Le carnet du CFC

Les locos Pescara de Renault

Freddy Genot

En classant de vieux papiers, je suis tombé sur un article de F. Picard, directeur des études de la régie Renault, intitulé « L’emploi du générateur à pistons libre en traction ferroviaire ». Cela m’a rappelé un souvenir de jeunesse.

En 1955, J Danze, mon professeur de mécanique à la faculté des sciences appliquée de l’Université de Liège nous avait invités à aller voir une locomotive à moteur Pescara qui, venant de France, devait stationner quelques heures en gare des Guillemins. D’après mon souvenir, la locomotive n’est jamais arrivée à la gare.

Étant confiné j’ai voulu en savoir plus.
Qu’écrivait mon professeur dans son cour ?

Le compresseur Pescara à piston libre ne comporte pas d’arbre mais seulement deux tiges qui se déplacent en sens opposés. Ces tiges portent vers l’intérieur le piston du moteur Diesel, au milieu le piston du compresseur et à l’extérieur un piston comprimant un coussin d’air a destiné à provoquer le retour des tiges.

Le combustible est brûlé dans l’air comprimé introduit dans la chambre D ; les gaz brûlés, en se détendant, refoulent les pistons et compriment une nouvelle charge d’air puis achèvent leur détente dans la turbine T. Cette dernière est accouplée à la génératrice électrique G. Une partie des gaz brulés est dérivée vers la turbine auxiliaire A qui actionne le turbocompresseur C’ ou se produit une compression préalable de l’air évoluant ; cet air est refroidi dans l’échangeur r avant son admission dans le compresseur alternatif. Une installation de 7000 CV fonctionne chez le constructeur (Sulzer) et comporte trois compresseurs alternatifs montés en parallèle.

Historique

Le marquis de Pescara, né en Argentine en 1890, est venu en France à 8 ans. Passionné de mécanique, il entre dans la société Eifel ou il travaille dans le domaine des hydravions, prend des brevets relatifs aux hélicoptères.

C’est en 1924 qu’il construit un ensemble moteur compresseur à pistons libres dont le rendement est supérieur à celui des compresseurs existants.

En 1932 l’utilisation de cette machine comme générateur de gaz chauds pour alimenter une turbine à gaz fut brevetée.

En France, la S.I.G.M.A. (Société générale de mécanique appliquée) construisit de nombreux modèles avant la guerre. C’est en 1946 que S.I.G.M.A. mis en route le prototype GS64 qui connu de nombreuses utilisations.

En 1950 un groupe électrogène de 1250KW à deux générateurs GS 84 est installé à Vénissieux dans les ateliers S.I.G.M.A.

Des installations plus conséquentes sont ensuite réalisées par l’Électricité de France, à Reims en 1951 (1250Kw) ensuite à Cherbourg et à Tours (6GS84s et une seule turbine 6000kw) à Ajaccio, Nouméa etc..

L’utilisation des groupes à pistons libres se répand dans tous les domaines :

Pompage, marine (21 dragueurs de mines de 1800 CV) etc…

 Locomotive Renault

En 1950, Renault décida de construire une locomotive expérimentale. En 1951, un groupe moteur comportant un générateur S.I.G.M.A. qui alimentait en gaz un turbo réducteur Rateau fut monté sur une plate-forme d’essais à Billancourt.

Ce groupe fut monté sur une locomotive qui sortait le 19 mars 1952 des ateliers de Choisy-le-Roi.

Au vu des résultats obtenus lors de son passage au banc d’essais de Vitry, la SNCF la mis en service journalier le 18 mai 1953 entre Paris et Cambrai.

Les 414 kms journaliers étaient parcourus en 6 heures avec une charge remorquée de 160 à 250 t. 105000 km furent parcourus la première année .Le combustible, du fuel oil léger, donne un avantage économique au moteur à piston libre par rapport au moteur Diesel qui se rattrape par son meilleur rendement. A noter que le fuel oil léger à une teneur en soufre maxi de 2.7% ce qui le rend incompatible écologiquement.

Conçue à partir de la machine Diesel R5070 elle avait été baptisée la Baleine au dépôt de La Chapelle (par A.B. ?) qu’elle quitta en 1958 pour celui de La Rochelle ou elle termina sa carrière avec 360.000km au compteur.

Les CC 80001 et 2

L’expérience accumulée en 140000 km conduisit naturellement à un projet plus ambitieux :une machine capable de remplacer les vapeurs.

Deux locomotives de 2300 CV seront construites en collaboration par Renault et Les Forges et Ateliers de la Loire.

Deux groupes GS34 +turbine Rateau entraînent chacun les essieux d’un bogie.

Longueur hors tout : 19.2 m, Poids 108 t, vitesse 57 km/h en première, 127 km/h en seconde.

La 01 sortit de l’usine de Choisy en avril 1959, la 02 en janvier 1961. Elles furent affectées au dépôt d’Achères. Elles furent ensuite au dépôt de la Rochelle ou elles remorquaient des marchandises vers Nantes ou Bordeaux. Les moteurs connurent rapidement des problèmes. Elles furent expédiées à Choisy en 1963.

En 1965, les chemins de fer départementaux (CFD) en firent l’acquisition. La 01 fut transformée en locomotive Diesel électrique avec 2 moteurs Pielstick 12PA4 185 de 1500CV. La 02 accidentée servit de réserve de pièces de rechange. La 01 retourna au dépôt de Caen en 1969 ou elle assura un trafic voyageurs sur Paris-Caen-Cherbourg. La SNCF cessa de l’utiliser en1978.

Après révision par les CFD elle fut acquise par la société de travaux Desquennes et Girel.

Ces locomotives n’étaient pas aimées par les chemineaux à cause du sifflement des turbines, des vibrations et secousses. Il parait que des verrières ont explosé quand une de ces machines stationnait en gare, d’où leur surnom « Boum Boum ».

Références :
  • Cours de mécanique appliquée, J. Danze, 1951 A.E.E.S. Liège
  • F. Picard, RUM ( Revue universelle des mines), vol.2 n°4
  • Wikipédia, Passion train

 

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