Le carnet du CFC
Souvenirs ferroviaires - Chapitre 5 - Année 1957 - 1959
Jean-Pierre Charlier
En juillet 1957, les vacances se passèrent à Perros-Guirrec (22). Comme les années précédentes, départ de Paris-Montparnasse. Cette fois-ci par un train de nuit et toujours en direction du Mans avec certainement une 2D2 5400. Puis le convoi continuait sur Brest en traction vapeur avec une 141 P à coup sûr (les 241 P n’arriveront au Mans qu’en 1958). Nous descendions en gare de Plouaret pour attendre notre correspondance qui nous mènera en gare de Lannion. Je me souviens très bien de l’ambiance qui régnait sur le quai de cette gare vers 6 ou 7 heures du matin. Le ciel était gris, et bien que nous étions encore loin de la mer, on sentait très nettement l’air iodé, et après une nuit inconfortable passée dans le train, ce brusque changement d’air achevait de nous réveiller. L’attente était relativement longue, car mon beau-frère, ma nièce, mon neveu et moi sommes allés boire un chocolat à l’inévitable café de la gare. Je me souviens de mon beau-frère disant, il est temps de regagner la gare car j’entends le train dans le lointain. En effet alors que nous traversions le passage planchéié pour rejoindre notre quai, et le reste de la famille, le train arrivait du bout de la ligne droite, 141 P en tête, auréolée de vapeur dans le petit matin frisquet. Sitôt quittée la gare de Plouaret, notre convoi s’engage sur la ligne à voie unique nous conduisant à Lannion. Juste avant d’entrer en gare, sur la gauche, il y avait une annexe-traction, avec un pont tournant pour les locos repartant sur Plouaret, une remise à une ou deux voies ainsi qu’une grue à vapeur et une réserve de charbon. J’ai le souvenir d’y avoir vu une 141 P ou plutôt son tender 34 P, en cours de chargement. De cette gare nous gagnions Perros en car (cette fois je ne me rappelle plus du type de car). Cette année là, j’ai eu la chance de passer juillet et août à Perros. En août justement, nous sommes allés passer une journée du côté de Paimpol, et nous avions mangé au restaurant, chance inespérée, en face de la gare, et plus particulièrement en face de l’annexe-traction, devant la remise à locomotives. On ne pouvait pas rêver meilleur emplacement… Peu m’importe ce que l’on mangea ce jour là, j’eus heureusement la permission d’aller contempler les deux locomotives qui stationnaient devant la remise. Ce fut un grand moment parmi mes observations ferroviaires. Je me trouvais devant deux locos que je voyais pour la première fois. D’ailleurs, pour l’une d’entre elles, ce fut la seule et unique fois. Il s’agissait d’une 230 H. (Locomotive de l’ancienne compagnie de l’Ouest, construites à quinze exemplaires seulement et portant les numéros 371 à 385). Elle était attelée comme les 140 C au même tender 18 C. Mais la plus grande stupéfaction venait de l’autre locomotive. J’avais devant moi une 230 K, mais rien à voir avec celle que je connaissais grâce aux petits tickets des balances de gare (les 230 K carénées de la région Est). J’étais complètement désappointé, déconcerté… En effet, j’ignorai à l’époque la signification du numéro de région. J’étais en présence d’une 3-230 K et non pas d’une 1-230 K, celle-là même représentée sur le fameux ticket. Pendant de nombreuses années je suis resté dans le doute, d’autant que la même mésaventure s’est reproduite avec une autre loco, quelques années plus tard.
Pour compliquer les choses , s’il en était besoin, ces 3 - 230 K font partie d’un lot de 4 - 230 G, des machines de l’ancienne compagnie du P.O., qui furent mutées à la région Ouest. Comme il y avait déjà sur l’Ouest des machines ayant l’appellation 230 G (les 3 - 230 G 801 à 883), il a fallu changer la lettre G par un K pour éviter les confusions. D’autres furent mutées au Nord à la fin des années cinquante, mais celles-ci gardèrent la lettre G, puisque sur le Nord il n’y avait pas encore de 230 G (c’est pourtant simple !…).
L’une d’entre elle deviendra célèbre, puisqu’à la disparition de la vapeur, la SNCF garda en état de marche, une seule locomotive, la 4 - 230 G 353. Machine utilisée pour le cinéma, ou certains voyages commémoratifs, ou bien affrétée par des associations. (J’en reparlerai plus loin).
1958, changement de direction et de ce fait, changement de région SNCF. En effet, départ sur la région Sud-Ouest à destination de Cahors (46). C’est donc via la gare d’Austerlitz que nous quittons la capitale par un train de nuit. Ce voyage ne m’a laissé aucun souvenir particulier. Je me revois simplement au petit matin sur les quais de cette gare de Cahors, sur lesquels furent constituées « les équipes », car nous étions (hélas pour moi) en colonie. Heureusement, en compensation, j’aurai au cours de ce séjour, l’occasion de faire d’intéressantes observations.
Lors de nos déplacements, ils nous arrivaient de côtoyer la gare, ne serait-ce que pour rejoindre le célèbre Pont Valentré , sur le Lot. Il nous fallait traverser la voie à la sortie de la gare, côté Toulouse. Un jour alors que le passage à niveau était fermé, nous avons assisté au démarrage d’un train de marchandises, tiré par une 2D2 de la série 5105 à 5120. A cette époque, cette série était affectée au dépôt de Toulouse. Elles sont connues sous le nom de femmes enceintes, car leurs capots étaient de forme arrondie. D’autres surnoms étaient attribuées à certaines 2D2. C’était le cas des 2D2 5503 à 5535, dites nez de cochon, toujours à cause de la forme de leurs capots qui présentaient une face aplatie. Les 2D2 5546 à 5550 étaient surnommées Watermann, leurs capots rappelant la forme des célèbres bouteilles d’encre d’autrefois. Les trains de voyageurs étaient toujours remorqués par les CC 7100 (dont la 7107 était co-détentrice avec la BB 9004, du record du monde de vitesse à 331 km/h, en mars 1955). Un autre jour, alors que nous étions sur les collines, de l’autre côté du Lot, que l’on surplombait à cet endroit ainsi que la voie ferrée, nous avons assisté au démarrage d’une automotrice en direction de Toulouse. Tout de suite après la traversée du pont sur la rivière, se détachait sur la gauche, la voie unique en direction de Capdenac. Notre moniteur nous dit qu’elle allait certainement s’engager sur cette ligne, ce dont je doutais formellement pour la bonne raison que cette ligne n’était pas électrifiée et j’étais surpris par son manque de discernement. En effet l’automotrice resta bien sur la voie principale. Je reconnus tout de suite cet engin, car il figurait sur mes petits tickets de pesée. Il s’agissait d’une Z 4700. Il n’y en avait que deux de construites, affectées au dépôt de Toulouse, elles assuraient un service omnibus sur cette ligne. Une autre fois, nous étions de l’autre côté de la gare, sur une route qui surplombait le petit dépôt de Cahors. Il y avait devant la plaque tournante une 141 E ou F (rien ne permet de distinguer l’une de l’autre, les F ayant subi de petites améliorations leur permettant de rouler à 105 km/h au lieu de 90 pour les E). Ces machines étaient affectées au dépôt de Capdenac, et elles assuraient le service marchandises sur cet itinéraire. Nous avons eu la chance d’emprunter cette ligne en autorail jusqu’à la petite gare de Saint-Cirq-Lapopie, (joli village qui domine la vallée du Lot), pour ensuite gagner à pieds le village de Cabreret (célèbre pour ses grottes). En entrant sous la grande marquise de la gare de Cahors, nous attendait un X 3800 (Picasso), et la chance voulut qu’il reparte en marche arrière en direction de Capdenac. Nous nous sommes donc installés sur les banquettes tournées face à la voie et ainsi profiter pleinement du paysage. A la descente de l’autorail, avant de partir vers Cabreret, nous sommes montés au village de Saint-Cirq, et de là-haut, je me souviens avoir vu un train de marchandises se dirigeant vers Capdenac, avec certainement une 141 E ou F en tête. Après avoir campé quelques jours à Cabreret, nous sommes rentrés bien sur à Cahors, mais je n’ai aucun souvenirs du retour. Par contre je n’ai pas oublié le retour Cahors - Paris effectué dans des conditions déplorables. En fin de journée, notre train en provenance de Toulouse rentre en gare, CC 7100 en tête, mais la voiture qui était réservée pour la colonie était déjà occupée par des voyageurs. Il a bien fallu cependant enfourner tout ce monde à l’intérieur. Personnellement j’ai passé la nuit dans le filet à bagage et je n’étais sans doute pas le plus à plaindre.
Bien que cette année là, je ne suis pas retourné à Saint-Ortaire (61), je vais cependant être amené à reparler de la ligne Briouze - Bagnoles-de-l’Orne. En effet de retour de Cahors, j’apprends que mon frère et mon père vont aller passer quelques jours là-bas. En 1958 mes connaissances ferroviaires s’étant grandement développées par rapport à 1953 (dernière année de ma présence en ces lieux), je confie à mon frère la mission d’identifier la locomotive de la ligne de Bagnoles, si l’occasion lui en était donnée. Je lui indique la méthode à suivre, et de retour, ayant accompli sa tâche, il me remet un papier sur lequel était écrit deux numéros : 141, pas de lettre et un autre numéro sans grande importance, puisque ce deuxième numéro est celui de la machine dans sa série. La lettre, comme c’était souvent le cas, était effacée. Parfois même, c’était l’ensemble du numéro qui était illisible. Pas de chance. Mais cette information avait quand même son utilité, car cela voulait dire qu’en 1958, c’était une 141 qui assurait le service sur cette ligne, et par déduction une 141 C (les 141 R ou P étant réservées à de « plus nobles tâches », d’une part et je pense que la charge par essieux devait être trop élevée pour engager ces deux types de machines sur cette ligne secondaire faiblement armée). Donc, comme il est dit au chapitre 3, seule certitude, les 3 - 141 C 1 à 250 ont bien empruntées cette ligne. Quant à ma locomotive vue de 1951 à 53, l’énigme demeurera, car je le répète, en ces années là, ce n’était pas la silhouette d’une 141 C que je voyais.
En 1959, encore d’autres horizons. Cette fois nous sommes sur le Sud-Est, donc départ par la gare de Lyon. C’est le même contexte que l’année précédente départ en colonie par un train de nuit pour Langogne (48). Je ne me suis réveillé qu’en gare de Langeac, mais rétrospectivement je peux essayer de reconstituer la première partie du voyage. Au départ de Paris, le train pouvait être emmené soit par une CC 7100, BB 9200 ou une 2D2 9100, jusqu’à la gare de Moret-sur-Loing. De cette gare jusqu’à Clermont-Ferrand, soit par une 241 P, soit une Pacific ex-PLM, 231 G ou H. Mais certains trains quittaient la capitale par la gare d’Austerlitz, jusqu’à Vierzon (CC 7100, BB 9200 ou une 2D2 5500), puis de cette gare jusqu’à Clermont-Ferrand, derrière une 241 P du dépôt de Nevers (je ne me souviens plus quel fut l’itinéraire emprunté…). De Clermont à Langogne, par une inévitable 141 E ou F, reines incontestées de la ligne des Cévennes, ce train continuant sur Alès et plus certainement jusqu’à Nîmes. Donc à partir de Langeac le train remonte le cours de l’Allier dans un magnifique paysage de gorges profondes, où seule la voie ferrée se faufile. A Langogne, il y avait une annexe traction avec remise et pont tournant. Lors de nos balades, nous avions parfois l’occasion de passer au pied de ce dépôt et c’était à chaque fois une grande frustration, car on ne voyait jamais les locomotives (tout au plus, quelques fumerolles), la route passant au pied d’un grand mur en haut duquel on entendait parfois le souffle rageur d’une soupape qui se levait. A la sortie de la gare côté Alès, la voie passe au-dessus de la route par laquelle on regagnait la colonie. Parfois sur ce pont manoeuvrait un locotracteur, un Y 6000. Je me souviens du jour ou j’ai vu pour la première fois un autorail panoramique X 4200. C’était justement en 1959 l’année de leur mise en service. Nous étions en train de jouer dans un bois de l’autre côté de l’Allier, la vue était dégagée en direction de la voie ferrée, et je l’ai vu partir de la gare en direction d’Alès. Une autre fois, alors que nous étions dans un stade au bout duquel la voie passait en tranchée, j’ai entendu un train vapeur se rapprocher. Je n’ai eu que le temps de courir dans cette direction pour n’apercevoir que la silhouette d’une locomotive-tender remorquant un train de voitures d’omnibus, peut-être des trois pattes PLM, (surnommées ainsi car elles étaient montées sur trois essieux). La loco était certainement une 242 TC, machine appartenant au dépôt de Langeac ou du Puy-en-Velay. D’ailleurs à l’époque il y avait toujours la ligne joignant Langogne au Puy. Je n’y ai pas vu passer de train, mais un service marchandises y était toujours maintenu. Un après-midi ou nous étions au bord de l’Allier, au pied du viaduc qui précède la gare de Langogne (côté Alès) j’ai vu arriver un court train de service ou de travaux, tiré par une 140 J. C’est la seule et unique fois que je vis ce type de machine.
Nous avions aussi effectué un camp le long de l’Allier en direction du point culminant de la ligne qui se situe à la Bastide-Saint-Laurent-les-Bains, à 1022 mètres d‘altitude. La voie ferrée se situait de l’autre côté de la rivière et un jour nous avons assisté à un croisement de deux convois voyageurs dans la petite gare de Luc, et qui, comme chacune des gares à cette époque, avait encore sa voie d’évitement. Il y avait certainement un problème qui nous échappait car la manœuvre s’est prolongée de longues minutes (peut-être l’un des convois était-il trop long pour se croiser ?) ce qui a nécessité ces mouvements imprévus. La soupape de sécurité d’une des locos s’est brusquement soulevée et nous avons ainsi profité du spectacle visuel et auditif, toujours grandiose quand il se produit.
Je vais maintenant raconter un évènement qui s’est passé en gare de Langogne et qui restera, celui-la aussi, un mystère jamais éclairci. Nous devions passer une journée à la Bastide, donc prendre un train le matin. Nous étions sur le quai et notre train tardait à arriver. Le bruit couru qu’un train de marchandises précédant le nôtre avait subi une rupture d’attelage ! Enfin un train de marchandises se présenta avec en tête une 231 D. En ce temps là, cela ne m’a pas vraiment surpris. Mais à la réflexion, c’est tout à fait illogique. Au début des années 70 j’ai d’ailleurs écrit au chef de gare de Langogne pour lui faire part de mon observation vieille de plus de dix ans. Celui-ci, ne se jugeant pas compétant pour élucider ce problème fit suivre mon courrier au chef du dépôt de Langeac. Ce dernier m’a répondu (j’ai toujours cet échange de courrier) qu’il était peu vraisemblable qu’on engage ce type de machine sur une ligne de montagne et qui plus est sur un train de marchandises. Les 231 du dépôt de Clermont venaient parfois jusqu’à Langeac mais jamais au-delà, le profil de la ligne devenant trop sévère pour des locos aux roues de près de 2 mètres de diamètre. Alors qu’avais-je vu ce jour là ? A cette époque je regardais systématiquement la disposition des roues. Je ne vois pas comment j’aurais pu confondre une 231 avec une 141 (qui était logique de voir sur ce type de train). Et la lettre D, comment l’aurais-je confondue avec le E ou le F d’une 141. De plus cette loco s’arrêtant en gare et arrivant quasiment de face, je pouvais parfaitement voir son numéro sur la traverse avant ! Plus troublant encore, sur le livre Les dépôts vapeur du PLM , il semblerait que les 231 D de Clermont étaient déjà réformées en 1959 !?! Je n’ai jamais « fumé la moquette » et encore moins à l’âge de 13 ans… Encore un mystère qui restera éternel ! J’ai cependant ma petite idée, même si cela peut sembler invraisemblable.
Il faut avancer en 2007 pour trouver un semblant d’explication. Lorsque la 241 P 17 (ancienne pensionnaire du dépôt du Mans réformée en 1969) a été « ressuscitée », j’ai fait un voyage, emmené par cette loco, de Luzy à Nevers (58). Ces machines ont aussi été affectées à Nevers et la 241 P 7, (la dernière en service), assura son dernier train le 9 janvier 1969, puis radiée peu de temps après. Sur tous les ouvrages, articles de revues, livres consacrés à ces machines, c’est toujours la même date fatidique signant « son arrêt de mort » qui est mentionnée : janvier 1969. Et bien, sur le quai de Nevers j’ai eu l’occasion de discuter avec un ancien mécanicien de ce dépôt qui m’a assuré avoir personnellement roulé sur cette machine plus d’un an après sa réforme. Elle était utilisée en cas de défaillance d’un engin diesel, sur des trains de marchandises exclusivement. Voilà peut-être ce qui est arrivée à ma 231 D « montagnarde »…
Pour en revenir à notre départ pour la Bastide, je ne sais plus rien de la suite. Je me souviens quand même que nous avions réussi à passer notre journée là-bas, et en fin d’après-midi, je revois bien la classique 141 E/F entrant en gare pour nous ramener à Langogne. En fin de colonie, nous avions encore campé quelques jours, cette fois près de la petite gare de Jonchères (en direction de Langeac). Et bien sûr, chaque fois qu’un train se faisait entendre je courais vers la voie pour l’apercevoir du haut du chemin. Nous étions venus à pied à Jonchères, mais le retour s’effectua en train. L’attente en gare fut longue. Je revois le passage d’une draisine, mais plus celui du train qui nous ramena à Langogne.
Le jour du retour à Paris, je revois aussi très bien notre convoi entrant en gare, remorqué en double traction par les 141 E/F. (c’était fréquent sur cette ligne au profil difficile). J’ai depuis eu la chance de lire et relire le livre de Pierre Pignede,
Vapeur en Cévennes. Ancien mécanicien du dépôt d’Alès, il a parcouru maintes fois cette ligne (peut-être me suis-je trouvé dans un train qu’il conduisait ?…).
Avant de passer aux années soixante, je dois faire un retour en arrière, car il m’est revenu quelques souvenirs divers qui méritent de figurer dans ce récit.
Cela se passe en 1950 et peut-être avant… Sans doute un dimanche après-midi, sous un ciel gris, notre père nous avait emmenés, les cinq derniers enfants me semble-t-il, faire une balade vers le chemin des saules, le long du ruisseau qui était en fait le déversoir du lac d’Enghien. Ce chemin et le ruisseau passaient sous la voie ferrée de la grande ceinture. Nous avions dépassé ce pont d’une centaine de mètres, lorsqu’un train s’est fait entendre. A travers les arbres j’ai aperçu un long convoi de marchandises, mais à mon grand étonnement une deuxième locomotive se trouvait en queue, assurant la pousse (cette méthode se pratique encore aujourd’hui, même avec les locos électriques ou diesels quand le profil de la ligne et la charge des trains le nécessitent). Ces locomotives à vapeur allaient bientôt disparaître de ce secteur remplacées par les futures diesels 060 DA (futures CC 65500). Ces machines très bruyantes, je les entendrai de ma chambre quelques années plus tard, les soirs d’été, lorsque que l’on dormait les fenêtres ouvertes et que le vent portait de cette direction. Avant la mise en service de ces diesels, les locos vapeurs utilisées sur la grande ceinture étaient du type 151 TA et 151 TQ. Ces dernières ont la particularité d’appartenir au dernier type de locomotives à vapeur mises en service par la SNCF. La 151 TQ 22 fut l’ultime locomotive à vapeur a être livrée à la SNCF le 30 septembre 1952.
En 1952 je crois, nous avions accompagné mon frère à la gare d’Enghien, qui partait à un camp scout, et le rassemblement avait lieu dans le square situé juste en face de la voie du train de Montmorency. Par chance le train stationnait en gare, la loco placée sous la hotte fumivore surmontée de sa grande cheminée, afin que les fumées soient évacuées le plus haut possible. Je l’ignorai alors, mais il s’agissait d’une 040 TA, machine de manœuvre (attachée au dépôt de la Chapelle ou de la Plaine), mais vu le faible parcours de navettes à effectuer, elle assurait parfaitement ce type de trafic. La machine était toujours placée cheminée vers Montmorency, ainsi elle poussait toujours son train à la montée, d’où son surnom de refoulon, et le retenait à la descente en cas de rupture d’attelage. Ce même soir, alors que nous étions sur la passerelle enjambant les voies, un train se dirigeant vers Paris est entré en gare. Dans ce sens la loco était toujours placée en queue, donc lorsqu’elle s’arrêta nous étions juste au-dessus d‘elle. Je me suis bien rendu compte qu’il ne s’agissait pas du type de machine habituellement aperçue sur cette ligne. Il s’agissait en fait d’une 242 TA en lieu et place de la traditionnelle 141 TC. J’aurai l’occasion de reparler de ces locos un peu plus loin. Pour en revenir au train de Montmorency, il m’arrivait parfois de l’apercevoir quand nous allions au cimetière d’Enghien. La voie passant juste derrière le mur au fond du cimetière, chaque fois c’était la même frustration. On ne voyait, dépassant de ce mur, que le haut des voitures à étage et le panache de fumée. De plus, le train étant parti pour Montmorency, il était inutile au retour de passer par la gare d’Enghien pour espérer l’y voir.
Un samedi, alors que je revenais de l’école en faisant un détour par la gare pour aller chercher un éventuel ticket de balance, j’ai eu la chance de voir une rareté. Je surplombai la voie, du haut de la rue qui mène de l’école à la gare, lorsque je vis arriver doucement, se dirigeant vers Ermont, cheminée en avant, une superbe 231 E haut-le-pied (c’est le nom que l’on donne à une loco circulant seule sans wagon). Ces machines étaient aussi connues sous le nom de Chapelon du nom de l’ingénieur qui les avaient conçues. Que venait-elle faire là, sur une ligne essentiellement dévolue au trafic banlieue ? Elles assuraient les trains de grandes lignes sur le Nord (notamment la Flèche d’Or) et curieusement je n’ai pas le souvenir de les avoir vues en gare du Nord, ni même aperçues au dépôt de la Chapelle dont beaucoup étaient pensionnaires. C’est ma seule vision d’une 231 E en état de marche.
Quelques fois le jeudi on allait chez ma sœur et mon beau-frère, au-delà de la gare de Saint-Gratien. Cette ligne dite ligne des Grésillons, reliait Ermont-Eaubonne à Paris-Nord via Gennevilliers. On y voyait les traditionnelles 141 TC et leurs trains de banlieue, mais j’ai eu plusieurs fois la surprise de voir un petit locotracteur venant d’Ermont avec à chaque fois deux ou trois wagons. Je l’entendais venir de loin car il y a une longue rampe qui précède la gare. Je n’ai identifié cet engin que bien plus tard. Il s’agissait d’un modèle unique d’origine allemande et portant le numéro Y-DE-18110. Pourquoi un numéro si compliqué pour un modèle unique ? (et 18101 me semblerait plus logique !).
Entre Ermont-Eaubonne et Enghien il y avait une voie utilisée par les quelques trains de marchandises qui empruntaient cet itinéraire. A la gare du Champ-de-Course, un charbonnier était embranché en contre-bas de la ligne. Il était desservi par une voie en impasse, qui devait être de forte déclivité et disposée en « Z », comme c’est parfois le cas quand il y a un fort niveau à compenser. La scène se passe un jeudi ou j’étais aux Louveteaux. Alors que nous jouions à la balle au prisonnier, à l’emplacement de l‘actuel parking du champ de course, une diesel 040 DA, effectuait les manœuvres pour descendre quelques wagons de charbon. Inutile de préciser que j’étais bien plus intéressé par ce qui se passait là-bas sur les voies…
De temps en temps les parents nous emmenaient passer une journée en forêt. Nous descendions en gare de Taverny ou de Saint-Leu. Dans cette gare, un jour où nous étions en avance pour notre train de retour, du haut de la passerelle nous avons aussi assisté aux manœuvres d’une 040 DA. Un peu plus tard en 1958 je crois, nous étions cette fois à Mériel. Au retour, lorsque le train est entré en gare j’ai remarqué que la rame n’avait pas une configuration habituelle. En effet, en plus des classiques voitures de banlieue, il y avait un élément différent constitué de trois voitures au bas de caisse galbé, et surtout, reposant sur quatre bogies. La voiture centrale reposant sur un bogie commun à chacune des voitures extrêmes, comme c’est le cas sur les TGV actuels. Cet élément est resté unique, toutefois il en existait un autre, de seulement deux caisses reposant sur trois bogies.
... J'avais devant
moi une 230 K, mais rien à voir avec celle que je connaissais grâce aux petits
tickets des balances de gare (les 1 - 230 K carénées de la région Est)...
Photo
Raymond Floquet
3 - 230 K 401 à 451 identique à celle vu en gare de Paimpol.
Photo
Marcel Aubert
1 - 230 K
carénée en gare de Strasbourg, le 13 juillet 1954.
... nous avons
assisté au démarrage d'un train de marchandise, tiré par une 2D2 de la série
5105 à 5120. Elles sont sont connues sous le nom de "femmes enceintes",
leurs capots étant de forme arrondie...
Photo
M. Mertens
En août 1956, la 2D2 5119 et deux de ses sœurs, sont réunies au dépôt de
Toulouse.
... sur cette
ligne, les trains de voyageurs étaient toujours remorqués par une CC7100...
Photo
G. Laforgerie
CC 7100 se
dirigeant vers la capitale, avec un
... je revois
très bien notre convoi entrant en gare, remorqué par une double traction de
141 E ou F...
Photo
Marcel Aubert
En août
1959, deux locomotives 141 F remorquant l'express Nîmes—Paris
Austerlitz.
... Je me souviens
du jour où j'ai vu pour la première fois un autorail panoramique X 4200.
C'était justement en 1959, l'année de leur mise en service...
Photo
Jean-Louis Poggi
Autorail
panoramique Renault X 4200 sur la ligne des Cévennes (viaduc de Chamborigaud).
... elle poussait toujours son train à la montée, d'où son nom de "Refoulon"...
Photo
?
La 040 TA 18 et son
train en gare de Montmorency.
... j'ai eu
plusieurs fois la surprise de voir un petit locotracteur venant d'Ermont...
Photo
Jacques Defrance
Locotracteur
Y-DE-18110 (sans lieu ni date).