non. pas tout à fait car il restait le différentiel qui ne faisait pas mon affaire.. La solution? Tout simplement souder à l'arc planétaires et satellites. et voilà le. travail (si les ingénieurs de chez Citroen voyaient celam)
Restait à assembler moteur et boîte. pas facile. autant vouloir accrocher un pédalo à une locomotive. Et pourtant je réussis en intercalant un Hector pour rattraper les éventuels défauts d'alignement. Je fixai ensuite le tout sous le chassis entre les deux essieux avec pignons à chaines entraînant ces derniers. Plein d'huile de la boîte et premiers essais à demi-tension et sur cales: résultat impeccable. bon pour le service. Pas si vite. car pas question de mettre "toute la sauce" au départ! C'est encore mon "magasin général" qui me fournit l'objet sous la forme d'un restant de rhéostat provenant d'une rotative d'imprimerie. Là encore il fallut bricoler. braser des barres de cuivre rouge,réaliser des contacts. etc... pour arriver à avoir 8 crans de marche.
La résistance logée sous la plate-forme côté conducteur a été bobinée avec du fil d'inox diamètre 6 mm fixé sur isolateurs porcelaine (il arrive qu'elle rougisse au départ. surtout si l'on oublie de desserrer les freins..!) Les freins comportent quatre sabots en fonte. un par roue. fixé sur traverse et suspendu au chas sis par balances. avec ressorts de rappel. le' serrage étant obtenu par un câble d'acier de 10mm aboutissant à un frein à vis de voiture à chevaux.

Tout ceci fut réalisé en un peu plus de 6 mois de "loisirs". Je commençai les essais qui furent très satisfaisants: départs en douceur. puissance à revendre. très bonne adhérence grâce à la suspension très souple. freinage puissant, aucune modification nécessaire (juste à rajouter un porte-fusible au départ batteries).
Il ne me restait plus maintenant qu'à construire la caisse: construction classique en bois, bas de caisse galbés. rambarde de plate-forme, toiture bois et toile goudronnée. vitrages avec cadre bois verni Sm une bricole. quoi! Puis peinture avec filets tarabiscotés dans les angles. inscriptions et réclames peintes à la main.
En service depuis 1980, le Petit jaune a participé à de nombreuses sorties et fêtes sur des réseaux d'amateur, à des expositions et a roulé notamment sur le circuit de St Eutrope deux étés de suite, pendant lesquels il a assuré un dur service tous les samedis et dimanches sans aucune avarie ni intervention depuis sa construction (sauf évidemment renouvellement des batteries).

Présenté au Salon du Modèle Réduit en 1982 au CNIT La Défense, il a obtenu la Médaille d'Argent Pourquoi seulement celle d'Argent? Parce que cette même année j'avais présenté au "championnat" trois modèles réduits :

un beau triplé ! Ces trois prix m'ayant été remis par M. Pierre Bellemare, président du jury cette année-là, et grand amateur de modèles réduits lui-même.

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