Le carnet du CFC

Apparition à Panissières

François Borie - Feurs (42) le 13 août 2001

Quelle surprise !

Il tapait dur le soleil de ce début d’après-midi, sur la route de Tarare et sur la Clio rouge bien connue des membres du CFC… Il faisait chaud, et pourtant, ce n’était pas un mirage : elle était réellement là, campée sur ses « chevalets » le long du terrain de pétanque, à la sortie du village de Panissières. Pas de doute, avec ses deux petites chaudières, sa cabine énorme et son air de survoler le sol, cette silhouette bien caractéristique : c’est une locomotive à vapeur du « Monorail ».

Vue à quelques mètres, cette machine a l’air tout à fait vraie, ce n’est qu’en y regardant de plus près qu’on voit qu’il s’agit en fait, d’une maquette grandeur nature, bien détaillée.

   

La maquette de la locomotive du monorail Lartigue, exposée le long de la route de Panissières à Tarare 

   

Une autre vue de la reconstitution de la locomotive du monorail

La maquette

Actuellement, aucune inscription, plaque ou affiche ne donne d’information à son sujet, aussi, me suis-je rendu dès que possible à l’Office du tourisme des Montagnes du Matin.

Cette maquette constitue la pièce maîtresse d’une construction muséographique autour du Monorail de Feurs à Panissières. Réalisée d’octobre 1999 à juin 2001 par neuf élèves de B.T.S. de chaudronnerie du Lycée technique Claude Lebois de Saint Chamond sous la direction de leurs professeurs, elle pèse deux tonnes et demie et a été acheminée jusqu’à son lieu d’exposition actuel au début juillet. Dans une première étape, il a fallu reconstituer des plans d’après des dessins d’époque, alors que dans une seconde étape, la réalisation a allié les technologies modernes de découpe au plasma et de commande numérique aux méthodes traditionnelles de chaudronnerie. Ce travail a été présenté par les élèves pour l’obtention de leur diplôme.

 

Le mécanisme est reproduit fidèlement, même s’il est un peu simplifié dans les détails 

   

Le poste de conduite est très épuré, mais les principales commandes sont reproduites 

 

Certains organes, comme ici sans doute la commande de frein, sont plutôt évoqués

Le Monorail de Feurs à Panissières

Le « Monorail » tient dans la mémoire locale une place qui n’a de commune mesure qu’avec le retentissant fiasco auquel il a donné lieu. En effet, il semble qu’il n’ait jamais transporté ni passager ni charge payante.

Alors que Feurs fut une des dix premières villes desservies par le chemin de fer, avec la troisième ligne construite en France, entre Andrézieux et Roanne, après Saint-Etienne - Andrézieux et Paris – Saint Germain-en-Laye, la bourgade de Panissières, forte principalement de ses activités de tissage, notamment dans les soieries et particulièrement les cravates, se trouvait à l’écart des voies de communication et réclamait un débouché pour ses productions. Différents projets sont donc étudiés et en 1888, le projet de Charles Lartigue est adopté par le Conseil Général de la Loire. Ce projet est préféré pour des raisons de coût, à un système plus classique, notamment de chemin de fer économique à voie métrique.

Techniquement, l’affaire n’est pas vraiment facile, mais pas insurmontable. Il y a aujourd’hui quinze kilomètres par la route la plus directe entre Feurs et Panissières, sur un dénivelé d’environ 300 mètres. Les cinq premiers kilomètres sont dans la plaine, ensuite, il faut escalader les contreforts des « Montagnes du Matin », avec une pente moyenne de 30‰. Le tracé retenu a une longueur de 16,8 km car il fait un détour vers le nord pour emprunter la vallée de la Charpassonne qui autorise un profil en long plus régulier et plus facile sans nécessiter d’importants travaux de terrassement puisque l’allongement de parcours par rapport à la route, près de 3 kilomètres, porte uniquement sur la partie en rampe. Le principe du système Lartigue avait fait ses preuves en Irlande avec une ligne, de Listowell à Ballybunion qui a fonctionné sans incident notoire pendant 35 ans à partir de 1888.

C’est au niveau de la réalisation et du montage financier que les choses sont allées beaucoup plus mal. Soit par manque de moyens, soit par manque d’honnêteté de certaines personnes, la société chargée de construire la ligne ne respecta pas le cahier des charges et il y eut d’importantes malfaçons et des retards tels que l’autorisation de mise en exploitation sera refusée une première fois en août 1895, puis une seconde fois un an plus tard, le train d’essai n’ayant pas réussi à parcourir la ligne en entier sans dérailler. De nouveaux essais ayant eu lieu en 1898 après des travaux de mise en conformité, la société, enfin autorisée à exploiter, ne put le faire faute de fonds et fut déchue de sa concession en 1899. L’ensemble du matériel fut ferraillé en 1902.

L’historique du Monorail est développé dans la Revue des Chemins de Fer Régionaux et Urbains. Je pourrai aussi revenir sur cette histoire dans ces colonnes si d’aucuns au CFC en manifestent le désir

Ce qui reste du monorail aujourd’hui

Cette expérience malheureuse aurait pu laisser de mauvais souvenirs et se faire oublier. Il n’en est rien et les Panissièrois ont fait une célébrité de leur « drôle de machine » qui est considérée comme une richesse du patrimoine local. La ville de Panissières a le projet de lui consacrer une partie de son futur musée de la Cravate, ce qui ne serait que justice, puisque, comme on l’a vu plus haut, c’est l’importante activité de tissage qui avait motivé sa construction.

Outre les souvenirs dans les mémoires, il reste la plate-forme très bien conservée. Propriété du département de la Loire jusqu’en 1977, elle a été rétrocédée aux communes riveraines qui l’ont réaménagée d’un commun accord en chemin de randonnée. Ce chemin est pratiquement continu sur les 13 kilomètres de montée dans un cadre enchanteur de la vallée de la Charpassonne. Les passages supérieurs ont été remplacés par des passerelles, car le système Lartigue ne nécessitant pas de tablier, il ne restait rien de ces ponts. Les passages inférieurs, nombreux car là encore, particularité du système, il était impossible d’établir des passages à niveau, ont été restaurés pour la plupart, si bien que hormis les rails et les bâtiments, le tracé est encore très marqué dans le paysage et on peut se prendre à rêver qu’un jour peut-être un autre petit train pourrait encore y passer, sur une voie de 60 par exemple…

Je remercie l’Office du Tourisme des Montagnes du Matin qui m’a très obligeamment fourni tous les renseignements qui m’ont permis de rédiger cet article.

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