Le carnet du CFC

La 130T La Meuse n°9 - C F T de PITHIVIERS (Loiret)

Bernard MERGER

Encore une machine qui sort de l’ordinaire, sur le réseau de l’AMTP. Ce dernier possède en effet une variété d’engins de traction hors du commun, dû au fait que c’est toujours du matériel unique et qui est presque à chaque fois classé Monument Historique, d’une part, et d’autre part, en état de marche, pour autant que les moyens humains soient capables de suivre le rythme d’une telle préservation, ce qui n’est pas une évidence, loin s’en faut. Personne ne viendra me contredire sur ce sujet, ou alors que cette personne nous donne la recette pour avoir des bras bénévoles. Après la Blanc Misseron, la 3-5 qui a revêtu une chouette livrée, qui lui va très bien, en voici une autre, rouge-brique du plus bel effet aussi, surtout après avoir abandonné le vert «collant» qu’arborait le parc de traction durant de nombreuses années.
(Cliché A Elambert)
De cette façon, chaque machine se personnalise d’une manière élégante, ce pour le bonheur des équipes de traction, et permet de présenter aux visiteurs, autre chose que du banal voire du standard. Il est à noter, et ce fut une première, malheureusement restée sans suite, que le choix du ton de la livrée à appliquer sur cette machine fut soumis aux adhérents, et concrétisée par un vote. Mais oui ! Le choix proposé fut assez éclectique, puisqu’il y avait, en compétition, le gris P. O., le «chocolat», et le rouge-brique. Le gris P.O. n’aurait guère été seyant, car la machine est trop petite, pour mettre en valeur cette teinte. Quand au «chocolat», seules les locomotives de l’ancien réseau Nord étaient aptes à arborer cette jolie livrée, qui, outre les cerclages en cuivre, demande une vraie propreté pour rendre l’effet souhaité. Cette variété dans le ton des livrées identifie, d’une manière peu ordinaire, chaque locomotive du parc de traction. Maintenant que la 3-5 est à nouveau fonctionnelle, il tarde à pouvoir contempler une double traction de ces deux machines, aussi élégantes que jolies avec leur livrée colorée, et qui raviront plus d’un visiteur et mettront une touche originale sur des circulations hors du commun. Reste à pouvoir réunir deux équipes de traction, mais de ce côté-là, vu la difficulté à disposer d’un effectif d’agents en nombre suffisant pour réaliser cette envie, la couleur est plutôt axée sur le gris terne ! On peut toujours rêver, quand même, qui sait, mais à force de rêver ! Cette belle machine, de disposition d’essieux 1 porteur et 3 moteurs, a, en effet, une configuration exceptionnelle pour la voie de 0,60 m, car elle était plutôt appliquée à des machines rapides faites pour de longs parcours. Le bissel avant facilite l’inscription de la machine dans les courbes. En réalité, il est presque probable que ce genre ait été étudié pour des lignes «coloniales». 
Trois réseaux industriels se partagèrent la dotation de dix-huit machines, livrées entre 1922 et 1938. Celle portant le numéro de construction 3931, (la n° 9 du musée), fut livrée le 27 juillet 1938 à la sucrerie & distillerie du Soissonnais. 
Certaines furent saisies par l’occupant allemand, durant la guerre 1939-1945, et les autres survivantes furent ferraillées tout au début des années soixante.
Malgré ma demande aux ateliers de La Meuse, à Liège, il ne m’a pas été possible d’avoir des renseignements complémentaires sur cette série significative. La n°9 du musée porte le nom «Les Fontenelles», dont j’ignore la provenance, toutes les archives du constructeur ayant disparu au début des années 1950, par suite de profonds et divers «chamboulements» administratifs ayant marqué cette entreprise. Une de ces machines, la 3329, livrée le 12 septembre 1928 était dotée, par contre, de deux sablières et d’un dispositif d’aspiration d’eau, sans doute un appareil Bohler ! La sablière de La Meuse a un fonctionnement manuel. Ces machines, d’un poids de 16,5 tonnes, en service, et d’une puissance estimée à 150 CV, ne sont pas de bonnes «coureuses», comme la 3-5 « le Minihic », mais sont, par contre, d’excellents engins de traction pour des convois de marchandises. La n°9 est également une très bonne dépanneuse, en cas de demande de secours, suite à des détresses variées, et ce grâce à l’usage intensif du souffleur, pour obtenir une pression correcte, pratique non recommandée en utilisation «normale». Lors de l’arrêt des transports ferroviaires internes de la sucrerie de Maizy, dans l’Aisne, en 1962, la n°9 fut confiée au musée, en 1967. En 1972, son foyer en cuivre étant fissuré il fut remplacé par un autre en acier. Ce qui donne de très forts ronflements dans la boîte à feu, lorsque le feu n’est pas bien étalé. De deux choses l’une : entr'ouvrir le gueulard soit avoir un très bon chauffeur à bord, ce qui est quand même mieux, et diminue les désagréments et la consommation de charbon. Très bonne école de formation à la chauffe, que cette machine-là ! Autre particularité, pour arriver sur le plancher de la cabine de conduite, il y a deux marches à gravir, ce qui change de la DFB sur laquelle on passe des marguerites au plancher. Ce n’est pas un inconvénient, cela muscle les mollets, et au moins, on domine la situation ! On peut toujours joindre l’utile à l’agréable.
Le 3/11/1987 intervient son classement comme Monument Historique, un de plus possédé par le musée de l’AMTP. Cette locomotive a des dispositions constructives plus que caractéristiques. Ainsi, la cheminée est en acier moulé avec un chapiteau, quand à la cabine, elle possède un toit presque plat, et des joues latérales droites, de surface assez importante. Les hublots sont de forme rectangulaire ; il n’y a guère de tuyauteries apparentes et de ce fait, elle a une certaine ressemblance avec les machines de conception anglaise, ce qui ne nuit en rien à la finesse de sa ligne.

(Cliché A Elambert)
Les chapelles d’injection sont disposées de façon assez curieuse, étant sur la face arrière du foyer. Si cela assure un réchauffage plus rapide de l’eau de l’alimentation, cette particularité présente cependant un inconvénient de taille, à savoir que pour un amorçage correct des injecteurs, il faut impérativement que ceux-ci soient d’une propreté «nickel», et aussi en parfait état mécanique !
Quoiqu’il en soit, cette disposition pose un problème récurent et saisonnier quand à leur fonctionnement sans ennui durant toute une saison. Sa «hauteur sur pattes» lui donne une certaine prestance, voir une certaine élégance. Pour une machine qui n’a pas été construite pour disputer des concours de beauté, cela renforce quand même cette impression de finesse, si tant est que ce terme puisse être attribué à une locomotive ! Pour le restant de la machine, le classicisme est de rigueur : chaudière à foyer Belpaire, distribution Walschaerts, cylindres extérieurs légèrement inclinés, sablière manuelle, et régulateur Crampton que je ne trouve pas très souple ; question de réglages, sans doute ? En tout cas, en fin de journée, le biceps droit a bien fait sa musculation ! Il ne faut quand même pas demander le Pérou à des "mémères" de cet âge-là !
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(Cliché A Elambert)
Elle possède un sifflet très strident, digne d’une «Pacific», et modulable pour qui sait se servir de la commande. Le graissage du bissel avant requiert lui aussi de la souplesse, comme quoi on peut allier passion et exercice physique. Le frein à vapeur est très efficace, si les sabots ne sont pas près de la limite d’usure, ce qui peut paraître évident à certains mécanos, mais qui peut avoir une certaine importance, suivant le type de machine.
Le système de serrage pour l’immobilisation laboure les reins du chauffeur, car situé juste dans son dos, et en plus, c’est chaud ; alors, attention aux échauffements rénaux ! Autre remarque, en pleine saison chaude, les deux fenêtres arrière de la cabine peuvent s’ôter, histoire d’aérer l’équipe de conduite. La «clim» avant l’heure, en somme. Par contre, les deux hublots sur la face avant ne sont pas ouvrables. Un pivotement, en milieu de leur châssis serait une innovation très appréciée, surtout en période de fortes chaleurs. Ceci étant dit, cet engin est très agréable à conduire et à chauffer, si l’on tient compte de la remarque ci-dessus, relative au bon étalement du feu. Par contre, l’attelage, suivant les voitures remorquées, n’est pas très évident, du fait de la hauteur des traverses de tamponnement de la machine supportant les tampons «tulipe». La présence du bissel avant se ressent quand, après avoir tractionné cheminée en avant, on aborde une courbe serrée, cabine en avant, cheminée en arrière ; abordée durement çà secoue assez, suivant la vitesse. Les Alco n’avaient pas cet inconvénient, du fait d’un bissel à chaque extrémité.
Lors de votre venue sur le réseau, peut être que votre train sera tracté par cette machine, par ailleurs classée «Monument Historique». 
Comme le reste du parc, elle mérite une visite que vous ne regretterez pas, croyez-moi. Allez, à bientôt de vous voir chez nous, avec le plus grand des plaisirs.
Et n’oubliez pas que, rien ne vaut le déplacement pour passer une excellente journée, agrémentée d’un pique-nique à Bellébat.
(Cliché B. Merger)
Vu la palette des nouvelles livrées arborées par les machines, il y a de quoi engranger de jolies photos qui vous rappelleront qu’une journée en Beauce vaut bien mieux que la télé, ou un parc d’attractions, englué dans une foule compacte, que l’on côtoie d’ailleurs toute la semaine.

Contact : C F T de Pithiviers Rue Carnot
45300 PITHIVIERS
Tél : 02 38 30 50 02
E-mail : amtp45@wanadoo.fr
Internet : www.amtp.fr.st

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