Le carnet du CFC

C F T de PITHIVIERS (Loiret) - Les 020T Decauville type 3

Bernard MERGER

La «Colette», sur le réseau de l’AMTP, la «Bouillote», sur celui du CFC, les N° 3 et 4, en voie de 0,50 celles-là, sur le CFTT, et d’autres, font partie de la longue série des locomotives type 3 construites par les Ets Decauville. Il est intéressant de se pencher sur l’origine de ces machines, d’un poids de 5 tonnes, représentatives de besoins industriels de l’époque.
Pour cela, faisons un bond en arrière dans le temps, à une période où, pour la remorque des charges sur rails métalliques, il était fait emploi de la traction animale, le plus souvent par des chevaux. Il est assez étonnant, d’ailleurs, que l’inventeur de la voie portable, en différents petits écartements, ne se soit pas lancé dans la construction de ce genre de locomotives, en arguant que pour l’obtention d’installations complètes, il se flattait de sous-traiter celles-ci, et en plus de les fournir à ses clients !!! De ce fait, de 1879 à 1888, ce seront la fabrique belge Couillet, puis de 1888 à 1891, La Métallurgique Tubize, entreprise belge, elle aussi, et plus particulièrement pour le type compound, dit de l’Exposition de 1889, qui assureront ces fabrications. Mais ces machines ne convinrent pas à tous les utilisateurs, et Decauville se rabattra sur le constructeur Weidknecht, à Paris, qui venait de créer dès 1891, des locomotives de type 021T, de 7,5 tonnes, et 031T, de 10 tonnes. Cette production perdurera jusqu’en 1896, quand même.
Parallèlement, les ateliers de Petit-Bourg avaient commencé depuis 1886 la construction de machines plus ou moins dérivées des types «Belle Petite» et «Fédora», respectivement d’un poids de 3 et 5 tonnes.
Il est décidé, en février 1892, de construire dans les nouvelles usines de Corbeil, un atelier réservé spécialement à la construction de locomotives. Ainsi, à partir de 1898, deux types seront fabriqués, d’un poids de 3,250 t et 5 t ; ces nouveaux modèles seront construits jusqu’en 1910, longévité assez surprenante dans une telle activité de construction ferroviaire, surtout vu l’époque à laquelle ce phénomène se produisit. D’après le catalogue130 des pièces de rechange Decauville, il n’est absolument pas fait référence à la puissance, mais d’effort au crochet ; ainsi pour la 3,250 T l’effort est égal à 568 Kg, pour la 5,5 T 1036 Kg cas de la «Colette» et de la «Bouillote», pour la 6,5 T de 1440 Kg, cas assez rare, et enfin de 1752 Kg pour la 8 T. On peut penser, en fonction des renseignements qui sont parvenus jusqu’à nous, que les 5,5 T ne dépassent pas les 20 CV vapeur.
La «Colette», matricule 8 au musée, date de 1919, et porte le numéro de construction 945, accusant un poids de 5 tonnes. Elle a au moins le mérite de représenter un type de locomotive purement Decauville. Cette locomotive, acquise par le musée en 1983 fut classée Monument Historique le 30-10-1987, venant grossir les rangs du matériel préservé par l’AMTP, et classé.
Depuis la fin de l’année 1894, Paul Decauville était fort contrarié par certaines manœuvres extérieures, provenant de la jalousie générée par ses succès de constructeur, aussi avait-il abandonné la direction de ses usines. Par contre, et en dépit de ces tracasseries stériles, les commandes n’en continuèrent pas moins d’affluer ; cette situation donna lieu à un accord commercial et industriel entre le constructeur français et les fabricants allemands (Borsig) auquel s’ajouta, en 1910, Orenstein & Koppel, pour une durée d’une vingtaine d’années. De cet état de fait naquit le type Progrès, qui unissait les avantages des machines françaises et les simplicités des machines allemandes. Tout le monde connaît le succès remporté par cette union puisqu’elle permit d’équiper moult usines, entreprises de travaux publics, carrières et satisfaire bien d’autres besoins industriels. Actuellement la «Colette» se trouve dans la petit nef centrale du dépôt, en compagnie du «teckel», anti-chambre du matériel qui sera remis en service, un jour ou l’autre, selon les décisions qui seront prises quant à la date de début des travaux pour les remettre en circulation sur le réseau, mais aussi et surtout, en fonction de la quantité de bras nécessaires pour effectuer ce boulot.
Appel est lancé, une fois encore, auprès des jeunes et moins jeunes, pour venir renforcer l’équipe de nos bénévoles, malheureusement bien faible en effectif, comme d’ «hab». Une autre constatation est la difficulté de trouver une livrée seyante pour ces petites locomotives, car leur petite taille n’offre guère de place pour un éventail de couleurs. Au fait, parmi les lecteurs, n’y aurait-il pas un «désigner» qui pourrait proposer des idées pour habiller ces machines d'une façon plus qu’élégante ? 
Pour en revenir à l’exploitation avec une si petite machine, commençons par les défauts. Le premier est une évidence, à savoir sa faible capacité à remorquer des rames d’un poids trop important, vu sa puissance de traction.
Le second, lié lui aussi à sa taille, est la faible capacité de combustible et d’eau embarquée, obligeant à des prises d’eau fréquemment renouvelées, et un ravitaillement en charbon à proximité. Je l’ai expérimenté soit sur la «Colette», et plus récemment sur la «Bouillote» du CFC, lors de sa venue sur le réseau, invitée pour les 40 ans de l’AMTP. En résumé, un usage intensif et une lourde charge sont à proscrire autant que faire se peut. Absence de marque, c’est une sablière, qui serait plus qu’utile sur rails gras, ou en cas de fortes rampes, car l’«essuyage de pieds» est garanti, ainsi qu’un frein à air, plus rentable, sans difficulté aucune, que le frein à vis et/ou à contre vapeur, guère efficace en cas de pousse du convoi, par exemple.
Les avantages, car il y en a pas mal, sont la facilité de conduite et de chauffe de ce que l’on pourrait apparenter à une grosse maquette à vapeur vive.
Le feu se tient bien, comme la pression d’ailleurs. Il n’y a pas besoin de chauffeur, suivant l’usage fait de cette locomotive. L’allumage est facile, encore que la grille de chauffe soit très petite, et la montée en pression est assez rapide, pour peu que le tirage soit bon, vu la faible hauteur de la cheminée. Un morceau de vieux conduit à fumée de poêle y remédie sans peine. La cabine de conduite a une faible surface, mais tout est lié à la taille de l’engin ; un «gabarit» étroit est recommandé, on le comprend aisément. Ainsi, point besoin de pelle à charbon, comme sur la grosse KDL, mais la petite pelle dont se servaient nos grand’mères pour leur cuisinière à charbon suffit amplement. L’utilisation de ce genre de locomotive, outre son faible coût de revient, est recommandé pour assurer des animations, par exemple au terminus de Bellébat, mais encore faut-il d’une part que ce matériel soit disponible, et d’autre part, que l’on dispose d’un agent supplémentaire à ceux inscrits sur la feuille : éternelle quête que les associations ont bien du mal à résoudre. Ce genre de machine convient parfaitement à des présentations extérieures à leur réseau d’affectation, de par leur taille et leur poids, facilitant leur transport, en évitant les convois exceptionnels, en plus relativement onéreux, tout en assurant une présentation matérielle de ce que l’on arrive encore à sauvegarder. 
De toute façon, lorsque vous viendrez nous rendre visite, si cela vous intéresse, n’hésitez pas à demander à un agent présent de vous faire découvrir ce qui sommeille dans le dépôt, soit parce que non prévu dans le roulement journalier, soit garé en attente d’une remise en état. Vous serez surpris par la quantité de matériel préservé, et classé, juste récompense de ceux qui ont œuvré et continuent à perpétuer les souvenirs d’un riche passé industriel, afin que rien ne tombe dans l’oubli et l’indifférence générale. Le meilleur accueil vous sera réservé, et vous pourrez compléter votre visite agréablement. A bientôt de vous voir.

Contact : C F T de Pithiviers Rue Carnot
45300 PITHIVIERS
Tél : 02 38 30 50 02
E-mail : amtp45@wanadoo.fr
Internet : www.amtp.fr.st

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