Le carnet du CFC

30 ANS DE TGV SUD-EST

Guy Defrance — Avril 2011

Déjà 30 ans que Paris et Lyon sont reliés à grande vitesse par TGV. Ce train est le fruit d'expériences successives entreprises par la SNCF depuis le record de 1955. Mon père, Jacques Defrance, étant en contact avec l'équipe de mise au point du TGV Sud-Est, fut invité à participer à une journée d'essais en Alsace avec la rame de pré–série n°23001/23002 en septembre 1978. Que de progrès réalisés depuis cette époque pourtant pas si lointaine. Il m'a semblé intéressant de reproduire cet article écrit pour Rail Magazine en 1978 accompagné des photos réalisées par mon père à cette occasion. Ainsi, les jeunes générations pourront se faire une idée des problèmes soulevés il y a plus de 30 ans et qui semblent pourtant simples à résoudre de nos jours.

À 260 KM/H A BORD DU TGV

Après la parution de nombreux articles ou notes dans diverses publications, il nous semble utile de faire le point sur le TGV, suite à une journée passée à son bord.

En reprenant un peu l'évolution du problème nous rappellerons que la SNCF mit successivement en service plusieurs générations de turbotrains espérant, ainsi, s'affranchir des problèmes posés par la traction autonome dans le domaine des grandes vitesse des trains de voyageurs. C'est alors que naquit le TGS, premier turbotrain, réalisé par transformations d'un élément automoteur double de 330 kW en aménageant sa remorque en motrice à turbine et en profilant l'ensemble de la rame.

De cet engin fut issue l'idée ETG qui reprenait la solution d'un Diesel pour une motrice (330 kW) et d'une turbine pour l'autre avec interposition d'une remorque centrale ; il n'y avait alors qu'un pas à faire pour remplacer la motrice Diesel par une seconde équipée de turbine, cette composition n'étant toutefois possible que grâce à certaines améliorations dont l'une des principales fut de pouvoir démarrer la rame directement avec turbine ce qui n'était guère réalisable avec le TGS ou les ETG. La première de ces nouvelles rames, la RTG–01, ne fut équipée au début que de 3 caisses au lieu de 5, formation normale de la série.

Sous cette forme, cette rame fit de nombreux essais à grande vitesse entre fin 1972 et 1974. A la même époque fut commandé un engin plus élaboré, toujours à turbines, mais utilisant une transmission électrique à la place des transmissions mécaniques des types précédents : le TGV–001 qui était conçu avec nombreuses innovations techniques. Ce turbotrain, qui effectua ses premiers tours de roues à la sortie des usines Alsthom de Belfort le 7 avril 1972 et composé de 5 caisses dont l'une aménagée en laboratoire, fit de nombreuses marches dans les Landes, en Alsace ainsi que sur d'autres lignes de notre réseau national à des vitesses supérieures à 300 km/h.

AMDE 23001 dans TV R1 labo 
26-09-78

Il fut équipé de divers types de bogies, les Y-225 de technique traditionnelle puisque leurs éléments sont ceux utilisés sur nos CC–6500 BB–15000, blocs sandwich métal caoutchouc, ou BB–12000, 9200, 16000, transmission Jacquemin à cardans, furent montés de construction avec ces bogies.

Entre temps, une automotrice Z–7100, la 7113, était utilisée après maintes modifications aux essais d'endurance de bogies. Les Y–226, qui contrairement à ceux du TGV, Y–225, n'étaient pas bimoteur mais utilisaient la puissance d'un seul moteur par bogie, ce moteur étant suspendu sous la caisse de l'engin et entrainant les essieux par transmission à cardan coulissante dite "tripode". Ce montage allégeait les bogies qui en outre avaient une suspension modifiée et un empattement de 2,900 m contre 2,600 m sur les Y–225 du TGV.

Après de nombreux essais sur la 7001 dénommée "Zébulon" des bogies Y–226 furent essayés sur le TGV–001 sous la dénomination Y–229, modèle élaboré du précédent, ceux-ci donnèrent entière satisfaction aussi bien avec le TGV qu'avec la Z–7001.

De ces diverses investigations sortirent les Y–230, bogie moteur, et Y–231, bogie porteur, montés sur les rames TGV PSE (Paris–Sud-Est) les moteurs étant des TAB–676 (1).

TGV PSE Sélestat 
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1678C; TGV PSE Sélestat 26-09-78.jpg (83049 octets) TGV PSE Sélestat 
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Signalons à l'occasion que ces rames composées de 8 remorques et deux motrices extrêmes ne sont pas à adhérence totale puisque seules les motrices extrêmes désacouplables sont montées sur Y–230 alors que la rame ne possède qu'un seul Y–230 à chaque extrémité, les autres bogies, à raison d'un entre deux caisses, soit 7 bogies, sont des Y–231 porteurs. Il est utile de rappeler que la ligne de toiture 25 kV règne sur toute la rame avec des connexions par tresses souples entre chaque caisse, afin de circuler sous ce courant avec le seul pantographe arrière levé ; la circulation sous 1,5 kV continu, exige la levée des deux pantographes, un sur chaque motrice. En 25 kV 50 Hz, les pantographes unijambistes sont des AMDE (pantographe différentiel à grande vitesse) couramment appelés "à double étage", en courant 1,5 kV continu ce sont des AM18B.

TGV PSE AMDE 
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TGV PSE AMDE 
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Y231 TGV PSE 
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Actuellement ne circule que la rame de pré–série n°23001/23002 livrée à la SNCF le 25 juillet 1978 ; elle a effectué déjà plusieurs courses d'essais à vitesses progressives mais son haut lieu des grandes vitesses est sans aucun doute la ligne Strasbourg—Mulhouse portion de la ligne 3 du réseau Est qui ne peut être parcourue, actuellement, qu'entre Strasbourg et Sélestat à 260 km/h pour des raisons d'équipement de la voie et de sécurités diverses.

Cette première rame fut prise en compte par la SNCF sans aménagements intérieurs étant utilisée actuellement uniquement en engin laboratoire. A cette fin la remorque R1 (semi–motrice) a reçu un équipement de mesures très élaboré comprenant même un dispositif de télévision relié à deux caméras, une sur cette remorque orientée vers les pantographes de la motrice n°23001 et une sur la R8 orientée vers les pantographes de la motrice n°23002, cette installation complétée d'enregistreurs vidéo permet de suivre le comportement des appareils de captation de courant aux différentes vitesses.

Les remorques R2 à R8 ne sont aménagées que de tables de conférence ou de travail et de chaises ainsi que d'appareils de contrôle portatifs, le lestage des différentes caisses étant réalisé à l'aide de sacs de sable. La masse de la rame contrôlée le 27 septembre sur bascule électronique à Belfort chez Alsthom équivaut pratiquement à un tirage par essieu d'un TGV à mi–charge.

Actuellement des essais de carénage de toiture sont en cours sur l'extrémité de la R8 jouxtant la motrice 23002, ces essais ont pour but de tester les réactions des pantographes en aérodynamisme.

Le 26 septembre 78, nous avons assisté dans cette rame aux 3 aller et retour Strasbourg—Sélestat effectués dans la journée.

À la marche 90051 graphiquée Strasbourg 9h34 Sélestat 9h52, nous avons relevé les vitesses pratiquées aux divers points kilométriques (pk), au retour Sélestat 11h13 Strasbourg 11h31, nous sommes montés dans la cabine arrière de la rame afin de pouvoir observer les turbulences produites par la circulation à 260 km/h (marche 90050) où des remous engendrés par la dépression occasionnés au passage de la rame donne des phénomènes d'aspiration particulièrement remarquables sur haies vives et arbustes plantés le long de la voie. Ces turbulences seraient d'ailleurs plus importantes avec une rame traditionnelle à même vitesse.

L'après-midi, Strasbourg 13h35 — Sélestat 13h53 (marche 90053), nous avons de nouveau effectué les relevés de vitesse dans la R1, cette circulation devant s'effectuer avec une accélération plus grande que le matin où l'enregistrement de niveaux sonores avait nécessité une montée progressive en vitesse.

sortie Sélestat 
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6922R; balise TGV 26-09-78.jpg (103640 octets) balise TGV 
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Au retour de cet essai, nous avons pris place dans la R2 sur une banquette provisoire afin de constater l'impression de défilement du paysage pour un futur voyageur, cette marche 90052 s'effectua avec l'horaire suivant : Sélestat 14h40 — Strasbourg 14h58.
Enfin le départ de Strasbourg à 15h54 avec arrivée à Sélestat à 15h15 se fit sous le couvert de la circulation 90055 dans des conditions similaires à la marche précédente, nous avons profité de ce parcours pour observer particulièrement le comportement du pantographe. Le retour de cette circulation : Sélestat 16h58 — Strasbourg 17h17 eu lieu dans les mêmes conditions qu'à la marche 90052.

TGV PSE — MARCHES D'ESSAIS EN ALSACE DU 26 SEPTEMBRE 1978
LIEU PK VITESSE KM/H RAMPES RAYON OBSERVATIONS
          mm/m sens courbes  
    marche marche marche        
    90051 90053 90055        
0 Strasbourg                
  2,000 88,7 103,3 - 0,2 rampe    
  4,000 129,1 130,6 - 2,0 pente    
  6,000 158,4 159,0 - 1,0 rampe    
6,9 Graffenstaden                
  8,300 - - -       Ralent réfection pont V=80 pk 8,300/8,355
  10,000 119,5 140,0 - 0,8 rampe    
  13,000 181,5 201,0 - 0,6 rampe    
  14,000 207,0 213,4 - 0,6 rampe    
15,3 Limersheim                
  16,000 220,0 232,8 - 0,6 rampe 3900 m  
  18,000 236,6 246,0 - 0,8 rampe    
19,7 Erstein                
  20,000 248,0 256,0 - 0,5 rampe    
  21,000 - 260,0 -       A 260 km/h, 1 km parcouru en 13,846 sec
  22,000 256,6 261,9 - 0,2 rampe 4000 m Marche 90055 : baissé panto pk 22 puis relevé panto
  23,000 260,0 - -     Aligmt Alignement du pk 23 au pk 35,713
  24,000 - 262,2 246,0 0,5 rampe Aligmt  
  25,000 - - 244,2     Aligmt  
  26,000 - - 249,6     Aligmt  
26,6 Benfeld 26,600 261,0 262,0 -     Aligmt  
  27,000 - - 254,7     Aligmt  
  28,000 - - 259,0     Aligmt  
  29,000 - - 261,0     Aligmt  
  34,000 - 261,0 - 1,5 rampe Aligmt  
36,38 Eberscheim                
  37,000 166,0 188,0 - 1,9 rampe    
  38,000 105,0 115,0 - 2,0 rampe    
  39,000 54,0 68,0 - 1,7 rampe    
  40,000 99,0 109,0 - 2,2 rampe    
  42,000 88,0 103,0 - 0,9 pente    
  43,000 26,9 28,0 - 1,4 pente    
BV Sélestat 43,218 0,0 0,0 0,0        
Jacques Defrance (†)             Rail Magazine n°19 — Novembre 1978

Jacques Defrance (†)
Rail Magazine n°19 — Novembre 1978

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