Le carnet du CFC

Souvenirs ferroviaires -  Chapitre 10 - Années 1993-2000

Jean-Pierre Charlier

Je m’aperçois qu’une longue période s’est écoulée sans que l‘occasion de prendre le train se soit présentée. Sans doute que tous les grands déplacements ont dû être effectués en voiture. Par contre à partir de 1993 j’aurai à nouveau de nombreuses occasions de fréquenter le monde ferroviaire.

Début septembre je suis allé pour quelques jours chez mon frère et ma belle-sœur à Bourg-d’Oisans (38). C’est en TGV que je suis arrivé à Grenoble. Ce voyage ne m’a laissé que de mauvaises impressions. Assis dans le sens opposé à la marche, entre deux fenêtres, le passager de devant ayant tiré le rideau, je n’ai strictement rien vu des contrées traversées. Or depuis ma petite enfance, l’intérêt premier d’un voyage en train, consistait à regarder le paysage, raté ! Heureusement j’avais sans aucun doute une revue ferroviaire avec moi, ce qui a minimisé ma frustration… Au cours de ce séjour, nous avons rencontré mon autre soeur et son mari, et c’est à Gap qu’il s’est terminé. Le retour s’est fait au départ de Veynes. Une RGP1 X 2700 en provenance de Marseille m’a reconduit à Grenoble par la ligne dite des Alpes. Hélas ces élégantes RGP avaient subi une modernisation et leur cabine de conduite si esthétique avait été remplacée par celle ressemblant aux automotrices Z2 ou aux récents autorails X 2100, ce qui de loin, les rendait difficilement identifiables. Pauvres RGP qui après avoir perdu leur belle couleur d’origine, se voyaient maintenant affublées de cette banale face avant. Le retour en TGV s’est par contre passé dans de meilleures conditions cette fois, car dès la sortie de la gare de Grenoble, j’ai pu apercevoir une rame de wagons de marchandises chargées de bulldozers. Mais ces wagons je les croyais réformés depuis longtemps. Il s’agissait de wagons surbaissés avec bogies Diamond destinés aux charges volumineuses. J’ai appris récemment qu’à Échirolles (banlieue de Grenoble) est implanté une usine Caterpillar, ce qui explique la présence de ces bulldozers.

Le 19, avec mon neveu, nous avons, au départ de Clermont-Ferrand, effectué un voyage sur la ligne des Cévennes avec la 141 R 420 qui nous a emmené jusqu’à Langogne. Cela nous a rappelé l’époque où nous étions en colonie dans cette ville. La gare semblait bien déserte. Toutefois le pont-tournant encore en service a permis le virage de la loco qui a pu ainsi redescendre sur Clermont cheminée en avant.

Le 5 juin 1994, toujours avec mon neveu nous avons renouvelé cette escapade, mais cette fois le train allait jusqu’au point culminant de la ligne, la gare de la Bastide-Saint-Laurent-les-Bains (1022 m). Au-delà de cette station la ligne redescend sur Alès (30), puis Nîmes. A la sortie sud de la gare se détache un embranchement en direction de Mende (48) puis au-delà, rejoint la ligne des Causses en gare du Monastier. La loco a dû redescendre sur Langogne tender en-avant, puis après passage sur la plaque dans cette gare, effectuer son retour sur Clermont tournée dans le bon sens. Je n’ai aucun souvenir de cet épisode de la journée. Par contre je me souviens très bien de notre arrêt prolongé en gare de Chapeauroux pour croisement avec Le Cévenol, emmené par deux BB 67000. Ce train assurait la liaison Paris - Marseille par la ligne des Cévennes. Cette liaison est, bien sûr, actuellement supprimée…

En juillet, après huit jours sur le canal de la Marne au Rhin, nous avons terminé nos vacances dans les Vosges dans le petit village de Frélend, à côté de Kaysersberg (68). Nous en avons profité pour aller voir le Chemin de Fer Touristique du Rhin. Cette association a préservé de nombreux locotracteurs, mais la pièce maîtresse est la locomotive diesel A1A-A1A 62029 (ex 040 DA 29). Ce jour là, nous avons effectué le parcours de 9 km le long du Rhin emmené par la petite loco-tender 030 TB 134, la rame étant constituée d’anciennes voitures voyageurs à essieux. Cette association a depuis restauré aussi la 030 TB 130. Ces deux locos de manœuvres ont été réformées en 1958, L’une au dépôt de Sarrebourg, l’autre de Thionville. Cette ligne est encore utilisée en semaine pour desservir différentes usines dans ce secteur et l’association en dispose les dimanches et jours fériés.

En juillet 1995, nous passons nos vacances sur le causse Méjean dans le petit village de Mas-Saint-Chély (48). Nous sommes allés passer une journée dans le Gard pour visiter la bambouseraie de Prafrance. Il se trouve que cette bambouseraie est desservie par le Train à Vapeur des Cévennes, association exploitant l’ancienne ligne SNCF d’Anduze à Saint-Jean-du-Gard. Nous avons effectué le trajet jusqu’à Saint-Jean. La 140 C 27 avec tender 34 X était utilisée au début de l’exploitation touristique, mais ce jour là c’était une modeste 030 tender, ancienne locomotive des Houillères du Bassin des Cévennes. Cette association a détenu plusieurs autorails dont le Panoramique X 4206, les Picasso X 3838 et 4001 et un Iroquois X 2000. Dans la gare de Saint-Jean j’ai aussi aperçu un locotracteur ex 030 DA. La 140 C est actuellement en cours de restauration et l’Iroquois reste le seul autorail en service. Les autres ont été reversés à d’autres associations.

En août et septembre 1996, nous avons effectué des vacances itinérantes. Cela nous a donné l’occasion d’emprunter le Chemin de Fer à Vapeur du Vivarais. Il s’agit d’une ancienne ligne privée à voie métrique exploitée jusqu’en 1968. Cette association a remis en service le tronçon reliant Lamastre à Tournon (07). A Lamastre nous avons pris un autorail Billard qui nous a conduits 33 km plus loin dans la vallée du Rhône. Peu avant Tournon, la voie métrique s’insère dans la voie SNCF dite ligne de la rive droite. C’est donc par une voie à trois files de rails que nous entrons en gare. Le retour s’effectuant en train vapeur environ une heure plus tard, j’en ai profité pour visiter les installations. Notre loco était en préparation devant la plaque tournante. C’était la 403, locomotive-tender Mallet à la curieuse disposition d’essieux 030+030. Sur ces machines le train d’essieux placé à l’arrière constitue le groupe haute pression. Le train avant, monté sur pivot, celui basse pression. Cette disposition permet à la locomotive de s’inscrire dans des courbes de 100 m de rayon. La vapeur travaille une première fois dans les cylindres haute pression, puis dans ceux à basse pression et enfin elle s’échappe dans la cheminée provoquant le tirage de la chaudière. Ce système existait aussi sur certaines locomotives SNCF, mais en général le deuxième groupe de cylindres était situé entre les longerons du châssis. On appelait ces locomotives Compound par opposition à celles dites à simple expansion. Un membre de l’association m’ayant repéré me fit la visite commentée des ateliers puis d’une rame de voitures à bogies avec couloir latéral et compartiments, magnifiquement restaurées. L’heure du départ approchant, la loco fut mise en tête tandis que nous prenions nos quartiers sur la plate6forme de la voiture de queue. Ainsi placés nous avons profité pleinement du paysage, le train remontant les magnifiques gorges du Doux jusqu’à Lamastre avec un arrêt à Boucieu-le-Roi pour prise d’eau.

Notre périple nous a mené jusqu’à Digne (06), ville desservie par les Chemins de Fer de Provence. Encore une ligne à voie métrique, mais toujours en exploitation depuis 1911 ! Nous avons quitté Digne de bon matin en autorail, pour un parcours de 151 km nous conduisant à Nice (06). Après une brève balade sur la Promenade des anglais puis avoir avalé une salade niçoise, nous voilà reparti pour Digne. Cette gare à longtemps été desservie aussi par la SNCF. A Saint-Auban elle rejoignait la ligne des Alpes, vers Marseille ou bien vers Briançon ou Grenoble via Veynes. A la grande époque existait une relation Genève - Nice dite Alpes-Azur, assurée par un autorail Panoramique X 4200 puis par une RGP1 X 2700, donnant correspondance à Digne aux petits autorails Renault. Cette relation est actuellement supprimée… Ce Chemin de Fer de Provence assure toujours un service régulier avec un matériel moderne, malgré de grosses difficultés rencontrées notamment lors des crues du Var qui, parfois emportent la voie, causant de grands dégâts et provoquant l’arrêt des circulations durant plusieurs mois.

Le 17 octobre 1998, j’ai effectué un parcours en cabine de TGV. Un autre neveu, travaillant à la SNCF a eu l’opportunité d’obtenir une autorisation pour un voyage au départ de Paris-Montparnasse jusqu’à Tours (37). Par manque de chance il faisait un temps exécrable et la pluie arrivant sur le pare-brise à 300 km/h nous masquait toute visibilité. On avait plutôt l’impression d’être dans un sous-marin… Heureusement dans les TGV la signalisation s’affiche en cabine. A l’aller le train transportait des voyageurs, mais le retour se fit à vide !… Le temps de remonter en tête de la rame et le chef de gare nous donne le signal de départ. Arrivés à Paris, nous abandonnons notre TGV le long du quai, d’où il repartira avec un autre conducteur et peut-être pour une autre destination.

Le 17 septembre 2000, nouveau départ de la gare de Clermont-Ferrand, toujours avec l’association de la 141 R 420, mais cette fois nous allons parcourir le circuit des viaducs d’Auvergne. La rame était à quai mais la loco encore absente. Le président de l’association vient informer les voyageurs que la loco est indisponible pour défaillance technique. Il nous explique qu’une fuite de vapeur dans la cabine risquerait de causer des dommages au personnel de conduite si elle venait à s’aggraver pendant la marche. Toutefois la traction du train sera assurée par une diesel BB 66000. Cependant la loco est quand même venue du dépôt, se garer sur une voie en tiroir parallèle à notre quai, afin de s’y faire admirer. Enfin notre convoi quitte Clermont pour Riom, Gannat, les viaducs du Rouzat et de Neuvial, et enfin Montluçon (03). La loco remise en tête, le train repart en direction de Lapeyrouse pour bifurquer sur la ligne dite des Combrailles. Nous passons à Saint-Eloy-les-Mines où l’on aperçoit encore les vestiges des mines de charbon qui assurèrent longtemps un trafic conséquent sur cette ligne. Un arrêt prolongé fut observé à Saint-Gervais-Châteauneuf pour la pause casse-croûte, puis ce fut le clou de la journée avec le passage sur le viaduc des Fades. Jusqu’en 1976 il fut le plus haut viaduc du monde avec une hauteur de 132 m au-dessus des gorges de la Sioule et une longueur de 430 m. Depuis, un viaduc situé en Yougoslavie l’a supplanté avec une hauteur de 201 m. Ensuite la voie s’élève pour atteindre le faîte du parcours à 872 m. Puis environ 3 km avant Volvic, elle rejoint la ligne en provenance d’Ussel et de Brive. Elles forment ainsi non pas une double voie, mais bien deux lignes à voie unique en parallèle jusqu’en gare de Volvic. Enfin elle plonge vers la Limagne, descendant de 400 m en 20 km pour rejoindre la ligne venant de Nîmes avant son entrée en gare de Clermont. Ainsi se termina ce circuit de 219 km, avec treize tunnels et neuf viaducs. On aurait préféré la présence de la 141 R, mais ce sera peut-être pour une autre fois.

Évolution "négative" des RGP 1

Photo Weye
 RGP 1 X 2721 à  2738 en couleur d'origine (sans lieu ni date).

Photo Jean-Louis Poggi
RGP 1 X 2700 sur la "ligne des Alpes" en direction de Grenobles, août 1985.

Photo Jacques Bazin
RGP 1 X 2726 en gare d'Embrun (05), le 16 septembre 1996.

... car dès le sortie de la gare de Grenoble, j'ai pu apercevoir une rame de wagons de marchandises chargée de bulldozer. Mais ces wagons je les croyais réformés depuis longtemps. Il s'agissait de wagons surbaissés avec bogies Diamond destinés aux charges volumineuses. J'ai appris récemment qu'à Échirolles (banlieue de Grenoble) est implantée une usine Caterpillar, ce qui explique la présence de ces bulldozers.
Photo Jean-Pierre Charlier
Reconstitution de la scène ci-dessus. locotracteur C 61000 (ex 030 DA) et wagons de la marque Jouef.

... je me souviens très bien de notre arrêt prolongé en gare de Chapeauroux pour croisement avec le Cévenol emmené par deux BB 67400...

Photo Jean-Pierre Charlier
La 141 R 420 en gare de Chapeauroux (48) laisse le passage au Cévenol emmené par deux BB 67400, le 5 juin 1994.

Photo Jean-Pierre Charlier
La 141 R 420 et son train, sur le viaduc de Chapeauroux, le 5 juin 1994.

... nous avons profité pour aller voir le Chemin de fer touristique du Rhin...

Photo Jean-Pierre Charlier
030 TB et A1A1-A1A1 62029 vers Volgelsheim (68), en juillet 1994.


La 030 TB  (sans lieu ni date), probablement à Sarrebourg (57), en 1957.

... il s'agit d'une ancienne ligne prvée à voie métrique exploitée jusqu'en 1968...

Photo Jean-Pierre Charlier
Autorail Billard A 150 D, en gare de Lamastre (07), août 1996.

Photo Jean-Pierre Charlier
Locomotive Mallet 030+030 n° 403, e, gare de Tournon (07), août 1996.

...encore une ancienne ligne à voie métrique mais toujours en exploitation depuis 1911...

Photo Jean-Pierre Charlier
En gare d'Annot (04), août 1996.

Photo Jean-Pierre Charlier
En gare de Nice (06), août 1996.

Photo Jean-Pierre Charlier
Aller-retour Paris—Tous, le 17 octobre 1998. 

Photo Jean-Pierre Charlier
Aller-retour Paris—Tous, le 17 octobre 1998. 

... nous allons parcourir le circuit des viaducs d'Auvergne...

Photo Jean-Pierre Charlier
En gare de Saint-Gervais-Châteauneuf, BB 66454, le 17 septembre 2000.

Photo M. Aubert
X 2400 sur le viaduc des Fades, omnibus Clermont-Ferrand—Montluçon, 1975 

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