Le carnet du CFC

C F de PITHIVIERS (Loiret)
Automotrice à essence et à transmission électrique système « CROCHAT » 6.L.2.60

Bernard MERGER

Très tôt, le TPT rechercha la diminution notable des dépenses d’exploitation, vu le coût assez élevé du prix de revient voyageur transporté par train « vapeur ». En 1928, pour mémoire, les deux autorails en service couvraient leurs frais d’exploitation, alors que les « vapeurs » coûtaient le double de ce qu’ils rapportaient, aussi, les responsables de ce réseau contactèrent les établissements Henri CROCHAT dont l’ingénieur en chef de cette maison avait la même passion de la stéréoscopie, ou photo « en relief », que le directeur du TPT. Cet ancêtre des autorails et autres engins possède un caractère vraiment précurseur de par ses principes techniques, qui n’ont été, après tout, qu’améliorés par la suite. Tout se copie ! Sa caisse, en bois tôlée, de forme rectangulaire, lui valut le sobriquet de « la malle ». 
Les caractéristiques électromécaniques dénotent une certaine ingéniosité technique, pour l’époque. Moteur « ASTER » à essence. Entraînement de l’essieu arrière par un moteur électrique dont l’engrenage de réduction se trouve enfermé dans un carter étanche, à bain d’huile. Le démarrage automatique de l’engin se fait par batterie d’accumulateurs, la génératrice du groupe fonctionnant comme un moteur. Une petite génératrice auxiliaire charge la batterie servant au démarrage, ainsi qu’à l’éclairage électrique du véhicule. Les freins, à sabots et à rattrapage automatique, sur les deux essieux, sont à commande par volant et chaîne d’enroulement. Un frein au pied agit sur l’essieu avant grâce à un ruban d’enroulement « LEMOINE ». Enfin, le chauffage de l’automotrice, eh oui !! , est assuré par des chaufferettes, alimentées par les gaz d’échappement. Ce véhicule offre 32 places, soit 12 assises, 5 sur strapontins, 10 debout sur la plateforme et 5 debout dans le couloir…La cloison séparant la cabine de conduite était dotée d’une sorte de guichet, permettant ainsi au conducteur de délivrer les billets valables par un certain nombre de sections, parcourues lors du déplacement. En somme, déjà le service à un seul agent, souci de rentabilité recherché. 
Ces souches groupaient 5 coupons sur le plan vertical, ce qui représentait le tarif pour le trajet de Pithiviers à Toury, pour un voyage aller ou retour, évidemment. Système équitable de paiement ; on paye que ce que l’on doit, et non une somme quelque soit la distance parcourue. Le décompte partiel d’un voyage ne m’est pas connu, car, malheureusement, il n’y a plus guère de personnes ayant connu ces voyages, d’un autre temps.
D’autre part, les possesseurs de cartes postales anciennes, ou de courrier de cette époque, auront remarqué que le tampon d’oblitération n’est pas rond, mais a une forme octogonale. Curieux détail, et qui fait son originalité de par sa rareté, car ce courrier était remis au chef de train, qui le tamponnait avec ce cachet, un genre de délégation de l’administration postale, en quelque sorte !
A noter, également, le phare central, repris aussi par des réseaux métriques, et un certain tramway girondin !

Lors de sa révision intégrale, il est à noter que le moteur d’origine, après remise à niveau, a tourné de façon impeccable. La surprise, par contre, est venue du câblage électrique du moteur de traction. En effet, il était encore constitué de ce qui se faisait de mieux, à l’époque, c'est-à-dire le fil de cuivre entouré de papier goudronné et torsadé. Les anciens ont connu çà avec les fils électrique d’éclairage des maisons, alimentées en 110 volts…Pas besoin de « Karcher », rien qu’à le regarder, il tombe tout seul. Il a donc fallu tout reprendre, avec des matériaux aux normes plus sécurisantes, et trouver quelqu’un de compétent pour refaire les soudures sur le bâti du carter. Comme quoi, quand on remet à neuf du très vieux, il faut s’attendre à des surprises de taille !!! A remarquer l’importance du radiateur de refroidissement du moteur. Sur le dossier de la cabine de conduite, en son milieu, est installé un guichet de recettes, d’où exploitation réelle à un seul agent, solution, également, reprise par la suite par d’autres réseaux. Ce véhicule n’a pas la bi-directionalité, et cet inconvénient l’oblige à passer sur la plaque tournante du dépôt, à Pithiviers, ou à emprunter le «triangle américain», au terminus de Bellébat, ce qui donne lieu à de très belles photos, ainsi qu’une interrogation sur le fonctionnement de cet appareil de voie peu ordinaire.

Le Tramway Pithiviers-Toury était véritablement novateur de par ses idées, commerciales ou techniques. 
Les caractéristiques de cet « autorail », avant l’heure, sont les suivantes :
Longueur totale 6 mètres, largeur 1,90 m, empattement 3 m, diamètre des roues neuves 600mm, masse à vide 5,2 tonnes. La vitesse commerciale, en service était de 20 km/h.
Lors des essais du mardi 21 juin 1922, le trajet Pithiviers -Toury, avec arrêt à chaque station, comme un train vapeur « régulier », s’est effectué en 1h23, à une vitesse de 23 km/h avec une consommation d’essence de 8 litres, pour un parcours de 31,80 kms, soit 25,20 litres aux 100kms.
Lors d’un autre essai, dans la traversée de Châtillon, la « malle » a bifurqué sur l’embranchement de la ferme de Beauclaire, s’affranchissant de courbes en « S » de 30 et 40 mètres de rayon, la voie au passage des deux courbes étant montée, quand même, avec contre-rails. Enfin d’autres essais eurent lieu dans le but de mesurer les intensités prises par le moteur électrique, en différents endroits du parcours, ainsi que dans les rampes, de façon à déterminer approximativement l’effort de roulement. Bien que le procédé employé manqua de précision et soit entaché de nombreuses sources d’erreur, il semblerait que cet effort, en palier, ait été reconnu comme inférieur à 10 Kgs/tonne.
A partir de ces essais du 19 juin, le lest embarqué fut remplacé par des voyageurs, et lors du parcours du 26 juin, il y avait à bord 38 personnes, ce qui porta le poids en ordre de marche de l’automotrice à 7.850 kilos. Cet essai fut une marche identique à un « régulier » vapeur, et le moteur à essence a été arrêté et redémarré à toutes les stations.
Cet autorail, avec tous les développements techniques incroyables, pour l’époque, a engendré une descendance plus que variée, à commencer par ses « frères », montés sur bogies, AT 2 et 3, les tracteurs ex-Salins du Midi, du CF du Tarn (diesel bicylindre Baudoin ou Berliet de 135 ch), sans oublier le « blindé », pensionnaire du 5ème Régiment de Génie. L’AT1 de l’AMTP reste cependant la référence de ce que fut le début de l’ère du transport à moindre coût des voyageurs, à savoir l’autorail.
Malgré tout, le réseau ne profita pas de ces possibilités, le Crochat suivant la même marche que les trains vapeur, car devant pouvoir les remplacer à tout moment. Dilemme incontournable entre la technologie de pointe, peu importe l’époque, et les nécessités commerciales…Dommage !!!
Il ne sera pas sorti de grande révision pour le 40ème anniversaire de l’AMTP, et il ne fera pas retentir son « pin pon » désaccordé en service avec un supplémentaire au milieu de toutes les circulations des 17 et 18 juin 2006. C’est regrettable, d’autant que comme dédoublement du train régulier, il permet de « goûter » aux joies des différents modes de traction, vapeur à l’aller, autorail au retour, par exemple, comme les correspondances d’antan… 
En tout cas, venez le voir, au musée, pièce unique, tant s’en faut, et vous serez agréablement surpris, car rien qu’à lui seul, il vaut une visite, d’autant qu’à ce jour, sa remise en état est terminée, enfin !
Cet autorail, curieux et unique, fait partie d’une collection d’engins récupérés il y a 40 ans alors que tout ce patrimoine prenait le chemin des bennes à ferraille ou finissaient sous les chalumeaux des ferrailleurs, curieux bi voie !!! 

Contact : C F T de Pithiviers Rue Carnot
45300 PITHIVIERS
Tél : 02 38 30 50 02
E-mail : amtp45@wanadoo.fr
Internet : www.amtp.fr.st

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