Le carnet du CFC

Les locomotives à grande vitesse des Chemins de fer du Nord

La machine locomotive a réalisé, depuis vingt cinq années environ, une série de progrès continus, grâce auxquels on a pu améliorer grandement le rendement des types nouveaux spécialement étudiés à cet effet, et obtenir dans la consommation de vapeur, et par suite du combustible, des réductions qui auraient paru irréalisables autrefois. Ces progrès ont résulté principalement de l'application des hautes pressions (1) de vapeur combinées avec l'emploi des distributions compound (2).
Cette disposition, en reportant la détente complète sur plusieurs cylindres successifs, permet de n'effectuer dans chacun d'eux qu'une chute de pression relativement réduite n'entraînant donc pas pour les parois un refroidissement excessif inévitable autrement [...]
Les études de l'application de la distribution compound ont été faites surtout sur les machines marines, et elles ont donné, dans les mains des ingénieurs des constructions navales et de nos chantiers particuliers, des résultats particulièrement frappants [...]
Devant l'importance des résultats acquis, les ingénieurs de nos chemins de fer se sont demandés s'il ne convenait pas d'adopter aussi la distribution compound sur les locomotives. La question pouvait restée douteuse, car la nécessité d'augmenter le nombre des cylindres, de les munir de distributions indépendantes, entraîne l'addition d'une série d'organes et de pièces dont le moindre inconvénient n'est pas de compliquer la machine outre mesure et qui en même temps peuvent provoquer des frottements de toute nature susceptibles d'atténuer grandement l'économie espérée.
Les tentatives isolées déjà faites dans cette voie, comme celle de Monsieur Mallet (3) sur les machines de la ligne Bayonne-Biarritz, avaient bien donné des résultats favorables, mais il était nécessaire que l'application en fut réalisée par de grandes compagnie de chemin de fer, afin que l'expérience put acquérir toute l'autorité nécessaire.
Parmi celles-ci, nous citerons spécialement les machines compound des compagnies du Nord et de Lyon dont nous donnerons la description pour répondre au désir exprimé des divers lecteurs. [...]

Sources : Extraits d'un article signé L.B., paru dans la revue Nature du 13 juin 1896.

Notes : (1) Le premier à avoir utilisé la haute pression est l'américain Olivier Evans en 1797. Auparavant les machines à vapeur fonctionnaient à 3, 4 bars et comme elles étaient munies d'un condenseur elles gagnaient une atmosphère par le vide créé par la condensation. A la fin de XVIII ème siècle on considérait comme haute pression une pression de 10, 12 bars. A cette pression, Evans supprime le condenseur dont le gain ne révèle plus guère utile et libère la vapeur dans l'atmosphère.

(2) La première machine compound fut celle créée par Arthur Woolf en 1804. Cette machine utilise la double expansion, c'est à dire que la vapeur est admise dans le cylindre HP puis s’échappe dans le cylindre BP où elle continue sa détente. Elle est ensuite libérée dans le condenseur ou dans l’atmosphère.

(3) Anatole Mallet, ingénieur suisse, est le premier à utiliser la double expansion sur les locomotives. En 1884, il déposa un brevet pour une locomotive compound articulée munie de 4 cylindres (2HP, 2BP) en deux trains moteurs. La première machine de ce type fut une locomotive de type 020+020 pour voie étroite et construite en Belgique en 1887.

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