Y en a marre camarade !

Jean-Pierre SCHMIT

Toujours les mêmes qui ont les honneurs. Le TGV Duplex (comme si c’était un appartement), le TER (quelquefois une tortue), les trains containers (qui transportent quoi ? de l’air), Les CC, la CX (non, c’est une voiture automobile), le quota de voyageurs (comme si les usagers étaient du lait) tous ont les honneurs, mais moi, le rail !

Rien, le néant comme si je n’existais pas. Pourtant ils auraient bonne mine tous ces fringants sans moi.

En remontant dans mon arbre généalogique, la famille " ornières " vers 1550 guidait déjà les convois équestres sur les dalles de pierres

Même à l’époque de la Grèce antique, il existait déjà en Angleterre, la famille " Madrier " de bois (un comté) allié avec les plaques de fonte (un autre comté) assuraient plus récemment les mêmes fonctions de guides dans les mines (de rien) de White Haven. Un membre de la famille vers 1763 (Richard Reynolds) nous fit évoluer.

Nous devinrent la famille " rail fonte ". Puis un autre génie " Bessmer ", vers 1858, transformât lui aussi la famille et nous devinrent " rail acier ". Mais on demande actuellement de plus en plus à la famille. Nous avions la fonction de guider les véhicules et d’en supporter la charge, et aujourd’hui les sollicitations qui nous sont imposées ne cessent de progresser. L’utilisation généralisée de rails longs et la surveillance des phénomènes thermiques qu’elle implique, sont autant de contraintes qui exigent une technologie de pointe sans cesse remise en amélioration. Notre évolution ne s’arrête jamais.

Cette évolution est suivie par la Direction de l’Equipement de la SNCF avec des responsables à différents niveaux. Une coopération se développe sur le plan international dans des groupes de travail de l’IUC.

Les progrès sont spectaculaires, qu’il s’agisse de la création de profils lourds, de l’élaboration de l’acier, du contrôle de la qualité ou de la définition de nouvelles nuances applicables à un meilleur service des trains de plus en plus rapides.

Du minerai à la fonte

Le minerai est surtout situé en Lorraine pour la France. Le bassin ferrifère lorrain s’étend à l’ouest de la Moselle sur une centaine de kilomètres entre Nancy et le Luxembourg. Il s’est formé au début de l’ère secondaire. Le minerai lorrain ou " minette " est oolithique. Le petit grain, de quelques dixièmes de millimètres appelé oolithe est constitué d’oxydes de fer hydratés. Selon les couches, la gangue qui aimante ces petits grains est plus siliceuse. Cette caractéristique compense en partie le handicap de sa faible teneur en fer. Il faut mélanger ces couches pour obtenir un " lit de fusion autofondant " c’est à dire un produit auquel il n’est pas nécessaire d’ajouter de la castine ou fondant pour réaliser les meilleures conditions de fusion dans les hauts fourneaux. Les gaz dégagés par la fusion doivent pouvoir passer à travers le minerai vers la partie supérieure du haut fourneau. Ils servent à réchauffer l’ensemble la teneur en fer ne devant pas être inférieure à 30 ou 32%, rentabilité oblige.

L’extraction se fait en trois temps

- forage des trous qui recevront l’explosif

- mise en place de l’explosif, mise à feu

- évacuation du minerai (environ 100 m3 à la fois) par camion de 20 à 40 tonnes et bandes transporteuses.

Les galeries d’exploitation ont généralement 5 m de large et entre 2,50 et 10 m de haut afin de permettre le passage des engins (pas de petits trains). Après exploitation de la zone, les piliers de soutènement sont dynamités. C’est le foudroyage. Cet effondrement, se propage jusqu’à la surface (bonjour les dégâts). La descente du terrain est environ égale à la moitié de la hauteur de la galerie, d’où percussion sur le réseau hydraulique. Il faut pomper. Un mine produit en moyenne 3 à 4 fois plus d’eau que de minerai.

Le minerai lorrain est presque épuisé. Il faut donc importer des minerais d’outre mer (Canada, Viet Nam, etc.) pour que les aciéries Sacilor continuent à tourner, d’où leur implantation en bordure de mer.

Le minerai extrait ou importé est ensuite concassé, broyé, criblé, mélangé pour obtenir une granulométrie ne dépassant pas 10 mm. Des combustibles (charbon maigre, coke métallurgique, coke de pétrole) y sont ajoutés pour faciliter la combustion. Ces opérations se font dans l’usine d’agglomération. Cet ensemble (minerai + combustible) arrive dans un " modulateur " qui par brassage et humidification s’agglutine en formant des petites boulettes de quelques millimètres de diamètre. Une chaîne sans fin fait passer le minerai pendant une minute sous une hotte d’allumage. Des brûleurs au fuel portent la couche à 1200°. Concassé, criblé, il peut alors être acheminé vers le haut-fourneau.

Le Haut fourneau

C’est une cuve d’acier dont l’intérieur est tapissé de briques réfractaires. Il est chargé par le haut, par des wagonnets (enfin !) spéciaux " skip " (NdlR : " Skip " veut dire wagonnet en anglais, il serait intéressant de savoir l’origine de ce mot). Sa hauteur peut atteindre 80 mètres, son poids 20 000 tonnes (la partie métallique de la tout Eiffel pèse 7 000 tonnes).

A sa base se trouve le creuset de 5,50 à 8,80 mètres de diamètre. On y recueille la fonte liquide et le laitier.

A 2,50 mètres du fond, le creuset est entouré de tuyères par lesquelles sont insufflés de l’air sur-oxygéné et le fuel aidant à la combustion. A cet endroit, la température atteint 1900 à 2000 degrés.

Au sommet, on trouve le " gueulard " qui comprend un sas d’alimentation et des dispositifs d’évacuation des gaz.

Pour refroidir cette masse et empêcher un échauffement excessif des matériaux soumis au feu, il ne faut pas moins de 2000 m3 d’eau par heure. Les gaz de combustion de faible pouvoir calorifique sont récupérés, nettoyés, lavés et envoyés dans les cowpers. Ce sont des tours constituées intérieurement de briques qui emmagasinent la chaleur dégagée par les gaz de combustion. Vers 1300° on coupe l’arrivée des gaz et on souffle de l’air extérieur à travers les briques. Cet air chaud sert à alimenter le haut fourneau, cela explique qu’il faille au moins deux cowpers par haut fourneau plus un de réserve.

La fonte plus lourde se dépose au fond du creuset. Au dessus surnage le laitier (reste de combustion). Un trou de coulée permet son évacuation. Si on injecte de l’eau dans le laitier, il reste à l’état vitreux. Ce produit finement broyé donne un excellent ciment.

Le haut fourneau consomme beaucoup d’eau, ce qui explique son implantation au bord de la mer où l’eau est déssalée.

Ensuite on ouvre le trou de coulée de la fonte qui est ensuite dirigée vers un wagon poche par des rigoles. Ces wagons ayant la forme d’un cigare ont une contenance de 200 tonnes de fonte et possèdent 14 essieux.

Il faut rappeler que le haut fourneau ne produit que de la fonte. La composition de celle-ci est en moyenne de 93,37% de fer et 3,90% de carbone, 1,80% de phosphore, 0,50% de silicium, 0,03% de soufre, 0,40% de manganèse. Métal dur et cassant, la fonte résiste bien à la corrosion, c’est pourquoi, on le trouve dans la vie courante sous forme de radiateurs, baignoires, plaques d’égout, tuyaux, etc.

Mais la fonte produite par Sacilor est dans sa totalité destinée aux aciéries pour être transformée en acier par affinage. L’acier se distingue de la fonte par un taux de carbone moins élevé. Ce pourcentage de 0,05 à 1% détermine sa dureté. Il contient éventuellement des éléments spéciaux rajoutés, tels que le manganèse, le chrome, le tungstène, le vanadium... L’acier est obtenu à partir de la fonte en fusion qui dans l’aciérie va perdre la plupart de ses caractéristiques de fragilité.

L’acier devient rail.

C’est dans l’aciérie, installation aux dimensions gigantesques que s’effectue l’affinage. Chaque acier doit répondre à des caractéristiques spécifiques pour son utilisation, rail, ressort, carrosserie, charpente métallique, etc. Certains aciers doivent donc être souples, d’autres résistants à la traction, à la compression, d’autres encore durs ou malléables et souvent, ils doivent posséder plusieurs de ces caractéristiques à la fois. La réalisation d’un type d’acier peut être composé à la cuisson d’un pot au feu. L’opération de transformation est appelée " affinage ", au cours de laquelle, on ajoute des ferrailles pour diminuer le taux de carbone. Différents procédés sont employés : Bessmer, Thomas, et son dérivé LWS. Ils sont à notre époque obsolètes. Le procédé OLP (oxygène lance poudre de chaux) fût mis au point en 1957. Il consiste à injecter du début à la fin de l’opération de l'oxygène dans un four à l’aide d’une lance en position verticale. De l'eau circule rapidement dans la lance longue de vingt mètres pour assurer son refroidissement. La descente de cette lance dans le four sans pénétrer dans le bain permet à certaines phases d'obtenir des réactions différentes. Sa capacité est de 250 tonnes d'acier.

Le procédé Kaldo

C'est un convertisseur qui a une capacité de 240 tonnes, une sorte de four tournant sur lui-même incliné sur son axe de 17° à une vitesse réglable pouvant atteindre 30 tours/mn. Une lance à oxygène inclinable insuffle de l'oxygène pur à la surface du bain. Dans ces conditions, l'oxygène soufflé se partage en deux parties :

- l'une d'elles entre dans le bain et brûle le carbone,

- l'autre, réfléchie, est brûlée et forme du gaz carbonique.

La température produite par cette combustion est très élevée et la rotation du four a pour effet principal de protéger le briquetage réfractaire supérieur. La voûte se refroidit en communiquant sa chaleur au bain, ce qui nécessite un apport important de ferrailles de récupération pour abaisser la température, ce qui est un avantage non négligeable sur les autres procédés. La rotation du four a pour effet secondaire d'assurer l'homogénéité du bain par le brassage qu'elle produit.

Le procédé Kaldo le procédé le plus utilisé pour l'élaboration de l'acier destiné à la fabrication des rails.

Cette grosse "cuisine" où les fours sont hors de l'échelle humaine se réalise au millième, voire au dix millièmes près. La présence de l’homme est discrète mais que ferait-il dans cet enfer en fusion ? Il se fait aider par l'électronique qui assume toutes les opérations. Des prises d'échantillons et de températures sont effectuées régulièrement afin de rectifier si nécessaire en vue d’obtenir les caractéristiques demandées.

Quelque soit le procédé utilisé, une fois l'opération terminée, deux produits se trouvent dans le four : l'acier et la scorie.

La scorie est évacuée par inclinaison du four et écrémage vu sa différence de densité.

L'acier, à une température de 1500°C, est coulé dans des lingotières.

L'opération, si elle est mal conduite, peut remettre tout en question. Pour fabriquer des rails, l'habillage des lingotières est déterminé de façon précise, afin d'obtenir un acier dit "calmé". Après solidification, le lingot est démoulé et envoyé au laminoir.

Le rail naît couché

Le lingot est réchauffé à une température de 1200°C par des fours "Pits". Il y reste de deux à seize heures selon sa température d'introduction. Lorsqu'il est "à point", il est transporté très rapidement au "blooming". C'est une cage composée de deux cylindres horizontaux tournant en sens inverses et réglables en hauteur sur leurs axes horizontaux. Par des allers et retours et en diminuant l'entraxe, on réduit la section du bloom qui s'allonge. Quinze à vingt-cinq passes sont nécessaires. Il est ensuite décapé. Le bloom, cisaillé aux extrémités, long de 8 mètres, pèse dix tonnes. Il est stocké pendant 8 jours environ afin de dégazer l'hydrogène dissous dans le métal. Sans cette précaution, le rail risquerait d'avoir des fissures après laminage.

Il est repris et glissé dans un four de réchauffage au gaz naturel. La capacité du four est de 70 tonnes/heure.

A la sortie du four, le bloom à 1200°C est dirigé vers un laminoir. Sa transformation s'opère par passage du métal entre les rainures appelées "cannelures". La forme du rail est complexe, il faut donc passer par des étapes intermédiaires. Le métal épouse la forme définie par l'espace laissé libre entre les deux cylindres. Pour économiser du temps, un nouveau système a été mis en place, c'est le train de laminage. Le laminage s'effectue ainsi : sept passes dans les deux cages dégrossisseuses, cinq passes sur le groupe cage universelle, enfin une passe sur la cage universelle finisseuse. De nombreux contrôles sont effectués par des échantillons, contrôle de qualité et caractéristiques du produit. D'autres contrôles sont effectués : examens macroscopiques et analyses chimiques. Le rail passe ensuite à travers deux redresseuses qui lui donnent la rectitude. Il est ensuite coupé à la longueur exacte, puis subit une auscultation aux ultrasons. Enfin, les rails, au "coude à coude" présentent leurs quatre faces. Un examen visuel minutieux les déclare "bon pour le service".

Que de chemin parcouru depuis l'extraction du bloc de minerai pour en arriver à ce rail que nous connaissons bien, et que c'est joli deux files de rails bien alignées. Cela réjouit le cœur du ferrovipathe ! 

 

A titre indicatif, nous publions un tableau de correspondances d’après les catalogues :

- O&K N° 710 pour les hauteurs de rail et poids au mètre linéaire et

- PETOLAT de 1922 pour les poids en Kg, le nombre de traverses par élément de 5 m et la charge à l’essieu acceptable, sachant que ces valeurs sont également relatives à la nature du sol, l’entretien de la voie, et l’espacement des essieux. 

 

Hauteur du rail en mm

Poids en Kg

Nb traverses

Charge à essieu Kg

41

4,5

5

300 à 400

41

4,5

6

400 à 600

50

7

6

1000 à 1500

60

9,5

6

1200 à 1500

60

9,5

7

2500

60

9,5

8

3000

70

12

6

3000

70

12

7

3500

70

12

8

4000

?

15

6

3500

?

15

7

4000

?

15

8

4500

98

20

?

?

125

30

?

rail Vignole SNCF

128

36

rail Vignole SNCF

145

46

rail Vignole SNCF

153

50

rail Vignole SNCF

159

54

rail Vignole SNCF

172

60

rail Vignole SNCF

Plaque tournante

1800 à 2000

 

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