Le carnet du CFC

Les voitures «voyageurs» du réseau C F T de PITHIVIERS (Loiret)

Bernard MERGER

Comme beaucoup de réseaux existants actuellement l’AMTP «hérita» à titre gracieux, par donations diverses ou suite aux achats par les fondateurs, de matériels issus de la 1ère guerre mondiale, et qui ont servi, après bien des turpitudes, aux réparations des dommages causés par ce conflit. Pour ne pas en rester là, à une époque où le transport routier n’était pas aussi développé et envahissant comme de nos jours, ils participèrent à l’expansion économique, dans l’industrie et les développements des transports urbains. L’AMTP, à l’époque de sa création n’y dérogea pas, et les voitures, qui circulent sur le réseau préservé, ont des origines des plus diverses. La «classification» simplifiée se résume à celles fermées, et aux découvertes, pour le reste du parc.
Dans la première catégorie, les «Valenciennes», comme leur appellation le signifie, proviennent du réseau métrique des tramways urbains de cette même ville, avant sa suppression en 1966, au profit des autobus. Bien sûr, elles ne pouvaient être utilisées en l’état, et des transformations furent nécessaires pour les adapter à la voie de 0,60, notamment par mise sur bogies de cet écartement, entre autres.
Ces véhicules sont, de par leur construction, des engins très lourds, ne serait ce que par leur châssis massif et la texture de leur habillage. Le musée en possède quatre exemplaires, dont une mixte fourgon et voyageurs, la BD137, avec porte latérale coulissante de chaque côté. Les trois autres, B131, B133 et B145 ont des compartiments aménagés avec des anciennes banquettes en bois, en provenance du matériel réformé du métro de Paris. Les fenêtres sont à ouverture verticale, pratique en vigueur à cette époque.
(Cliché B Merger). 
Les plateformes sont fermées par des portillons en fer, et une porte coulissante et vitrée à chaque extrémité, protége l’accès à l’intérieur. Il faut bien avouer que deux ou trois autres voitures identiques auraient permit de former une rame homogène, certes longue, mais combien agréable pour l’œil et les appareils photo !! De par leur provenance originelle, ces véhicules qui n’ont subi que la pose de bogies à voie de soixante, au niveau structurel, en font des voitures d’un gabarit assez généreux. Cet aspect se voit au premier coup d’œil lorsqu’on visite d’autres réseaux, sur lesquels les voitures voyageurs ont un encombrement beaucoup plus étroit, étant souvent des adaptations de fourgons ou des constructions neuves, mais réalisées dans une optique d’uniformisation vis-à-vis du restant du parc. Cela n’a pas grande importance esthétique, bien au contraire, mais il faut reconnaître que l’on y est perdant quand au confort intérieur, et par conséquence, au niveau du nombre de voyageurs pouvant être transportés. Cet ensemble forme une très belle composition homogène, mais pour les tractionnaires et suivant la machine utilisée, il ne faut pas oublier que cela «pousse» dans les descentes raides et que leur hauteur les transforme en danseuses, suivant la vitesse avec laquelle on roule sur certaines sections de voie (peut être une question de souplesse des ressorts de suspension ?). Leur confort, au niveau assise est spartiate, tendance sièges rembourrés avec des noyaux de pêches, comme au bon vieux temps des banquettes en bois des omnibus d’antan, pour ceux qui ont connu cette période héroïque ! Par contre, lors de leur entretien de la charpente «bois», on s’aperçoit, vu le boulot de menuiserie, que l’appellation «tôlée» ne signifie pas grand-chose ; c’est fou ce que les constructions ferroviaires anciennes étaient quand même assez complexes, et surtout, la recherche, quoiqu’on en pense, du solide pour durer dans le temps, quelque soit le type d’exploitation et de maintenance. 
Lorsque l’on regarde les photos, ou que l’on a emprunté les voitures voyageurs du réseau, on peut se rendre compte de la différence de l’aménagement intérieur de ces véhicules, sauf en ce qui concerne le rembourrage «noyaux de pêches» des sièges, qui rappelle les anciennes voitures de 3ème classe des anciens réseaux, pour ceux qui ont connu cette époque ! 

Parmi les autres véhicules, il faut mentionner les baladeuses ouvertes, aménagées sur des châssis de wagons du conflit de 14-18 d’après celles des tramways de Royan ; elles possèdent des rideaux de protection latérale, à rayures rouges et blanches, et sont d’anciens fourgons du TPT, eux-mêmes reliquats de l’armée anglaise. Il y en a trois en roulement, plus une autre en attente de finition de mise aux normes telles que les bogies, rideaux, etc. Deux autres voitures semi-ouvertes, de même provenance, et transformées par l’AMTP sur le modèle des tramways du Calvados. 
(Cliché A Elambert)
Cette variété permet des compositions variées et aux couleurs panachées. Par rapport aux Valenciennes, ce sont des voitures qui n’ont rien de comparable au niveau du poids. C’est ce que l’on appelle un train « léger», que les petites machines n’ont pas de difficultés, en principe, à tirer. Le confort de roulement est lui aussi dans l’impossibilité de renier son origine. Il reste, enfin, une autre voiture, fermée, montée sur bogies type TPT, qui a été classée «Monument Historique» le 2 mars 1994, et qui est la fameuse V6, unique survivante du parc voyageurs de l’ancien réseau Pithiviers-Toury. 

(Cliché A Elambert)
Pour être complet dans cet inventaire, il ne faut pas oublier la minuscule voiturette d’inspection à essieux, type 69, en provenance des usines d’engrais de Linet, Oise, et qui est présentée dans le catalogue Decauville, édition de février 1890, au prix de 350 francs de l’époque, 4 places de front, montée sur ressorts, en guise de suspension. Ce microscopique véhicule n’entre pas dans la composition des trains réguliers, on s’en doute, mais assure, avec la non moins célèbre petite 020T Schneider de 1870, les animations sur la boucle terminale de Béllébat, entre deux trains du service. Lors de sa «montée» vers sa destination, elle forme avec la machine un convoi donnant l’impression qu’il s’agit d’une maquette ferroviaire échappée de sa vitrine d’exposition !! Lorsqu’elle est doublée par un semi-remorque, ce camion a l’air d’un géant à ses côtés, et on espère qu’il ne provoquera pas de déplacement d’air susceptible de la renverser.

Enfin, dans la catégorie «hybride», il y a le L120, tombereau à bogies, aménagé avec des bancs, et en provenance de l’ancienne sucrerie de Mainvilliers, dans le Loiret, et possédant comme l’ensemble de ces voitures le même raffinement dans la souplesse de son confort. La question n’étant pas cette recherche digne des grands trains de luxe d’autrefois, il est toujours agréable de voyager dans de tels convois, mémoire d’un temps où l’aventure ferroviaire ne faisait peur à personne, les gens étant bien contents, au contraire, de pouvoir se déplacer autrement que dans des charrettes à traction hippomobile. Comme toujours il faut saluer le travail abattu par les créateurs de ces réseaux, sauveteurs courageux d’un patrimoine que l’on n’a pas envie de découvrir dans des musées, sous forme de photos ou d’images virtuelles. Rien ne remplacera le «patam-patam» provoqué par le passage sur les joints des coupons de rails de faible longueur. Un voyage, en août dans de tels engins vous porte presque au doux plaisir de la somnolence d’un voyage en chemin de fer, comme dans le temps !!! A l’origine, le parc «voyageurs» du TPT fut fourni par les Ets Decauville, et comportait six voitures mixtes ½° classe à bogies, avec accès par plateformes extrêmes, ossature en teck, et qui ont porté, pendant un certain temps, le bandeau «Tramways du Loiret», en lettres de laiton doré du plus bel effet. En 1931, cinq de ces voitures furent reconstruites, et un compartiment pour la poste, et un coin pour les bagages furent installés à bord d’une unité. Enfin en 1942, les ateliers du réseau, face au problème de l’augmentation croissante du trafic «voyageurs» relatif aux événements, construisirent une autre voiture, du même type. Ces voitures n’avaient rien à envier aux voitures des grands réseaux de l’époque, tant l’aspect extérieur qu’intérieur était seyant à l’œil ! Si elles avaient pu être préservées, cela aurait fait aussi une autre belle composition homogène, c’est sûr. Par contre, «Exit» les petites machines pour remorquer un tel convoi ; mais c’est encore un amer regret, les chalumeaux s’étant chargé depuis belle lurette d’effacer tout cela. 

(Cliché A Elambert)  
Subsiste un problème, toujours le même, c’est le poids de telles voitures. Ainsi leur structure tôlée n’arrange en rien le besoin de fraîcheur en haute saison, les baies vitrées pêchant par leur inefficacité à fournir de l’air en quantité suffisante pour ne pas occasionner de gêne pouvant gâcher un voyage à leur bord !!! Un réseau a beau s’efforcer à trouver de quoi présenter des compositions originales et homogènes, il y aura toujours des regrets de ne pouvoir y parvenir en totalité, rien que du fait d’avoir pu préserver des voitures anciennes, beaucoup plus lentes que les flammes des chalumeaux destructeurs de l’époque ! De là à imaginer la climatisation à bord, il ne faut quand mêle pas rêver… Pas de regrets quand même, chaque réseau essayant de pallier à cette recherche d’un confort plus ou moins relatif, d’ailleurs, le travail de préservation est plus que surprenant, ce dont on se rend compte maintenant que les années passent. Quoiqu’il en soit, si vous circulez en début de saison, ou en fin de saison d’exploitation, vous ne regretterez pas un tel voyage dans le temps, ni le fait de vous être déplacés pour passer une journée au grand air de la Beauce, histoire de respirer un autre air et de se préparer pour une autre semaine de travail, eh oui !!! A bientôt de vous voir sur notre réseau, et ce avec le plus grand des plaisirs.

Contact : C F T de Pithiviers Rue Carnot
45300 PITHIVIERS
Tél : 02 38 30 50 02
E-mail : amtp45@wanadoo.fr
Internet : www.amtp.fr.st

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