Le carnet du CFC
Si Sulzer m’était conté…(2)François Borie
Sulzer, fondée en 1834 à Winterthur (Suisse) est un groupe technologique actif dans le monde entier, formé de deux divisions, à savoir Sulzer Medica et Sulzer Industries.
Sulzer Medica développe, produit et vend des implants et des matériaux biologiques pour les applications orthopédiques et cardio-vasculaires. Sulzer Industries englobe les technologies de revêtement de surface, les procédés industriels, les pompes, les compresseurs, les machines à tisser ainsi que les solutions d'infrastructure pour les bâtiments.
Le chiffre d'affaires du groupe pour l'an 2000 s'élevait à quelques 5,7 milliards de CHF.
Au cours du second semestre de 2001, Sulzer Medica deviendra autonome (Spin-off) et se transformera en une entreprise indépendante de Sulzer SA tant du point de vue financier que personnel. Sulzer absorbera la partie industrielle restante concentrée sur les quatre secteurs suivants : technologies de revêtement de surface, maintenance de turbomachines, pompes et procédés industriels.
Actuellement, le groupe construit toujours des locomotives qu’il exporte dans le monde entier de la Finlande à l’Indonésie en passant par les Etats-Unis et le Brésil, mais aussi des machines à tisser, des turbines hydrauliques, des turbines à gaz, des compresseurs, des machines à fabriquer le papier, des chaudières et échangeurs pour les centrales nucléaires et même des prothèses médicales (articulations de genou, de hanche, stimulateurs cardiaques, prothèses vasculaires).
Le moteur diesel
Que deviendrait donc le CFC sans cette invention ? Et pas seulement le CFC car le moteur diesel a révolutionné non seulement la fourniture d’énergie fixe, mais aussi et surtout pratiquement tous les modes de transport : routier, ferroviaire, maritime, sauf encore le transport aérien pour lequel il est resté à l’état de prototype… mais pour combien de temps ?
En 1893, Rudolf Diesel qui a travaillé quatorze ans plus tôt comme stagiaire chez Sulzer Frères à Winterthur, adresse à cette entreprise son mémoire sur le principe d’un « moteur thermique ». Malgré le scepticisme ambiant, le premier moteur est construit selon ce principe aux usines Sulzer d’Augsbourg-Nuremberg et tourne pour la première fois le 10 juin 1898.
Ce prototype développe une puissance de 20 CV à 160 tr/min et représente une grande nouveauté dans la production d’énergie motrice puisqu’il ne nécessite pratiquement pas d’installations annexes, étant donné que la totalité de la transformation énergétique se déroule dans le cylindre.
Pourtant, la machine à vapeur est tellement connue et reconnue qu’il faut plus de six ans pour que cette nouvelle machine s’impose et qu’un contrat de licence soit passé entre Sulzer et Diesel.
Il faut dire qu’on est encore assez loin du moteur diesel que nous connaissons actuellement : ce moteur est à 4 temps, mais n’a qu’un seul cylindre, c’est un moteur lent dans lequel le piston a une longue course, l’injection du combustible se fait grâce à un jet d’air comprimé, faute de système de pompe à injection convenable à cette époque et le compresseur consomme une part non négligeable de la puissance du moteur.
Une première série de 12 moteurs est alors construite et vendue, un treizième, identique, tourne en permanence aux ateliers Sulzer et est l’objet d’essais et de perfectionnements constants.
La puissance nécessaire est notamment obtenue en juxtaposant plusieurs cylindres entraînant un vilebrequin unique, mais logés dans des blocs séparés.
Ces premiers moteurs sont utilisés à poste fixe, les Suisses parlent de « moteurs stationnaires », notamment pour la production d’électricité ou comme source de force motrice dans des mines ou des usines. Certains ont aussi été montés sur des bateaux, le premier en 1904 sur le « Venoge », naviguant sur le Léman.
A partir de 1910, on construit des moteurs à quatre cylindres, dont l’alésage va jusqu’à 640mm, la puissance peut alors aller jusqu’à 1000CV. Ces moteurs sont encore lourds et lents, mais ont acquis une solide réputation de simplicité d’emploi et de fiabilité.
A la même époque, on commence à étudier des moteurs à course plus courte (moteur K) et régime de rotation plus élevé.
L’autre piste pour améliorer la puissance massique est le moteur à deux temps : théoriquement, à cylindrée et régime égal, un moteur deux temps est théoriquement deux fois plus puissant qu’un moteur quatre temps. Ainsi naît en 1906 le moteur Z, à trois cylindres deux temps, développant 750CV à 150 tr/min. Certains moteurs de ce type peuvent tourner dans les deux sens, ce qui est mis à profit dans les bateaux où ils sont vite largement utilisés. L’inversion de marche au niveau du moteur et le régime lent permettent l’entraînement direct de l’hélice. Le moteur diesel permet aussi de très importantes économies sur le poste combustible, plus des trois quarts dans certains cas.
Une troisième piste, celle des pistons à double effet, explorée par Sulzer sur des moteurs à deux temps en 1924, a été assez vite abandonnée du fait de la complexité que représentent les presse-étoupe et la difficulté à maîtriser les contraintes sur les tiges de piston.
Ce caractère très économique et la souplesse d’emploi font que naît l’idée d’utiliser le moteur diesel en traction ferroviaire. Malheureusement, ce moteur souffre, outre son poids, d’une faiblesse importante : il ne donne sa puissance qu’au dessus d’un certain régime, ce qui ne permet pas de démarrer sous charge par ses propres moyens.
La première locomotive diesel du monde est construite en 1912 pour les Chemins de Fer d’Etat Prussiens-hessois.
Pour le poids, on choisit un moteur deux temps, ses quatre cylindres en V développent 1000 CV, la puissance est transmise aux essieux moteurs par des bielles d’accouplement.
Le problème du démarrage est résolu par l’emploi d’air comprimé : un moteur diesel auxiliaire comprime de l’air dans de grandes bouteilles, cet air actionne le moteur de traction au démarrage. Lorsque le régime de celui-ci est suffisant, le combustible est envoyé aux cylindres. Ce système a l’inconvénient de refroidir les cylindres du moteur de traction qui démarre alors difficilement.
Le moteur diesel s’imposera plus facilement sur les automotrices, puis les autorails, en faisant appel à différents types de transmission : électrique d’abord, puis également par boîte de vitesses mécanique, hydraulique enfin, surtout en Allemagne.
Autre pas important vers les moteurs que nous connaissons actuellement : l’injection directe, sans recours à l’air comprimé, mis au point à partir de 1915 et généralisée en 1929 à tous les moteurs construits par Sulzer.
A partir de là, les perfectionnements portent dans deux directions :
les moteurs lents, essentiellement fixes ou marins, dans lesquels on recherche l’amélioration du rendement par abaissement du régime, augmentation du rapport course / alésage, augmentation de la pression d’allumage. Cela aboutit au moteur type RTA qui, a un régime de 70 tr/min, avec un rapport course / alésage de 2,9, permet d’obtenir pour la première fois dans une machine thermique, un rendement supérieur à 50%.
l’amélioration de la puissance massique, par la suralimentation, des progrès dans le refroidissement et la lubrification, l’augmentation de régime, avec les moteurs « semi-rapides » et « rapides » (1000 t/min).
La suralimentation a été appliquée aussi bien sur les moteurs quatre temps, qui sont pratiquement les seuls utilisés en traction ferroviaire, du fait que ce type est le plus apte au développement de moteurs rapides, qu’aux moteurs deux temps très utilisés en fixe ou en marine et qui sont le plus souvent des moteurs lents.
Voici brossée à grands traits, à travers quelques réalisations de la firme qui le développa pour la première fois et fut son premier constructeur, l’histoire de ce moteur diesel qui rencontre actuellement un tel succès jusque dans nos voitures de tourisme et permet la traction de la plupart de nos trains du CFC.