L'Association

Et le Schöma va ! 

Freddy Genot

Un après-midi d’août 2005, Gilbert qui venait de terminer la restauration du Plymouth n° 9, Daniel, Jacques H et moi échangions quelques pensées profondes quand l’un de nous suggéra « d’attaquer le Schöma ». 
Ce locotracteur, arrivé au CFC le 29 mars 2000, était abandonné dans un coin du dépôt. Il venait des Pyrénées ou il fut mis au travail au début des années 60 pour construire un barrage. Abandonné chez un ferrailleur c’est Daniel qui le trouva.
En 2004, une école de chaudronnerie a proposé au CFC de faire fabriquer une caisse neuve par ses élèves en guise de travaux pratiques. François a démonté la caisse qu’il a envoyée à l’école pour servir de modèle. Le reste retourna dans son coin.

Le moteur était bloqué. Gilbert aurait laissé ce tas de ferraille là-haut dans sa montagne, Vincent le déclara comme neuf. Jacques H était sûr qu’il allait tourner. Quant à moi, j’étais septique.
Avant d’entreprendre une restauration, nous voulions vérifier que le moteur était récupérable. 

Radiateur, ventilateur, pompe à eau filtres à air, échappement et culasses furent déposés en un clin d’oeil. Pour démonter les pistons, ce fut une autre paire de manches. Celles que Vincent retroussa sauvèrent la situation. Gilbert et Vincent ont fabriqué une entretoise, une vis vérin et retiré les chemises. Evidemment, quelques segments en sont sortis segmentés et les jupes de pistons, en particulier celle du premier cylindre, étaient rayées et corrodées. Gilbert a soigné les jupes à la toile et à la pierre et, oh miracle, le CA nous a autorisé à faire fabriquer 5 segments.

En attendant les segments, la pompe à eau a été « remise à neuf » par Jean-Claude. Gilbert et moi étions intrigués par le système de graissage. Une petite pompe, entraînée par l’arbre à cames et munie d’une manivelle sert à graisser les cylindres. Elle est reliée par des tubes capillaires aux cylindres. La réserve d’huile est dans le carter d’arbre à cames situé à l’avant du moteur et le niveau maxi est au mieux 10 cm sous le point d’entrée dans la pompe. Démontée cette pompe s’avère être une petite merveille de précision. Elle pompe et distribue l’huile vers 6 sorties. Nettoyée et remontée, Vincent nous montre qu’elle fonctionne. Oui, sur l’établi, alimentée depuis une boîte de petits pois, elle aspire l’huile qu’elle fait ressortir alternativement par chacune des 6 sorties. Gilbert reprend espoir monte la pompe sur le moteur la raccorde au réservoir par un bout de tuyau souple et tourne la manivelle. Pas l’ombre d’une goutte d’huile en sortie. 
D’après Vincent, nous avions oublié une bille ! Nouveau démontage de la pompe. A part les billes de la roue libre autorisant l’entraînement par la petite manivelle, nous ne voyons pas où mettre une autre bille. D’ailleurs, alimentée en huile de petits pois, la pompe fonctionne. Mais bien sûr, c’est notre tuyau de plastique qui n’est pas capillaire. Où est celui d’origine ? En deux morceaux dans un carton ! Jean- Claude rabiboche les deux morceaux et, cela fonctionne ! 
Et l’injection ? La pompe doit être morte nous dit Gilbert. Mais non dit Vincent, tout est comme neuf dans ce moteur. Quelque mouvement du levier d’amorçage de la pompe et l’injecteur crache ! Pourquoi l’injecteur il devrait y en avoir deux. Oui mais il n’y a qu’un tuyaux d’injection en état !
Pas de problème, Jacques H a un tuyau pour faire fabriquer… un tuyau. 
On attend ce tuyau mais comme on a reçu les segments, on peut essayer de démarrer sur un cylindre !
Gilbert sort sa boîte de café soluble réservoir pour abreuver la pompe d’injection. J’attelle le tracteur n° 11 au Schöma, Vincent s’installe à coté du décompresseur et Gilbert dans la cabine. Marche avant, marche arrière embrayage cela crache par la lumière d’échappement et puis pan c’est parti. Pas pour longtemps, 30 secondes peut-être ! Ouf, cela dure un peu plus longtemps, 2 à 3 minutes ?
Il faut roder la segmentation dit Gilbert. Je pense qu’il faut mettre de l’eau. Sans pompe à eau et sans radiateur, la seule solution est le refroidissement à eau perdue.
Le moteur s’arrête. Il faut débrancher l’arrivée d’eau, atteler le tracteur et recommencer. Pourquoi ne pas essayer à la manivelle ! Vincent s’y colle. Rien à faire mais c’est parce que le bras de la manivelle est trop long ! Et en plus, on n’a pas de cigarettes ! C’est un moteur qui fume (et pas un peu). Les fumeurs de l’équipe ne sont d’aucune aide : Jacques fume la pipe et Daniel est en vacances. Le bureau de tabac aussi. Vincent roule une cigarette en serviette de table mais notre monocylindre s’en moque, il veut son amadou préféré. Daniel nous en a promis une boîte de cirage.
Avant de redémarrer, Gilbert tourne la manivelle, la petite, celle de la pompe de graissage. Il tourne et tourne encore mais l’huile ne sort pas. Évidemment c’est à cause des tuyaux cassés qui sont remplacés par ceux qui alimentaient une gazinière et qui sont périmés depuis 1992 ! En fait, il faut pomper longtemps pour les remplir. 
Cette fois, c’en est trop : l’huile de petits pois qui coule dans les tuyaux de gazinière, le gasoil au café, les cigarettes de cirage, je n’y suis plus ou plutôt si, je suis, dans le cirage !
Vincent trouve que le moteur cogne et décide de diminuer l’avance. C’est un peu mieux mais le moteur s’arrête toujours. L’entraînement de la pompe à huile est cassé. La petite manivelle est restée dans la fente. Le tournevis a buté contre le tube de sortie d’eau. Gilbert et Vincent réparent la pompe et fabriquent un entraînement. 
Je remplis d’eau le radiateur qui a dû se frotter au ventilateur un soir de bringue. Bonne surprise, les seules fuites se trouvent au niveau des joints entre le faisceau et les boites à eau. 
Jacques nous apporte un beau tuyau d’injection pour le cylindre 2. Cette fois c’est sérieux, le moteur démarre mais n’est pas stable. Une fois chaud, Vincent le démarre à la manivelle, mais il est bien le seul de l’équipe à réaliser cet exploit. 
Gilbert veut voir le régulateur. Encore une histoire de billes. Mais ou est-il ? Denis pense que c’est comme sur le Jung, derrière la poulie. Non c’est dans le prolongement de l’arbre à cames. La clavette qui permet l’entraînement du bol contenant les billes est sortie de son logement.
Nouvel essai : cela tourne nettement mieux, sans doute aussi parce que Gilbert a méticuleusement réglé les avances à l’injection sur les deux cylindres. Au fait c’est combien l’avance ?
Reste le ralenti. Et bien Vincent a pu le régler mais c’est une solution provisoire. De toute manière c’est trop tard. Gilbert et moi avons déjà démonté 2 des 4 boulons qui fixent le moteur sur le châssis. Rassurés sur la possibilité de remettre le moteur en marche il faut passer à la restauration. 
Cela va être du sport pour sortir le moteur et son volant, la boîte inverseur qui est suspendue et tout le reste ! C’est vrai il y a encore des problèmes à résoudre : les décompresseurs pas parfaitement étanches, le démarrage et tout ceux qui viendront nous occuper dans les mois à venir.
Quel plaisir de faire revivre ce moteur dont il n’existe plus, à notre connaissance, que deux exemplaires et qui présente pour les mécaniciens que nous sommes un intérêt certain.