Le chemin de fer et la littérature

Porquerolles

Lelie Fournier-le-Ber


Après s'être enrichi au Mexique lors de la ruée vers les mines d'or et d'argent, François Fournier offrit à sa femme Sylvia l'île de Porquerolles en cadeau de mariage.
Dans ce passage est évoqué un des voyages réguliers de Porquerolles à Paris de la famille Fournier-Ber.


Le charme des gares de cette époque a disparu de nos jours. Le chef de gare d'une ville comme Toulon était un personnage important. Sa nomination paraissait dans le journal. Il disposait, pour recevoir sa clientèle de qualité, d'un grand salon meublé, des inévitables fauteuils dorés recouverts de velours rouge. Le PLM (Paris-Lyon-Méditéranée), était une compagnie privée. Monsieur London c'était son nom - les enfants ne comprenaient pas comment un chef de gare français pouvait porter le nom de la capitales anglaise - recevait les parents, leur progéniture, Nurse et Mademoiselle, la secrétaire devant s'occuper de l'enregistrement des bagages. On ne saurait dire si cet honneur était dû à la forte personnalité de mes parents ou à la bonne clientèle que représentait cette famille nombreuse. Après avoir échangé quelques paroles de courtoisie, éventuellement des félicitations sur la nouvelle née, nous reprenions, précédés de Monsieur London, le chemin du quai de la gare, suivis de trois ou quatre porteurs suivis de leur chariot grinçant où avaient été entassées les valises. 

Une voix annonçait le train, un sifflement strident se faisait entendre, des petits drapeaux rouges brandis par des gens du PLM s'agitaient et le train entrait, crachant, soufflant et s'immobilisait. Une véritable frénésie s'emparait alors de la famille qui cherchait son wagon et son compartiment. Le personnel de maison s'engouffrait dans un compartiment de troisième classe. Les parents, les enfants, et les autorités dans le sleeping. Telle valise passait par la fenêtre, devait aller dans le compartiment d'un tel. Il y avait toujours un enfant qui pleurait parce qu'il avait perdu son ours en peluche ou cassé son bocal de poisson rouge. Ouf ! Tout était en place, (au revoir monsieur London). Celui-ci donnait le signal du départ. On agitait le drapeau rouge... Coup de sifflet... et le train s'ébranlait dans un fracas de ferraille, tiré par la locomotive qui semblait geindre, comme si on lui imposait un trop gros effort. Épuisée, la famille reprenait son souffle. Les enfants se taisaient, fascinés par le train. On s'organisait pour la nuit. Le voyage durant environ quinze heures. Au petit matin, le train entrait en gare. Sylvia reprenait le commandement de la troupe, soulevait une fenêtre et criait : Porteur ! Porteur !, comme s'ils allaient tous s'envoler. Il est vrai qu'il en fallait bien trois ou quatre pour les nombreux bagages. Descendu sur le quai je frissonnais, la grisaille de Paris m'envahissait. Le bruit des cheminots tapant sur les essieux avec leurs gros marteaux me rappelait la forge. La cheminée de la locomotive soufflait un énorme jet de vapeur. Lorsque le chauffeur sortait, montrant sa figure noircie de fumée, François lui adressait un bonjour, se souvenant de son lointain passé sur les chemins de fer du Canada. L'arrivée à Paris était beaucoup plus discrète.
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Le domaine (de Porquerolles) profita de l'installation des voies Decauville par la Marine pour en faire poser dans le chai, ce qui facilita beaucoup le travail lors des décuvages.
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Porquerolles, une île en cadeau de mariage 
Lelie Fournier-le-Ber
Ed. La plage d'argent Toulon 1998.

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