Baguenaude

Château-Thierry et la Compagnie des Chemins de fer du Sud de l'Aisne

Jean-Marie LEMAIRE & MAD

Château-Thierry, ville de 15000 habitants située dans le sud du département de l'Aisne a été dès 1849-52 desservie par la ligne Paris Strasbourg de la Compagnie de l'Est. La partie méridionale du département n'a pas profité de l'élan du plan Freycinet en 1878 et il a fallu attendre la vague de construction des chemins de fer départementaux pour qu'en 1910 la ville natale de Jean de la Fontaine voit circuler des trains entre :

Château-Thierry point de départ  des lignes de la C.S.A.
Chaque terminus était en correspondance avec :
  • À Château- Thierry, la ligne ParisStrasbourg
  • À Mareuil-sur-Ourcq, la ligne ParisReims
  • À Neuilly Saint Front, la ligne ParisReims
  • À Verdelot la ligne, la Ferté-sous-JouarreMontmirail des CFD de Seine-et-Marne

La déclaration d'utilité publique de ces trois lignes eut lieu en 1906 et 4 années de travaux furent nécessaires pour leur ouverture à l'exploitation sous le nom de Compagnie des Chemins de fer du Sud de l'Aisne. (C.S.A.).
Il est à noter que cette compagnie était affiliée au Groupe Tartary 1 gestionnaire de plusieurs lignes en VM dans le centre de la France (Loiret, Indre, Deux-Sèvres, etc.) et aussi le Blanc-Argent (B.A.).
Pendant la première guerre le réseau eut à souffrir des hostilités et ses lignes furent mises à contribution pour le transport des approvisionnements militaires en direction du front.

Belleau pendant les hostilités de la Grande Guerre

L'exploitation normale reprit en 1920. Entre temps une boucle sur le quai de la rive droite de la Marne fut installée pour le retournement des trains suite à la destruction du pont sur la Marne.
Le trafic a toujours été très faible malgré l'apparition d'automotrices, la première fermeture eut lieu en 1938 et le déclassement l'année suivante. En 1942, la ligne de Mareuil-sur-Ourcq fut à son tour fermée.

Mareuil, vue générale de la gare côté voies Est.

L'antenne nord sur Neuilly Saint Front eut un sursaut en devenant une voie industrielle de 8 kilomètres pour la sucrerie Say qui la racheta au département. Des trains de betteraves y circulèrent jusqu'en 1961.

Neuilly St Front. La gare côté voies avec un train assuré par la locomotive Pinguely n°20.

La ligne
Les lignes, en voie métrique, étaient établies en site propre et en accotement des routes. La voie constituée de rails de type Vignole de 20 kg au mètre et à la traversée des villages et à Château-Thierry en rail Broca noyés dans la chaussée. Les rampes maximales étaient de 35%o et les courbes descendaient jusqu'à 50 m de rayon. La compagnie avait construit des bâtiments voyageurs rudimentaires mais suffisants pour le volume d'exploitation. Alors que le rez-de-chaussée était destiné au service (délivrance des billets, enregistrement des bagages et des marchandises), l'étage abritait le logement de l'employé.

De Château-Thierry à Éssômes
Le terminus de la  ligne commençait devant la gare de Château-Thierry en impasse sans heurtoir, s'incurvait sur la gauche pour traverser l'avenue de la République. Entre celle-ci et la Marne quatre voies dont deux en impasse assuraient le transbordement avec la Compagnie de l'Est. Ensuite elle franchissait la Marne sur un pont en béton où se trouvait le dépôt et suivait la rive gauche pour arriver à la halte de Brasles. Elle continuait jusqu'à la rue Carnot au droit de laquelle elle desservait la halte de Champ de Mars. Elle continuait dans l'avenue Jules Lefèbvre en longeant le port où une voie d'évitement donnait accès et de l'autre côté se trouvait la halte dite de La Bascule. Ensuite elle suivait l'avenue d'Éssômes jusqu'à ce village en passant sous le pont de l'ancienne ligne Château-Thierry—La Ferté Milon abandonnée en 1942.

Le tracé dans Château-Thierry. En violet la ligne C.S.A., En vert la VN à Cherry gare de transbordement EstC.S.A. En rouge la raquette de retournement construite suite au bombardement du pont sur la Marne en 1918 et en 1940. 
Château-Thierry, la gare de la Compagnie de l'Est inaugurée le 2 septembre 1849. Quatre trains quotidiens dans le sens Parisprovince et trois dans l'autre.
Le BV qui date de 1860 et n'a que très peu changé.
Le terminus de Château-Thierry en face de la gare de Château-Thierry Est.
Train sur le pont rail-route de la Marne
La traversée de Brasles.
 Quai de la Poterne, train en direction de Verdelot.
Quai de la Poterne. Au fond le pont sur la Marne.
La station du Champ de Mars près du port.
La halte dite de la "Bascule" avenue Jules Lefèbvre
À Château-Thierry, il y a avait une sucrerie près du dépôt desservie par la voie ferrée

D'Éssômes à Verdelot (26 km)
En quittant Éssômes la ligne suit la route nationale 369 en direction de la Ferté-sous-Jouarre jusqu'au village Azy-Bonneuil après avoir traversé Aulnoy.

Azy. Le pont rail-route du chemin de fer sur la Marne 
Il avait trois arches et sa longueur était de 75 m. Au fond l'église Saint-Félix.
Une autre vue du pont sur la Marne avec un train de voyageurs.
La gare d'Azy. Locomotive Pinguely n°27

À Azy la voie traversait la Marne puis la ligne Paris Strasbourg par un passage supérieur. Elle suit ensuite l'IC39 pour  desservir Chézy-sur-Marne, Les Roches, Éssises.

Éssises. Peu de monde à l'arrivée du train assuré par la locomotive Pinguely n°19.
Noter le bâtiment de la petite vitesse construit en bois.

Montfaucon, Rozoy-Fontenelle, l'Épine-aux-Bois, Viels-Maisons, Cornoult et Verdelot.

Viels-Maisons, l'avant dernière gare dans le sud du département. Bien que la gare soit en pleine nature, les voyageurs sont venus attendre le train..
Arrivée d'un train tracté par la Pinguely n°23 cabine en avant.

D'Éssômes à Mareuil-sur-Ourcq (36 km)
Éssômes gare de bifurcation vers Mareuil et vers Verdelot. 

Éssômes. L'Église Abbatiale Saint-Ferréol. On aperçoit ou plutôt on devine les voies du  triangle avec au fond direction Château-Thierry, à gauche direction Gandelu et à droite direction Verdelot. La gare était sur la branche de Gandelu.
Sur la vignette de gauche en violet la voie initiale et en vert le raccordement.
La bifurcation d'Éssômes Le raccordement direct Château-ThierryVerdelot a été créé ultérieurement lors de l'apparition des autorails. En effet aucun système de retournement de ceux-ci était prévu. 
Les machines venant de Château-Thierry en direction de Verdelot faisaient une remise en tête en gare.
C'est la raison pour laquelle sur les cartes postales d'époque, on les voit cheminée en avant.
Éssômes. La voie est au milieu de la chaussée et serpente dans les rues.
Courbe et contre-courbe dans la quartier de la Grenouillère juste avant d'arriver à la gare.

Les trains directs vont naturellement sur Mareuil. La ligne dessert les villages de Monneaux, Vaux où elle coupe la nationale N3 et continue sur Bouresches. Ensuite elle suit approximativement le chemin de grande communication CG9 et la vallée du Clignon jusqu'à Mareuil en desservant les villages de Belleau, Torcy , Clignon, Bussiares, Eloup, Veuilly-la-Poterie, Gandelu.

Le village de Vaux
La gare de Bouresches.
Bouresches, le pont du chemin de fer départemental.
Belleau. Locomotive Pinguely cabine en avant circulant en direction de Château-Thierry
Belleau. Vu les ombres, serait-il permis de penser qu'il s'agit du train de 13h27 ? 
Veuilly-la-Poterie. La halte en accotement de la route. Elle est située en pleine campagne comme cela se faisait souvent à l'époque. Le village est à environ un kilomètre.
Veuilly-la-Poterie, une autre vue de la halte très sommaire.
Noter l'automotrice Tartary type A'. Le réseau est géré par le groupe du même nom.

Gandelu (PK 25) est une gare de bifurcation et tête de ligne en direction de Neuilly Saint Front. Quatre minutes d'arrêt permettent aux voyageurs de changer de train.
La ligne continuait vers l'Ouest en passant par Brumetz, Montigny-l'Allier, où elle quittait le département de l'Aisne pour entrer dans celui de l'Oise où elle atteignait Mareuil-sur-Ourcq quelques kilomètres plus loin.

Gandelu.La gare telle qu'on la voyait lorsque le train arrivait de Mareuil-sur-Ourcq
Gandelu, croisement des trains de Mareuil-sur-Ourcq (à gauche) et Château-Thierry (à droite) dans cette petite gare de bifurcation à la fois gare de passage et tête de ligne.
Noter la grue à eau rudimentaire.

GandeluNeuilly Saint Front (19 Km)
La ligne se détache de celle de Mareuil en formant une boucle, revient vers l'est avant de prendre la direction du nord elle passe à 2 Km de St Gengoulph et dessert ensuite Chézy-en-Orxois.

Chézy-en-Orxoix

Elle poursuit sur Dammard, Monnes 2, Remonvoisin et arrive à Neuilly Saint Front ville.

Neuilly St Front, la gare de la C.S.A. à côte de celle de la ligne Paris—Reims.
Bâtiment standard de la C.S.A. avec étage pour le logement de l'employé.

Elle suit ensuite l'IC29 dessert la halte de la Sucrerie et arrive à son terminus Neuilly-Saint-Front en correspondance avec l'ancienne ligne de Reims par la Ferté Milon.

La sucrerie de Neuilly St Front
Grâce à son activité, le réseau de la C.S.A. survécut sur 8 km jusqu'en 1961.

Neuilly St Front, la sucrerie Say
Neuilly St Front, la sucrerie Say
Noter la manœuvre du wagon tombereau VM à l'aide de 4 bœufs

L'exploitation
Le trafic était dirigé depuis la gare de Chierry (dépôt) par l'agent spécial de voie unique. Il n'y avait pas de signalisation, la ligne téléphonique assurant la sécurité des circulations.
En 1922 des automotrices Tartary firent leur apparition sur le réseau.
Le trafic marchandises se limitait aux seuls trains de betteraves des sucreries de Neuilly Saint Front et de Château-Thierry, ainsi qu'au transport de bois qui alimentait les scieries de Brumetz et Torcy-Clignon.
Six trains à vapeur mixtes par jour circulèrent de Château-Thierry à Éssômes, trois continuant sur l'antenne de Mareuil et les trois autres sur celle de Verdelot.
Gandelu—Neuilly Saint Front était également desservi par trois trains en correspondance avec ceux de la ligne Mareuil (d'après le Chaix de 1914).

Les horaires d'après le Chaix de mai 1914.

En 1923 et 24 des automotrices Tartary type A' 3 avec leur remorque à un essieu circulèrent sur le réseau en vue de réduire les coûts d'exploitation. Elles offraient une capacité de 24 places assises et 9 debout.

Le matériel roulant
Gabarit 2 m de largeur, 3 m de hauteur. Hauteur du tamponnement 730 mm, côte de calage 945 mm diamètre au roulement 605 mm largeur des bandages 100 mm.
Les huit machines étaient des 030-T Pinguely type 107 construites à Lyon en 1906 et semblables à celles qui circulèrent sur d'autres réseaux en VM. Leur masse était de 18 t à vide et 22 t en ordre de marche. Longueur 6 m, empattement 2,05 m.
Il y avait 12 voitures voyageurs mixte AB à bogies munies de plates-formes d'extrémité. Elles offraient des places de première et deuxième classe.
Le parc marchandise était constitué de 5 fourgons, 18 couverts, 40+81 tombereaux, 14 plats et 4 plats à traverse mobile et une grue de 6 tonnes.
Les automotrices étaient au nombre de trois. Leur masse était de 2,5 tonnes pour 24 places assises et 8 debout. Leur vitesse était de 35-40 Km/h pour une puissance de 18 CV. Leur remorque à un essieu pesait 700 kg.


Aujourd'hui il ne reste rien de ce réseau à l'exception de quelques remblais, déblais et les BV transformés en maison d'habitation. Les ouvrages d'art peu nombreux se limitaient à quelques ponts sur la Marne et sur la ligne Paris—Stracbourg

La gare de Château-Thierry est maintenant le terminus de la ligne Transilien - Paris-Est. C'est aussi une gare inter-régionale (Lorraine, Picardie, Champagne) de la ligne TER Vallée de la Marne.

Sur la trace des CSA, la ligne en images

 

Notes : 
  • (1) Georges Tartary administrateur délégué de la Compagnie des Tramways des Deux-Sèvres (T.D.S.), des Tramways de l'Indre (T.I.), des Chemins de fer départementaux de l'Aube et ingénieur-conseil de la C.S.A. pensa qu'il pouvait être avantageusement économique de mettre en service des véhicules légers construits à partir de châssis automobiles.
    Il fit l'acquisition d'une vingtaine de camionnettes américaines  munies de moteur G.M.C. de 18 CV provenant des stocks et qu'il aménagea en autorails
  • (2)Jusqu'en 1955 des trains de betteraves circulaient encore jusqu'à Monnes où la machine changeait de bout.) 
  • (3) Il existait les automotrices A et A'
    Les différences portaient sur :
    • la longueur du châssis : 4,8 m contre 6,45 m
    • la longueur hors tampons 6,6 m - 7,75 m
    • la longueur de caisse  :  4,25 m - 5,1 m
    • la largeur de caisse :  1,6 m - 1,85 m
    • l'empattement : 3,2 m - 4 m
    • le poids : 2 t  - 2,5t

Sources :

  • Chemins de Fer Régionaux et Urbains - n° 218 - 1990-2 - FACS 
  • Les petits trains de jadis - n°09 - Banaudo, Domengie - Cabri - 1995
  • Les automotrices Tartary et de Dion Bouton - Magazine des Tramways à vapeur et des Secondaires - J-C. Riffaud - n°21 - 1982
  • Le Chaix de 1914 - réédition

Sites à visiter :

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