Le carnet du CFC
Un anniversaire peut aussi en cacher un autre (Abreschviller)
« Pilard » de Meudon
Abreschviller, dans le cadre des 50 ans de l’exploitation touristique du tronc commun minimal par l’ACFA.
De même que le
signal avertit le conducteur qu’un train peut en cacher un autre, un
anniversaire peut aussi en cacher un autre.
En effet, l’"étude sur les petits chemins de fer forestiers"
publiée par le professeur Edmond Thiéry de l’École nationale forestière de
Nancy dans le cadre de l’Exposition universelle de Paris de 1889, voici 130
ans, présente le chemin de fer forestier dans sa version initiale, antérieure
à la tornade de 1892 qui a conduit au renforcement et à l’extension du réseau
avec la contribution de la locomotive Mallet de 14 tonnes. L’heure n’était
plus aux « énergies renouvelables » : traction animale + force de gravité
mais à l’introduction de la traction mécanique. Une conférence relative à
la prolongation de 4 Km (1884) à 15 Km (1888) avait été organisée à
Schirmeck par la fédération des forestiers allemands en juin 1889, en
perspective de l’exposition universelle durant laquelle les matériels étaient
exposés.
Dans le contexte actuel, l’ACFA et la fête de commémoration des 50 ans
demeure sans aucune prospective par rapport à l’environnement de la ligne,
dans la nostalgie de l’âge d’or du chemin de fer à traction thermique….
Or l’étude du Pr Thiéry indique que la « Rollbahn » exploitée par gravité
mesurait 15 Km, soit trois fois la longueur actuelle, et que 15 000 m3
étaient acheminés par gravité aux parcs à grumes des scieries, sur ossature
bois et naturellement sans les émission de gaz à effet de serre qui ont été
produits ultérieurement par les locomotives. En outre, une partie importante de
ces bois était sciée au moyen de la force hydraulique des bancs de sciage de
haut-fer, fonctionnant comme un moulin hydraulique, dans des édifices associant
maçonnerie traditionnelle et charpente en bois donc en l’absence de béton et
de charpente métallique. Ainsi ce système était entièrement cohérent.
En saisissant
l’opportunité de l’anniversaire pour un écobilan des procédés mécanisés
utilisés depuis plus de 50 ans, des éléments innovants ont été récemment
introduits en faveur de l’exploitation type Rollbahn actualisée compatible
avec les indications techniques de l’étude du Pr Thiéry.
En effet, l’étude présente aussi le matériel du chemin de fer forestier de
M Michaut, administrateur de la cristallerie de Baccarat, pour laquelle le
domaine forestier de M Michaut et la scierie de Thiaville fournissait du bois de
coffrage et d’emballage des verres et cristaux produits et vendus par la
cristallerie. Le chemin de fer à usage mixte devait transporter d’une part
les produits sciés, 1600 Kg de planches lorraines à façonner sur une rampe de
30 pour mille, et d’autre part sur cette même rampe mais en sens aval les
grumes de bois d’œuvre brut à débiter à la scierie, sur des wagonnets de
200 Kg chargeant 800 Kg, formant un couple grumier de 2000 Kg de poids total
roulant maximum, avec 500 Kg de charge par essieu. Or c’est exactement le
poids maximal autorisé par le cahier des charges du concours annuel d’ingénierie
ferroviaire britannique organisé depuis 2012…. Autre point commun : la nécessité
de pouvoir tracter pendant trois heures à 5 Km/h sur une rampe initialement
prescrite de 50 pour mille un convoi de 400 Kg, ce qui est le poids mort du
couple grumier et 3 heures à 5 Km/h correspondent à une distance totale de 15
Km. Avec 325 Kg, les lauréats vainqueurs des premières années du concours
doivent aussi faire un « tour d’honneur » de 2700 mètres, ou plusieurs,
avec un convoi de 4 tonnes au total (amis et passagers du grand public
accueilli), c’est-à-dire 3,6 t remorquées et le locotracteur de 325 Kg, soit
l’équivalent de 2,8 t sur 800 Kg de wagonnets, donc 2 couples grumiers. 2,8 t
correspondent à 3,57 charges utiles pour charger un couple grumier lourd de 10
tonnes de charge utile comme ceux d’Abreschviller.
Second élément
nouveau : lors du salon SIFER 2019 à Lillle a été présenté le locotracteur
rail-route radiocommandé allemand VLEX de 4,5 t, comportant deux essieux
orientables pneumatiques et deux essieux internes à roues ferroviaires de
guidage.
En « ajustant » l’écartement » des essieux du VLEX à 0,70m,
l’adaptation peut permettre de transposer les innovations de transmission
hybride électrique à la gamme des matériels à voie étroite pouvant au mieux
valoriser l’énergie cinétique du freinage des couples grumiers ou wagons
plateaux chargés. Dès lors, l’ossature bois sous rail peut contribuer à une
réduction des émissions de gaz à effet de serre à la fois par «
stockage" du carbone séquestré dans les fibres et par « substitution »,
c’est-à-dire utilisation d’un procédé « alternatif » non ou moins émetteur
de gaz à effet de serre pour effectuer la prestation, ce qui est le cas avec le
freinage par récupération dans les accumulateurs des wagons pleins et la
traction de leur poids mort « à la remonte ». L’ossature bois contribue
aussi à une séquestration de carbone améliorée du fait que la flore et la
micro faune qui aère le sol reste vivante sous et aux abords de la voie
contrairement aux traces des engins forestiers.
En septembre 2014, lors d’un congrès forestier à Gérardmer, un procédé léger
avait été présenté, avec des caractéristiques s’avérant conformes à
celles du matériel du concours britannique mais avec une contre performance des
voies mobiles du fait de la traction en boucle par câble, comme pour le système
SK et d’un montage-démontage moins performant des panneaux en bois. Pourtant
la capacité de 1000 board feet sur 10 wagonnets, 2,36 m3 et les
manutentions par mini pelles légères ouvraient des perspectives que le
Waldeisenbahn Muskau a exploré depuis, mais en restant sur la voie de 0,60 m «
lourde ». Ainsi, le « portable rail project » réutilisant une voie étroite
mixte bois+métal sur 80 m à 180 m permet d’obtenir un système auxiliaire de
la voie « lourde », évitant les impacts collatéraux des engins forestiers
pour regrouper les bois à empiler le long de la voie « lourde ».
Une vision « prospective » « environnementale » peut ainsi être associée
à une exploitation « mixte » tourisme et mobilisation des bois.
C’est un contexte particulier où la combinaison des structures en métal et
en bois, comme pour les wagonnets d’Abreschviller et d’acier sur
l’ossature bois sous rail (travelage) participe à un objectif commun d'effet
de substitution. En effet, même si la production des rais d’acier nécessite
de l’énergie, la réduction des efforts de traction sur les rails et la
valorisation de la force de gravité des wagonnets guidés par les rails
contribuent à cet effort de substitution.
En contre-bas de l’ossature bois, les traces des engins conventionnels illustrent les impacts des passages répétitifs des engins forestiers conventionnels alors que le sol reste protégé par le dispositif du travelage en rondins.
Les
engins hybrides freinent en régénération électrique les wagons chargés et
remontent le poids mort des couples grumiers vides.
Ainsi vis-à-vis de pentes et besoins comparables à ceux d’Abreschviller, il
existe désormais des possibilités de traction hybride qui valorisent les
structures mixtes bois + métal.
Il existe déjà deux locomotives forestières hybrides MK 48 en chemins de fer
forestiers hongrois, mais elles demeurent encore seulement affectées à la
traction des trains touristiques sur leurs lignes forestières.
Durant ces deux jours de festivités du cinquantenaire du Chemin de fer d'Abreschwiller,
lors de chaque demi journée, trois cycles de circulation du convoi historique
avec les deux couples grumiers étaient organisés.
Dans l’hypothèse d’une exploitation « mixte » sylvotourisme et
contribution à la sortie des bois exploités dans la forêt domaniale, le flux
d’une demi-journée est comparable au convoi traditionnel de 6 couples grûmiers
et de ce fait, en une journée, 12 wagons ont été acheminés de Rommelstein à
Abreschviller, soit l’équivalent des deux trains quotidiens de 7-8 wagons
tractés par la Mallet et respectivement 5-4 wagons tractés par le Coferna ou
la Decauville. Ainsi le rendement journalier de ces deux jours était conforme
à celui avant la reconversion touristique.
Les massifs forestiers desservis comportent une part non négligeable de
parcelles forestières classées « moyennement sensibles au tassement »,
pouvant imposer l’utilisation d’un procédé alternatif limitant l’impact
des pressions. Souvent ce classement « moyen » comporte des écarts de
sensibilité entre les niveaux de sensibilité : de non sensible à très
sensible mais sur une surface inférieure à celle impliquant le classement de
l’hectare comme très sensible. De plus, ces superficies « moyennement »
sensibles sont inhérentes à la topographie et à la géologie des couches de
sols et peuvent donc prendre la forme de bandes pouvant sérieusement influencer
l’accessibilité à des parties « non sensibles » plus vastes de la même
parcelle sur les pentes permettant l’écoulement des eaux pluviales. C’est
bien pourquoi en raison de l’impact des « voitures » à jantes étroites sur
ces sols, les solutions techniques de protection ont été dans cette région
soit le chemin de traverses de schlittage ou de « bouc », soit la voie étroite
forestière de protection du sol du fait que les roues des véhicules évoluant
sur les rails n’exercent pas directement leurs pressions sur le terrain
naturel. Dès lors en exploitation « mixte", un locotracteur comme le
Gmeinder aurait pu tracter le duo de couples grumiers vides vers le chantier en
vue de leur chargement avec des bois empilés en bordure de voie, comme sur le
WEM ce printemps.
Alors
que d’une manière générale, le recours au procédé alternatif fait
l’objet d’une compensation des frais spécifiques d’utilisation du procédé,
la solution « mixte » pratiquée durant les journées du cinquantenaire
associant le transport des visiteurs occasionnels ou en groupe permet
d’obtenir cette compensation dès lors qu’en respectant les pressions
supportables sans impacts par les sols concernés, la voie sur ossature bois
contribue à mobiliser les grumes.
Cela étant, le WEM pratique généralement les trains séparés : passagers et
bois avec en outre l’utilisation du train de bois avec minipelle sur porteur
permettant un usage de ce train de la même manière qu’un porteur forestier
sur chenilles, notamment pour les rondins. Après avoir chargé un wagon d’un
côté, la grue peut charger celui situé entre le wagon porte-grue et le
locotracteur. De plus, le LKm NS2F peut désormais être télécommandé depuis
la grue, pratique engagée depuis cette année dans une tourbière.
Il y a donc des perspectives importantes d’évolution pour respecter les sols
sensibles aux tassements avec les voies étroites. Il serait souhaitable que de
l’usage restreint pour la maintenance des abords des voies, ce procédé
revienne au service régulier de la sylviculture sur la base de ces actions
probatoires.
Ainsi, en associant les systèmes de débardage basse pression pour regrouper les tiges vers la voie et les matériels sur rails pouvant générer de l’énergie (alors que l’adjonction des chenilles tracks accroit de 10 à 25% la consommation de carburants thermiques fossile, il est désormais possible d’envisager un système cohérent permettant de revaloriser l’utilisation des voies étroites forestières.