Le carnet du CFC

La « Royan » Decauville n°10
C F T de PITHIVIERS (Loiret)

Bernard MERGER

Cette machine est une extension du type 021T proposée par Decauville dans ses catalogues postérieurs à 1890. Elle porte le n° constructeur 360, a un poids de 10 tonnes, et a été livrée à la sucrerie Aubineau de Ciry-Salsogne, dans l’Aisne, le 20/08/1902. Elle passa une partie de son existence à la sucrerie de Ternynck, de Coucy le Château, comme d’ailleurs pas mal de matériel ferroviaire préservé. Elle fut achetée par un des fondateurs du musée à la sucrerie de Coucy le Château, grande pourvoyeuse en matériel ferroviaire, et ce en 1964. Elle fut revendue dix ans plus tard à l’AMTP, au prix d’achat, mais dans un état guère reluisant, et le 9/11/1987, fut classée monument historique. Aujourd’hui, elle a une autre allure, ce qui récompense les efforts déployés par les personnes fondatrices de ce réseau, encore que, vis-à-vis de la «Meuse» et de la «Minihic», elle ait conservé, elle, la livrée verte.
En 1992, après une révision plus que laborieuse du train de roulement, le rebandage des essieux et le retubage de sa chaudière, elle a repris du service. Cette loco, d’une conduite aisée, « tient la pression » comme toutes les « Décau », et le tromblon pare escarbilles augmente la résonance et le claquement de l’échappement, dans la montée vers la gare de Pithiviers, à allure modérée. Attention quand même à la charge remorquée si l’on ne veut pas planter « un chou » !

(Cliché A. Elambert)
Il faut noter que cette locomotive, outre son classement, est un exemplaire unique préservé, et roulant, comme d’ailleurs le restant du parc des locomotives de l’AMTP. La cheminée, avec son pare escarbilles en forme de tromblon est la survivance des circulations sensibles en milieu forestier. Ce type de machine se développa rapidement sur les tramways de Paramé (tramway de Rothéneuf), ainsi qu’à Royan. 
Elle n’a pas, contrairement à la «Bretonne» et à la «Meuse», subi de changement de livrée, et a donc conservé le vert en vigueur durant de nombreuses années, sur le réseau. Les goûts et les couleurs ne se discutant pas, d’après mon avis, on aime ou non cette teinte de robe appliquée à cette machine, dont la «corpulence» laisse assez septique le décorateur. Ceci étant dit, dans certains cas, ce modèle se révéla d’une puissance plus qu’insuffisante, eu égard au travail demandé. On eut recours alors au type 031T, dont fait partie notre «Martroy», et dont nous ignorons l’origine du nom attribué à cette machine. Il s’agit, en fait d’une 030T, à chaudière allongée, d’où la présence d’un essieu arrière porteur. Les deux premiers engins ont été livrés en 1894 aux chemins de fer du Calvados. Le tramway de Paramé à Rothéneuf, au profil assez accidenté, acquis en 1896 la loco «Rochebonne». Dans la foulée, en 1895, les tramways à vapeur du Tarn acquirent, à leur tour, trois machines de ce type 10.

(Cliché AMTP)
A Royan, le tramway de St Georges de Didonne à la Grande Côte, ainsi que ses antennes, fut ouvert en 1890, et l’exploitant utilisait des machines 021T. Rentabilité obligeant et pour pouvoir forcer les compositions des convois offrant plus de places, il acheta trois machines 031T, type beaucoup plus adapté au service demandé. D’après la tradition, le directeur du réseau les baptisa du prénom de ses filles, Fernande, Marie et Eléna. Toutes les plages de Royan et de ses environs étaient desservies par ce moyen de déplacement très célèbre et le plus rentable de France. En 1945, lors d’une attaque aérienne, ce réseau fut malheureusement détruit, sa fermeture coïncidant avec la fin de la concession. Il ne fut pas reconstruit, suite au refus « débile » et catégorique des autorités administratives de l’époque, et ce malgré des tentatives assez sérieuses de remise en service. Jusqu’en 1947, deux 021T, en état, et un locotracteur des surplus militaires circulèrent pour acheminer les déblais. Une fois de plus, cela s’est traduit par la construction de routes, préjudiciables à la forêt, mais si bénéfique pour l’auto, enfin le croyait t’on !!! Bref, pour une charge remorquée de moyen tonnage, la « Martroy » est une petite machine agréable à conduire, avec une cabine ouverte à tous les vents, surtout l’été, sauf quand il arrive un gros orage.

Ce qui rince abondamment cabine et équipe de conduite ; mais il ne pleut pas si souvent en Beauce, hein ? Mais non, mais non, allons donc, pas de préjugés, et puis, çà se saurait !!! A la rigueur, disons, comme dans l’ouest du pays qu’il tombe un peu d’eau, et puis voilà. Si l’on a embarqué de quoi faire du nettoyage, on peut nettoyer l’ensemble. La demande de sponsorisation auprès des savonneries est toujours d’actualité ; avis aux personnes concernées. Comme toutes les Decauville, consanguinité de fabrication oblige, sa consommation de charbon est raisonnable, pour peu que l’on sache se débrouiller avec ce type d’engin, mais tout s’apprend. Il en est de même pour l’eau, encore qu’elle soit plutôt «soiffarde», en saison chaude. Mystère de la vaporisation thermodynamique, difficile à expliquer, d’ailleurs.
Cela permet des photos à la grue hydraulique ! Les bâches à eau étant communicantes, il faut surveiller le niveau, sinon, bonjour l’arrosage des bielles, la carène liquide étant plus lente à se stabiliser que le niveau visuel du liquide.
La vue arrière permet de voir l’intérieur de la cabine de conduite, dotée de hublots pivotants, permettant l’aération de l’habitacle. Le «top» du confort pour l’équipe de 
conduite, est la cabine ouverte sur l’arrière, autre type de climatisation. 
A regarder cette machine, on se rend compte, au premier coup d’œil, et sans être un technicien ferroviaire, de la filiation des machines Decauville, de même qu’il se dégage une certaine filiation de leurs composants.
(Cliché B. Merger)
Une espèce de «standardisation» simplifiée avant l’heure, en quelque sorte. .
Cette machine n’a pas volé, elle non plus sa sauvegarde, ce qui est tant mieux, surtout qu’elle revient de bien loin, d’une époque où les chalumeaux et les ferrailleurs régnaient en maîtres, découpant et dénigrant tout ce qui avait contribué à un certain développement industriel, sans état d’âme. Lors de votre venue sur ce réseau décidément pas comme les autres, outre l’agrément d’une excellente journée passée, loin des tracas quotidiens, profitez en donc pour demander à voir le restant du parc de traction, qui a évolué dans le sens de la diversité, et vous vous rendrez compte, ainsi, que lorsqu’il y a des bras pour accompagner une passion hors du commun, on peut arriver à faire des choses dont vous ne vous doutiez même pas, avant votre visite. 

Pour conclure cet article, il est à remarquer que les établissements Decauville fournissaient, en somme, des locomotives «à la carte», car outre les standards 020T, 030T, il n’y avait plus qu’à passer commande pour avoir une machine qui convenait aux exigences imposées par le réseau ou l’utilisation industrielle. 
Si le cœur vous en dit, n’hésitez pas à faire partie des bénévoles. Vous serez le bienvenu, et notez, dès maintenant sur vos tablettes, qu’une fin de semaine agréable vous attend en Beauce.

Au dépôt, préparation de la machine sur le grill.
Arrivée en gare de Pithiviers en tête d'une rame voyageurs.

 

Contact : C F T de Pithiviers Rue Carnot
45300 PITHIVIERS
Tél : 02 38 30 50 02
E-mail : amtp45@wanadoo.fr
Internet : www.amtp.fr.st

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