Le carnet du CFC

Spissumètre pour bandages et jantes à boudin

J. Joly ( Ang. 1888)

Exposé
Les dimensions des différentes parties des bandages des roues du matériel roulant de chemin de fer ont une importance capitale au point de vue de la sécurité des trains en marche.
On sait en effet :

Parmi ces défauts, les uns diminuent considérablement le confort des voyageurs, les autres entraînent les déraillements dont on va chercher quelquefois bien loin le motif, tant il est vrai que les plus petites causes ont parfois les pires conséquences.
Aussi la Conférence de Berne a-t-elle fixé des limites aux dimensions des bandages des roues du matériel de chemins de fer admis à la circulation internationale, et la plus part des grands réseaux en ont tenu compte dans l'établissement des règles de réforme pour les bandages de tout leur matériel.
La table indique les règles données par la Conférence de Berne et celles suivies par quelques réseaux français. 
Ces dimensions étant fixées, il s'agit de pouvoir les évaluer exactement et rapidement sur place.
La plupart des réseaux se contentent simplement de donner à leur personnel des calibres limites. Or il n'est pas toujours possible de les utiliser. Ainsi il arrive souvent que la table de roulement est très usée alors que le boudin est peu ou pas réduit : le calibre ne passe pas ! On est alors obligé de relever le profil avec une lame de plomb pour le reporter sur une feuille de papier : opération longue, délicate, sujette à de nombreuses causes d'erreurs et qui n'est pas à la portée du personnel ordinaire de visite.
Enfin l'opération se complique lorsque les bandages présentent des épaulements (attaches Salmon).
Il en résulte que ces procédés sont laissés de côté, et que les visiteurs réforment le plus souvent les bandages au jugé : d'où excès de véhicules réformés inutilement, ou excès de véhicules qui circulent dans des conditions défavorables et dangereuses.

Description de l'appareil
Nous avons recherché à remédier à cette situation en combinant un appareil dont l'emploi découle de celui du pied à coulisse ordinaire connu de tout le monde, et qui peut par conséquent être mis entre les mains du personnel de visite le moins expérimenté.
Il se compose d'un bâti à poignées B surmonté d'une fourche à deux branches DD portant chacune à l'avant un talon T.

  

Une équerre AA, dont la branche verticale porte une queue G qui est guidée dans la poignée B, dans laquelle elle peut rentrer ou sortir au moyen de l'écrou F, a ses deux branches graduées, l'une A, par rapport au plan des branches DD, l'autre A par rapport à la branche inférieure.
Ces branches portent les curseurs C et C1 munis des touches E et E1. Dans cette dernière se meut l'index I dont l 'arête supérieure est à 10 mm en dessous du bec de la touche elle-même. 
Dans le cas où le boudin présenterait un chanfrein sur sa face intérieure, la branche de l'index I serait parallèle à l'inclinaison de ce chanfrein (Chemins de fer algériens de l'État).
L'index I peut même porter à la fois une branche d'équerre et une branche inclinée.
La tête de la touche E présente un certain nombre de talons dont les hauteurs sont respectivement réduites, par rapport au talon O, de la hauteur des épaulements que présentent les différents bandages en usage sur un même réseau.

 


Ces talons dont la hauteur est indiquée sur les faces correspondantes de la touche et sur sa tête, ont pour but d'éliminer pour ainsi dire automatiquement la saillie de l'épaulement du bandage sur la face en contact avec la jante de la roue dans la lecture de l'épaisseur du bandage au roulement.

Les axes des touches des E et E1, et l'index I sont dans un même plan XY perpendiculaire au plan des touches DD, à la droite ab et en son milieu.
Il en résulte que lorsqu'on posera l'appareil sur un bandage, comme l'indique le dessin et la photographie, la ligne ab devenant une corde de la circonférence extérieure du boudin, et les touches DD étant en contact avec la face plane intérieure du bandage, le plan XY des axes des touches E et
E1, et de l'index I déterminera la section de droite du bandage, et les dimensions indiquées par l'appareil seront bien les cotes réelles de cette section, but recherché.

Emploi de l'appareil 
L'usage de cet appareil est dès lors facile à comprendre; il suffit en effet : 

Il ne reste plus qu'à faire rentrer doucement et complètement la touche E dans le curseur C, et à retirer délicatement l'appareil.

A ce moment les lectures sur le spissumètre indiquent :

Ces opérations demandent au moins 20 secondes par bandage.

Usages divers 
En dehors du relevé exact de ces dimensions, l'appareil permet encore d'obtenir, par ordonnées et abscisses, le profil de la partie active du bandage, en déplaçant simultanément la touche
E1 (ordonnées) et le curseur C1 (abscisses).
En relevant avec cet appareil l'épaisseur du bandage de roue motrice de locomotive en différents points, on peut vérifier si l'usure est bien partout la même, et par suite si la roue est bien ou mal équilibrée.
Enfin on peut avec cet appareil rendre rapidement compte chaque année de l'état exact de tous les bandages en service sur un réseau, renseignements des plus importants au point de vue des approvisionnements et de la tranquillité des chefs d'entretien et de dépôts.

Ce spissumètre permet donc de relever facilement, exactement et rapidement, tous les renseignements dont on peut avoir besoin, et grâce à la conformation de la tête de la touche E, il peut s'appliquer à tous les types de bandages, et de jantes à boudin.
Il ne pèse que 1,500 kg
En terminant nous adressons nos plus vifs remerciements à M. Toujas, Ingénieur-Chef du Service du matériel et de la traction aux chemins de fer algériens de l'État, qui a bien voulu faire construire et adopter cet appareil dans son service. 

Sources :
Article de J. Joly Ang. 1888
Bulletin technologique n°6 - Écoles Nationales d'Arts & Métiers - Juin 1905 - Imprimerie Chaix

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