Le carnet du CFC

Wagons betteraviers du TPT
C F T de PITHIVIERS - (Loiret)

Bernard MERGER

Alors qu’une nouvelle campagne betteravière s’annonce, avec des moyens mécaniques autres que ceux employés jusque dans les années «soixante», il est intéressant de faire un retour en arrière sur ce que fut cette période sur le TPT. La longueur du réseau atteignait, alors, 32 Km, en voie préfabriquée et légère, à l’écartement de 0,60 m. Elle reçu l’appellation populaire de «Décau», et entra en service en 1892 pour ne s’arrêter qu’en 1964, année où les sucreries reportèrent leur trafic ferroviaire sur route, bel exemple, s’il en faut, de longévité. La traction des convois fut essentiellement assurée par des locomotives à vapeur. Cette longévité a été générée, en grande partie par les sucreries, pour le transport des betteraves et produits dérivés, ce qui ne nécessitait pas de véhicules routiers, le trafic de masses sur des distances assez importantes reléguait la vitesse loin dans la liste des préoccupations. Il est assez surprenant de constater que ce réseau avait, à son apogée, une longueur de plus de 80 Km, les embranchements vers les exploitations étaient complétés par des «bascules», points de livraisons des cultivateurs qui y apportaient leurs récoltes. 

(cliché AMTP)

Une carte postale de 1906, confiée au convoyeur du train, comme l’indique le cachet hexagonal typique, en vigueur sur le TPT, reflète bien l’intense activité qui régnait lors de ces campagnes betteravières. Le TPT drainait toute cette partie de la Beauce pithuairaise, et sa gestion était largement bénéficiaire grâce aux recettes «marchandises», celles du trafic «voyageurs» ayant été toujours faibles vu la faible démographie de cette région. Avant la grande guerre le département avait envisagé de «passer» ce réseau à l’écartement métrique, mais vu les coûts de cette reconversion, il se borna à remplacer le rail léger d’origine par du rail lourd de 18 Kg, les rails encore en bon état servant à l’établissement des embranchements et bascules. Rien ne se perdait à l’époque, déjà ! La déclaration de guerre fit passer à la trappe ce projet de changement d’écartement, mais le trafic continua à progresser et à se développer ! Pour information, en 1910, encore mal équipé pour ce transport, le Décau, toutes denrées confondues, achemina 51.840 tonnes et en 1932, ce tonnage avoisinait un peu plus de 278.000 tonnes, ce qui en période automnale demandait la circulation journalière de 5 à 6 trains assez lourds, tout en assurant l’entretien des machines, très sollicitées, sans compter les travaux de voie ! Grâce à ce trafic très prospère, non seulement ce réseau équilibrait ses comptes, mais des bénéfices étaient engendrés, comme, par exemple en 1928, année où les trains betteraviers rapportèrent 2 ½ fois leur prix de revient. Cette rentabilité est une particularité de ce réseau, qui, pour la petite histoire, tractionna uniquement en vapeur durant toute son existence, sauf un petit locotracteur Decauville de 75 Cv, acheté d’occasion, utilisé pour les manœuvres. Pour acheminer tout ce trafic, outre les 180 tombereaux appartenant aux deux sucreries, qui possédaient leurs propres réseaux et le matériel de traction en machines légères, du type 030T, en général. Il y eut sur le TPT jusqu’à 340 wagons-tombereaux, à essieux mais en majeure partie à bogies, et une soixantaine de couverts, un de ces derniers étant systématiquement attelé aux convois, pour le chef de train, servant aussi pour le transport de marchandises et autres produits, destinés à la culture betteravière. Les couverts avaient un toit soit rond soit pointu. Les premiers wagons avaient été fournis par les Ets Decauville, comme les premières voitures voyageurs. Le parc des wagons se constitua au fur et à mesure des besoins de l’exploitation. La charge utile des tombereaux à essieux était d’environ 5 tonnes. mais pour augmenter la charge transportée, certains furent dotés d’une rehausse. Cette pratique s’étendit, par la suite à ceux à bogies. Une particularité, à souligner, est que certaines étaient amovibles, pour s’adapter à la charge et au volume à transporter. En plus, pour mieux gérer ce matériel additif, ces rehausses portaient, peints au pochoir, le numéro du wagon attributaire.
Une photo ancienne montre bien le n°553, équipé de son accessoire, lui aussi portant le même numéro.

(Cliché AMTP) 
La charge originelle de ces wagons à bogies était de 10 tonnes. Il est aisé d’imaginer le tonnage de betteraves transporté dans des convois d’un peu plus d’une vingtaine de tombereaux, d’où utilisation des puissantes KDL. Les surplus anglo-saxons de l’après guerre de 14-18 complétèrent aussi la dotation réseau du TPT ; à bogies, et caisse en bois, au début, puis en métal. Parmi les couverts, il en était un plus que curieux. En effet, il était à bogies, mais il était surtout surbaissé, et servait au transport de bestiaux, rien que cela !! Lorsque l’on regarde des photos anciennes de différents réseaux, en exploitation, on est frappé par la différence de matériel qui y stationne ; ainsi, si sur le TPT ce sont des tombereaux, alors que sur le faisceau de la sucrerie de Dompierre, y stationnent de très longues rames de couverts «Pershing», pour le transport de sacs de sucre vers Cappy et les péniches y stationnant. A Pithiviers, il y avait deux ateliers, un de réparation et un de peinture pour entretenir cet effectif plus qu’important, ateliers devenus, de nos jours, gare et musée. Ce sont les ateliers du réseau qui transformèrent les vastes tombereaux. Outre le tampon central à «tulipe», pour les réseaux qui le découvrent aujourd’hui, l’attelage était complété par une chaîne de sécurité, de part et d’autre de cette «tulipe». Comme quoi le STRMTG n’a rien inventé dans l’établissement des recommandations imposées aux réseaux pour la sécurité. Pour la petite histoire, autant que l’on s’en souvienne, il n’y eut jamais de ruptures graves d’attelages durant l’exploitation du TPT, et pourtant il y eut des convois qui ont circulé non loin de la limite de surcharge !!! lors de trains comportant des wagons à bogies et à essieux, ces derniers étaient incorporés en milieu de rame pour des raisons de sécurité, mais aussi pour plus de sûreté lors des manœuvres ou coupes dans les sucreries. Généralement, ces trains formaient des «trains blocs», comme on dirait de nos jours. L’utilisation de ces convois était grandement facilitée par la très grande longueur des voies d’évitements, en ligne et aux bascules. A Pithiviers, après la gare et le musée, la voie continuait vers la sucrerie de cette ville, en passant devant la gare P O, les betteraves au centre ville, quoi !! La grande particularité de ces convois alimentant les sucreries est qu’ils n’avaient plus la même importance qu’en ligne, que ce soit en longueur ou en tonnage, mais avaient été coupés, et repris par des machines plus faibles 
au niveau traction, genre 030T Decauville, ou O&K. 

(Cliché AMTP)

Par exemple, à Pithiviers, la rame formée pour gravir la rampe du dépôt ne comportait, à chaque voyage, qu’en moyenne, six à dix wagons chargés. Il n’y eut jamais de convois, avec pousse en queue, ni en double traction. Il y avait donc un va et vient incessant de convois pleins et de vides, qui repartaient vers les bascules pour chargement. On ne devait pas savoir ce que c’était l’ennui, à cette époque là. Sur le TPT il n’y eut pratiquement pas de couverts Pershing. Le parc subsistant et transformé pour l’exploitation actuelle est d’un fourgon à bogies D7, un fourgon à toit rond K30 utilisé comme wagon de secours. Un autre, à toit pointu, le DK53, était lui aussi à essieux. Le WB376, wagon bar est issu, après transformations, du fourgon à bogies K76. Parmi les 4 autres tombereaux à bogies, le L120 est aménagé avec des bancs, les trois autres provenant également de la sucrerie de Mainvilliers, un étant sans bords. Le tombereau à essieux 205, de la sucrerie de Maizy est transformé en wagon lutte anti-feux, avec motopompe, ou, suivant les besoins, sert comme wagon désherbeur. Le dernier plat à essieux, P52, provient des Floralies d’Orléans. Bel échantillonnage de ce qu’était une façon de travailler, il n’y a pas si longtemps encore, et comme pour le reste, sauvetage effectué par des passionnés. 

Lors de votre passage, vous aurez l’occasion de voir ces reliques, soit dans la demi lune du dépôt, au terminus, soit au terminus de Bellébat, pour le wagon bar tant apprécié pour ses boissons fraîches, en saison chaude, à l’ombre des arbres, soit prêt pour une éventuelle intervention en ligne pour le wagon incendie, ce dont personne ne souhaite devoir se réaliser. 

Contact : C F T de Pithiviers Rue Carnot
45300 PITHIVIERS
Tél : 02 38 30 50 02
E-mail : amtp45@wanadoo.fr
Internet : www.amtp.fr.st

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