Le carnet du CFC

Les locomotives D F B - C F T de PITHIVIERS (Loiret)

Bernard MERGER

1ère guerre mondiale

Afin de s’équiper en chemins de fer à voie étroite, la France et l’Allemagne, à partir de la fin du XIXème siècle, firent des recherches orientées vers du matériel ferroviaire léger, et pas besoin d’être stratège en la chose guerrière pour deviner pourquoi. Les français se tournèrent vers le système du colonel d’artillerie Péchot et de l’ingénieur Mr Bourdon, en voie de 0,60, et en 1892, les allemands raisonnèrent de façon semblable, tout en gardant le même écartement, et entreprirent la construction de locomotives jumelles, les «Zwilling». Ces engins militaires étaient équipées d’un système d’aspiration de l’eau, située en contrebas de la voie, genre mares, ruisseaux voir puits, afin de pallier au manque de points de ravitaillement. Leur particularité était d’être bi directionnelles, de par leur construction, mais le fait d’avoir un foyer central pour deux chaudières n’était pas des plus pratique, loin s’en faut, surtout en temps de guerre. Les Deutsch Feld Bahn, ou chemin de fer de campagne allemand, furent construites après avancement des travaux de recherche. Et c’est en 1905 que la société Henschel présenta la 7071-201, prototype d’une série de machines, dont la construction se poursuivit jusqu’en 1919, pour atteindre plus de 2.500 unités, série la plus importante jamais construite de locomotives en voie de 0,60. Ces machines ont une puissance d’environ 70 CV. Soucis guerriers obligeant, toutes ces machines, pour une efficacité évidente, étaient rigoureusement semblables, mis à part une légère différence au niveau des caisses à eau, et ce quelque soient les constructeurs, Borsig, Hanomag, Hartmann, Vulcan, Orenstein&Koppel, Maffei, Linke Hoffmann, Henschel, Hohenzollern, Esslinger, qui se partagèrent cet important marché. Ce sont des machines moins élégantes que les Decauvilles, mais simples et robustes, à quatre essieux, les deux extrêmes étant articulés. Ce système comporte à la place d’un essieu classique un genre de faux essieu, relié aux bielles d’accouplement, supportant, par les boîtes d’essieux, le châssis. En son milieu, il est doté d’une rotule, avec axe transversal d’entraînement le reliant à un essieu creux, celui là, portant les roues. Ce système transmet le mouvement et la charge permettant de prendre un certain angle et de coulisser transversalement sur la rotule. Ce système «Klien Lindner» permet à la machine son inscription dans des courbes serrées d’environ 30 mètres de rayon. Le châssis extérieur possède une distribution «Allan». Cette standardisation, avant l’heure, permettait de cannibaliser une machine pour en réparer une autre, sans soucis d’ajustages divers et surtout le plus rapidement possible, état de guerre oblige. Elles jouèrent un très grand rôle dans le transport de toute sorte de matériels militaires, pour les tranchées et l’artillerie, surtout à partir de la stabilisation du front, au début de 1915. A la fin de ce premier conflit mondial, un très grand nombre de ces locomotives se retrouvèrent employées pour diverses tâches, reconstruction des régions libérées, dans les industries, ou sur des réseaux betteraviers, rendant partout un excellent service. Durant la seconde guerre mondiale, on en retrouvera en grand nombre dans l’armée allemande, signe évident d’une robustesse à toute épreuve.
Ces machines font la joie de presque tous les réseaux touristiques, ce qui est tant mieux pour eux, pouvant avoir un engin de traction vapeur autre qu’un locotracteur, car à part quelques musées dotés d’un nombre de spécimens très rares et souvent uniques, on ne peut imaginer un engin de traction assez puissant et autre que de faibles 020T, voir 030T, car là aussi, la charge remorquée peut être importante.
Elles ont été accouplées à des tenders à bogies, à tôles rivetées, et de grande capacité, pour palier au manque de points de ravitaillement en eau et charbon, augmentant ainsi de façon évidente leur rayon d’action. Seule la capacité en eau différenciait ces tenders, soit 3.150 ou 5.000 litres. Ils étaient équipés, à chaque extrémité, d’un siège, pour le serre frein, en dessous desquels se trouvaient rangés armes et tuyaux. Leur poids, à vide, était de 10 tonnes. Il ne reste, actuellement, en France, que quatre tenders, tout au moins qui soient répertoriés. Leur utilisation forme avec la locomotive un attelage de grande longueur, ce qui ne facilite guère l’exploitation, car il faut retourner l’ensemble, tous les réseaux n’ayant pas de triangle américain ni de plaque tournante, et la circulation tender en avant n’est pas pratique ni sécurisante sur un réseau transportant des voyageurs, et par rapport aux nouvelles normes de sécurité, STRMTG, entre autre!!!
Beaucoup de ces machines «touristiques» ont subi de nombreuses adaptations et modifications, avec entre autre, montage du frein à air. Celles du musée de Pithiviers sont encore dans leur jus originel, et c’est plus que folklorique que d’utiliser celle en état de rouler. Le chauffeur freine, au levier, le mécanicien s’occupe de l’approvisionnement en eau de la chaudière, tout en tractionnant, bref on ne s’ennuie pas en cabine. En cas d’attelage, effectué par le chauffeur, le mécanicien, seul dans la cabine, jongle avec le régulateur et le frein à main, afin de ne pas «secouer» la rame, et parfois, il ne manque que quelques centimètres pour faire le tampon jointif ; alors on recommence !!! De par sa conception, le foyer à une fâcheuse tendance à «refouler» à l’ouverture du gueulard, aussi faut il prévoir une arrivée d’air, ce qui permettra de ne pas se retrouver avec les mèches et sourcils brûlés d’un seul coup.
C’est ce que l’on définit comme une autre maîtrise de feu. Vu son inclinaison, ce foyer n’est guère pratique pour avoir un feu correct, bien étalé, et qui évitera les «galettes» de mâchefer au bout d’un moment. Sinon c’est la chute de pression, et bien souvent, si l’on n’y prend pas garde, cela se solde par une détresse en ligne. Contrairement à ce que l’on entend souvent, la qualité du charbon n’est pas en cause, vu que c’est le même pour toutes les machines. Quelques équipes en ont fait l’amère expérience, mais outre le désagrément pour les voyageurs, cela permet un sacré apprentissage de chauffeur. Le savoir n’étant pas inné, tout s’apprend, et rien ne s’invente, surtout le moyen de ne pas se ramasser un retour de flammes en pleine figure, et être attentif à son feu, en ligne. La grande longueur de la chaudière, donc des tubes à nettoyer, fait que le maniement du fusil de ramonage est un sacré sport pour les bras, surtout qu’il y en a pas mal ! Ce genre de locomotive a ses passionnés, mais aussi ses détracteurs, car il faut bien le reconnaître, quelque soit le penchant que l’on a pour elle, qu’il y a des machines plus intéressantes à conduire ou à chauffer. Enfin, en tout cas, c’est juste mon avis !!! L’AMTP possède deux exemplaires de ces locomotives. Une, baptisée «Jacqueline» 
n° 2282, construite en 1918, prise de guerre a servi dans les travaux publics chez Ruvenhorst et Humbert et fut acquise par un privé en 1967. Elle a circulé épisodiquement sur le réseau, avant d’en devenir la propriété en 1993. Elle est exposée avec le numéro 7, dans la nef voie de 0,60 du musée. La deuxième, la 4, construite par Henschel en 1917 numéro du constructeur 15311, est restée en France après l’armistice de 1918. Elle fut vendue aux sablières de Bourron-Marlotte, en Seine et Marne, et fut acquise, elle aussi, par un collectionneur privé en 1969, puis fut transférée au musée, et classée Monument Historique le 30-10-1987. Une aide du Conseil général du Loiret permit son acquisition en 1993. 
Actuellement à chute de timbre, c’est notre fameux et unique «teckel», qui outre sa couleur café au lait foncé, se distingue par sa cheminée surmontée d’un réservoir à escarbilles de grande taille. On ne peut pas le louper, même de loin !!!
Ce nez à nez permet de comparer ces deux engins qui sont absolument identiques, mis à part les cheminées. Le standard de la construction apparaît de façon plus qu’évidente. Une autre particularité, que l’on peut discerner, est la faible hauteur de l’emmarchement pour accéder à la cabine, ce qui change de La Meuse, par exemple. On a l’impression de tractionner au dessus des pâquerettes, et si on rate la marche à la descente, au moins on ne tombe pas de bien haut. Autre particularité, les points de graissage, nombreux et dispersés, ce qui change du graisseur mécanique et centralisé des KDL. Trente ans entre deux conflits engendrent des progrès techniques très importants. 
Le temps de sa remise en état, ce genre de machine curieuse, ne sera visible qu’au musée, voir au dépôt, sur simple demande à un agent d’exploitation. Lors de manifestations rétrospectives, on peut être confronté 
à des rencontres d’ancêtres dont après tout, seule la consistance du train de roulement, mais entre contemporains, on ne va pas chipoter sur quelques détails. Notre «teckel» n’a certes pas l élégance de machines plus récentes que lui, mais il faut bien reconnaître, et en toute bonne foi, qu’il ne détériore pas la vue d’un long convoi, en double traction, loin s’en faut. Quoiqu’il en soit, à son âge, il ne faut pas abuser de telle situation, c’est déconseillé pour la santé. Pour être franc, dans ce genre de démonstration, l’autre machine peut aider, et cela prend l’appellation, alors, d’une «fausse double traction», mais qui s’en plaindra ?
Allez, lors de votre séjour au musée de Pithiviers, vous aurez l’occasion de faire de très jolies photos, et après une excellente journée passée, avec un pique nique au terminus aménagé de Béllébat, vous n’aurez qu’une envie : revenir. C’est ce que je vous souhaite. A bientôt

Contact : C F T de Pithiviers Rue Carnot
45300 PITHIVIERS
Tél : 02 38 30 50 02
E-mail : amtp45@wanadoo.fr
Internet : www.amtp.fr.st

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